Chapitre 2 : Géniteur

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Quelques heures plus tard, je suis en effet dans mon nouveau chez moi, entourée de mes cartons.

L'appartement est magnifique. Je ne peux pas le nier. La rambarde d'escalier est entourée d'une guirlande de fleur, comme le pourtour de la fenêtre. Un aquarium, une décoration appliquée dans les moindres détails, de l'espace. Tout semble parfait. Tout est parfait. A mon goût. Mais je m'y sens étrangère. Je m'y sens enfermée. Comme dans une prison dorée. C'est le rêve de tous les autres, mais pas le mien.

J'allume la télévision sur mon hologramme alors même que je n'ai pas retiré mon manteau. J'entends à nouveau Mona présenter le journal audio comme tous les jours à cette heure :

- Cher peuple de Sudéris, bonjour. Le mur qui nous protège de Nodéris a été une nouvelle fois attaqué. Mais les forces de l'ordre ont réussi à maîtriser les résistants la situation est donc désormais sous contrôle.

Attaquer le mur, c'est quelque chose de récurent. Les Nodéris cherche à tout prix à détruire ce qui le sépare de nous, et honnêtement, je crois que j'ai du mal à ne pas les comprendre. Pourquoi nous, aurait-on le droit à plus de soin ? Plus de nourriture ? Plus de richesse ? Plus de bonheur ?

Mona continue son discours :

- Nous tenons à saluer nos forces de l'ordre et à les remercier chaleureusement.

Chaleureusement est un mot un peu hypocrite non ? Des Noderis sont nécessairement mort dans cette altercation. Mais bon, s'ils sont morts chaleureusement, tout va bien j'imagine.

- Point météo : il fera bon du nord au sud de Sudéris avec des températures estivales et un soleil radieux.

J'ouvre le sac et une musique insupportablement joviale résonne.

Je referme le sac. Qu'était-ce ?

Je l'ouvre à nouveau et cette musique réapparaît.

Je referme le sac. Un cadeau d'arrivée...

A nouveau je l'ouvre en plissant des yeux : cette mélodie est irritante. Je sors rapidement du sac les trois éléments et referme rapidement le sac.

Le premier objet est une sorte de culotte où il y a inscrit dessus 'J'absorbe tes saignements, lave-moi et remets-moi, je recommence ». Est-ce que faire parler les objets est censé rendre cette atmosphère faussement maternelle plus agréable ?

Je pose le sous-vêtement sans être particulièrement enthousiaste à l'idée de l'essayer sur le canapé à côté de moi, puis je prends le second cadeau. Là aussi un message est inscrit : « Remplis moi d'eau chaude, pose-moi sur ton ventre et j'enlèverai ta douleur ». Je ne sais pas pourquoi, mais je doute que cet instrument m'aide d'une quelconque manière à ne plus avoir cette sensation d'être transpercée d'un couteau à chaque respiration. Mais j'essayerai. Ce cadeau a au moins l'avantage d'être plus accueillant que mes deux rendez-vous précédents.

Enfin, après avoir posé la bouillote à côté de moi, je prends le troisième cadeau. C'est un vêtement pour bébé. Il est tout blanc, avec un petit ours qui tient un ballon en forme d'étoile, prêt à s'envoler. C'est probablement censé représenter le rêve.

Mère. Je vais être mère. J'oublie encore, malgré mes douleurs, mes saignements, mes rendez-vous... que je vais être mère.

Quelques minutes plus tard, alors que Mona conclut le journal audio par son éternel « Tous unis pour un monde harmonieux et en paix. Viva Sudéris ! », je reçois une notification. Je sors mon téléphone et voit le message suivant, anonyme : « Rendez-vous table 48 au Générator ce soir à 19h ». C'est mon géniteur, je le sais sans même en douter. Je vais enfin rencontrer Harry Hartman, le grand sauveur de Suderis.

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