1. Scène d'ouverture

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/!\ AVERTISSEMENT : certains passages de ce livre sont susceptibles de choquer les plus jeunes lecteurs.


– Rafraîchis-moi la mémoire : qui es-tu ?

Jenna n'apprécie pas la blague. Il n'y a bien que ses trois idiots de collègues pour être hilares, ils lécheraient les bottes crottées de Patrick s'il le leur demandait. Son supérieur range ses affaires, appréciant son pouvoir comique pourtant ridicule. En ce qui la concerne elle sent la moutarde lui monter au nez. Plutôt que de cracher ce qu'elle pense de lui, elle insiste :

– Si la première image vue par les spectateurs c'est le groupe entier des candidats, c'est mieux que le traditionnel plan du présentateur !

– Et moi je te répète : qui es-tu ? Un détail t'as échappé, non ? T'es dans le local technique !

Jenna ne le sait que trop bien. Voilà des mois qu'elle travaille dans ce hangar souterrain, ce dédale étroit sans fenêtre jonché de câbles et de fils. Un "bocal" technique plutôt !

Elle ne s'en plaignait pas au début, il faut bien commencer. Puisqu'elle avait raté le casting pour l'émission sur la toute dernière étape, pouvoir s'y retrouver, même si ce n'était pas ce qu'elle espérait, c'était un premier pas.

Mais à subir la lourdeur de Patrick, ainsi que ses missions de tâcheron lui rappelaient chaque jour : je vaux mieux que ça.

Il continue sur sa lancée misogyne :

– Fais plutôt ma vaisselle ! ordonne-t-il en levant son mug estampillé Symphonia.

L'anse est déjà cassée et les tâches de cafés précédents s'étalent d'ici de là.

– Je ne peux pas. C'est bien connu : je vais me casser un ongle, réplique-t-elle d'un ton sarcastique.

Elle se retient de lever son majeur.

– Non, mais bientôt, Jenna sera la productrice en chef !

Jenna fait ce qu'elle fait d'habitude, elle va se réfugier dans le seul endroit où elle est certaine d'avoir la paix : le local de ménage. En théorie, à cette heure, plus de risque de surprendre un couple déloyal. Pour assurer sa tranquillité, elle replace le mot « Défense d'entrer » sur la porte.

A l'intérieur, elle peut se laisser aller :

– Je t'emmerde ! Qui je suis ? Qui je suis ?! Vieux résidu de capote ! Bientôt tu me baiseras les pieds ! Tu t'es vu, avec ta gueule en biais et tes fringues d'ados attardés !

Des larmes de rage menacent de délaver son teint si uniforme.

– Merde, j'ai pas mérité ça !

Elle triture nerveusement le tour de cou d'où se balance son badge. Ils avaient réutilisé la photographie du casting. Quelle ironie ! La jeune blonde souriait tant ce jour-là.

Elle constate sa fin de service après un regard sur sa montre. Jenna préfère passer par le poste de sécurité pour éviter Patrick. En plus, le gardien a toujours un mot gentil pour elle, ça lui met du baume au cœur à la fin de ses journées épuisantes, pas tant pour le boulot, mais pour supporter ses collègues.

C'est un vrai labyrinthe. Si la technologie est de pointe, le bâtiment de béton n'a rien à envier au futur lieu de résidence des candidats.

Les vidéastes et ingénieurs du son, en pleine ébullition, vérifient pour la millième fois le réseau télévisuel. Elle admire cette fourmilière, et soudain, voilà qu'elle s'apaise. Elle va toucher du doigt le succès, elle le sent. Tout est là. Ce genre d'émission-phare repartira pour plusieurs saisons, elle se placera comme il faut, au bon moment.

LE MAESTROOù les histoires vivent. Découvrez maintenant