Chapitre 1 : Mère

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Je vais devenir mère. Comme l'a décidé le tirage au sort.

J'ai reçu un courriel quelques heures après l'annonce officiel de Mona. On me convoquait à une clinique, ou plutôt devrais-je dire à la clinique, celle qui s'occupe des naissances à Suderis.

Je touche mon collier dans la salle d'attente. Je stress. Apparemment je devrais être comme sur un nuage mais je crois que j'ai peur plus qu'autre chose. Peur de regretter ma vie d'avant, peur que le destin qu'on me choisis ne me convienne pas, peur de ne pas être heureuse.

La salle est assez conviviale. Des plantes, de la tapisserie fleurie. Mais l'odeur révèle bien la fonction du lieu. C'est indéniable.

On m'appelle après une dizaine de minutes à attendre :

- Erin Preload ? C'est à vous.

Je suis ce qui semble être l'infirmière jusqu'à un cabinet. Le sien probablement. Je ne l'apprécie pas vraiment au premier regard. Sa voix n'est pas particulièrement agréable, ses boucles semblent trop travaillées et son rouge à lèvre bleue de plus en plus populaire de nos jours ne me met pas en confiance. Je ne saurais pas vraiment dire pourquoi. Dans tous les cas, personne ne m'a demandé de l'apprécier. Elle va juste m'aider à accomplir la première étape du reste de ma vie : le déclenchement de mes règles.

Elle me fait enfiler une blouse et m'allonger à moitié sur un brancard d'hôpital. Sans me dire quoique ce soit pour le moment, elle prend dans un pot une pilule blanche. Il y en a des milliers qui se ressemblent. Probablement ce qui déclenchera mon ovulation. C'est étrange mais je pensais qu'une naissance serait un peu plus singulière. Je rêve encore d'un monde que je n'ai jamais connu sûrement.

Elle confirme mes pensées avec son air à la fois infantilisant et dédaigneux quelques secondes plus tard :

- Et voici la pilule des championnes ! Cette gélule va activer le processus reproductif de votre corps qui a été bloqué pendant de très longues années grâce à notre mère patrie. Vous allez donc avoir des premiers saignements synonymes de vos premières règles qui vont vous permettre ainsi d'ovuler.

Je ne dis rien. Je n'ai rien envie de dire. De toutes façons, c'est comme ça, quoique j'affirme ou contredit.

- Ne vous inquiétez pas, ajoute-t-elle. Ce traitement est très rapide un seul rapport sexuel suffit à vous féconder ! et d'ici moins de 12 heures nous verrons déjà pointer votre petit bébé !

Je crois que finalement, j'aurais préféré qu'elle ne dise rien pour me rassurer. Un bébé. C'est étrange mais même à l'approche de mes vingt-cinq ans, je n'y ai jamais réellement songé. Du moins je ne me suis pas projeté. Mais bientôt, j'aurais un bébé. Mon bébé.

- Oh, Il va être magnifique ! Vous devez être tellement impatiente de connaître quel géniteur on vous a attribué ? Vous en avez de la chance hein : une nouvelle vie, une nouvelle maison, une nouvelle garde-robe, j'aimerais bien être à votre place !

Je ne sens malgré ses mots aucune félicitation, aucune bienveillance dans sa voix. Juste peut-être un manque de compréhension. Ou peut-être est-ce moi qui suis étrange de ne pas être aussi joyeuse que les autres femmes nommées mères ?

Elle me tend la pilule en prononçant les mots suivants sans même remarquer mon inquiétude :

- Bon allez-y, voici votre pilule.

Sa voix est d'abord douce mais après une seconde sans me voir bouger, elle répète bien plus violemment. C'est étrange, je pensais que la maternité était un univers de calme et de joie partager.

Elle me la met dans la bouche sans ménagement. Je ne résiste pas, mais je ne participe pour ainsi dire pas non plus.

- Allez, on boit, et glou et glou et glou et glou, dit-elle de cette voix qui m'insupporte déjà en me donnant un verre.

SudérisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant