10. Macabre

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Lilia veut fuir. Son mouvement de recul est si brusque qu'elle percute une étagère métallique. Ziad bondit pour l'empêcher de se renverser sur elle. Elle comprend que l'étrange odeur n'est pas qu'un mélange d'humidité et de plastique.

– Tu saignes, constate le jeune homme.

Lilia baisse les yeux sur sa chemise blanche dont un pan déchiré s'imbibe de sang. Elle presse sa main sur sa côte, grimace, mais affirme :

– Ce n'est rien.

Il remet l'étagère en place, en évitant la chute d'autres matériaux puis s'approche des silhouettes empilées.

– Qu'est-ce que tu fais ?

Ziad ne répond pas tout de suite, il se permet de toucher l'un des corps, Lilia détourne le regard.

– Ils ont été tués il y a peu de temps.

– Comment a-t-il fait ? Ils sont si nombreux !

– Je me demande aussi comment il a fait déplacer tous les corps...

Lilia prononce une idée qui augmente son effroi :

– Tu crois qu'il n'est pas tout seul ?

– Je... peut-être... Il est trop tôt pour le dire.

Ziad ne veut pas inquiéter davantage Lilia. Mais autre chose le taraude : où se cache-t-il ?

Elle contourne l'amoncellement sanglant.

Dans un recoin, un grand diable avec palette porte des traces d'hémoglobine. Étrangement, ça les rassure : ils espèrent que c'est le signe de la solitude du tueur fou.

– Passe-moi la barre ! chuchote Ziad à la jeune femme.

Elle lui tend l'arme de fortune et comprend la pensée de l'ancien militaire.

– Tu ne vas quand même pas ?

Il lui fait signe de se taire. Ziad sait que le tueur est non seulement prêt à tout, mais aussi qu'il est très intelligent. Ziad constate qu'il n'y a aucun signe de lui sur les caméras, qu'il est vêtu en homme-silhouette pour ne pas être identifié. Gagne-t-il du temps, où joue-t-il avec leurs nerfs pour ne pas se manifester depuis ces longues minutes ?

Pour lui, le tueur est sûrement caché parmi ces corps.

Le jeune homme commence son inspection. Il cherche le pouls ou la chaleur corporelle, prêt à frapper en cas d'attaque soudaine. C'est bien pire que sa visite dans les catacombes parisiennes l'été dernier, cet amoncellement de membres inanimés, froids mais encore de chairs et de sang.

Les tâches carmin, devenues marrons, sont alors clairement visibles sur les combinaisons des techniciens. En dessous, deux autres corps, identifiables cette fois, un homme et une femme, sont enchevêtrés : sûrement ceux qui devaient rester tout le temps ici, sans monter sur le « plateau ».

– C'est terrible...

Ziad sait qu'il ne doit vérifier que les corps du dessus. Le tueur ne pourrait être tout en dessous, il serait écrasé par un poids insupportable.

Est-ce son imagination où l'effet de son ombre dans ce coin peu éclairé ? Il pense avoir vu bouger l'un des visages anonymes.

Il resserre sa prise sur la barre de fer. Lilia se saisit d'un genre de trophée sur l'armoire derrière elle.

– LILIA ! ZIAD !

– Oh, putain !

Lilia en fait tomber l'objet.

Ziad, ne réfléchit plus et frappe la silhouette. Mais le cadavre ne réagit pas, ses bras et sa tête s'affaissent mollement.

C'était la voix de Maureen.

– On est là ! hurle Lilia en repartant vers le couloir.

Ziad suit sa trace et la retrouve dans la salle technique où Maureen et Maxime viennent d'arriver.

– Attendez, c'est quoi tout ça ? demande-t-il face aux écrans.

Sans attendre de réponse, il observe les caméras.

– Tout le système vidéo, affirme Maureen.

Mais ce qui intéresse Ziad, c'est le bilan de leur tour de reconnaissance :

– Alors ?

Maureen relâche Lilia de son embrassade :

– Rien, enfin, Maxime a repéré un vieil ascenseur à ce niveau-là ?

Elle montre l'image du jardin Est, vers l'extrémité.

– T'as osé t'aventurer dans la forêt, finalement ?

– Vite fait. C'est un vieux truc, je n'ai pas réussi à le faire fonctionner, mais je pense qu'il mène à une plage, j'ai clairement entendu la mer.

– C'est notre chance, non ?

– Le tueur est plus malin que ça... Il maîtrise tout, il contrôle tout.

– Le téléphone...

– Vous avez trouvé un moyen de communiquer ? demande Maureen.

– Non, il a trouvé le moyen de neutraliser les appels sortants.

– Il faut ré-essayer ! propose Maxime, dans un excès d'optimisme.

Lilia et Ziad les mènent dans la pièce mortuaire.

– Ne me dites pas que c'est ce que je pense... déclare Maureen en observant la masse de cadavres.

– Ne regarde pas, c'est mon conseil, répond son amie en décrochant le téléphone.

Elle compose un numéro, en vain.

– Il a bien sonné tout à l'heure.

– C'était lui ? Le tueur ?

– Je ne sais pas, je pense ?

– Et si on le branchait ailleurs ? Il doit bien y avoir une prise téléphone dans la maison, non ?

– Je n'ai aucun outil mais... non... Regardez ! Les branchements ont été neutralisés !

– Putain, quel enfoiré !

– Ce mec est forcément quelque part ! peste Maxime en regagnant le local vidéo.

Ils le suivent. Le jeune homme scrute chacun des écrans.

– Allez, bordel, tu te caches où ? Connard !

Tous fixent intensément chacune des prises de vues, à la recherche du tueur. Leurs amis ont chacun progressé.

Soudain, Maureen voit bouger le rideau du grand salon.

– Là !

L'homme-silhouette apparaît.

– Rémi, non !!! crie Lilia.

Ils se précipitent tous pour sauver le jeune homme, resté immobile près de la porte sans voir que l'assassin fonce droit sur lui.

LE MAESTROOù les histoires vivent. Découvrez maintenant