Chapitre 6 : Renaissance

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- Alors bonne nouvelle hein Erin, bon ç'est un peut noir mais ça a l'air de prendre, me dit l'infirmière avec son éternel son insupportable.

« Prendre ». Est-ce que c'est réellement un terme que l'on peut employer pour désigner un bébé ?

- C'est un peu noir mais ça a l'air de prendre.

Désormais je suis enceinte de plusieurs semaines. La mort de Felix est toujours présente au fond de moi, toujours douloureuse, mais je m'en relève, peu à peu.

Ce rendez-vous n'est qu'une énième consultation pour ma grossesse, mais je ne me fais toujours pas à ce personnage. Quoique pour dire vrai, quelque chose change aujourd'hui, et paradoxalement c'est le fait que j'ai l'impression d'avoir déjà vécu cette journée. Consultation avec l'infirmière insupportable, passage chez le sélectionneur pour un nouveau géniteur et enfin, ce soir, nouveau rendez-vous galant. Comme au premier jour. Au premier jour de ma nouvelle vie.

Mona savait qu'on ne me laisserait pas en paix, pas après avoir rompu officiellement avec Harry, qui plus est sans explication au grand public. Elle savait qu'on allait m'attribuer un nouveau géniteur. Alors elle a élaboré un plan.

Elle avait un ami, un vieil ami en qui elle avait confiance. Elle a fait ce qu'il fallait pour que ce soit son nom qui ressorte comme mon géniteur devant le sélectionneur, lui-même au courant de toute cette procédure.

En arrivant au restaurant, je suis soulagée de voir que je ne dois pas me rendre à la table 48. Celle à laquelle on m'a attribué est presque identique, mais ce n'est pas la même, et ça suffit à me soulager. J'ai confiance en Mona mais comment ne pas avoir peur après tout ce que je viens de vivre ?

- Bonjour, je suis Jorick, me dit un homme aux allures bien plus gentilles que Harry au moment où j'arrive à la table. Vas-y, assis-toi.

Je ne me sens pas apaisée à ses côtés, pas comme avec Felix, mais ça n'a rien à voir avec mon premier rendez-vous. Lui, je veux bien lui accorder le bénéfice du doute.

- Ça va ?

- Oui merci

- T'es ravissante. Vraiment

- Oh, merci.

La discussion est calme, sans arrière-pensée. Personne ne me qualifie de sauvage. J'apprécie.

- On a une très bonne amie en commun, je ne sais pas si tu savais ?

- Ouais je...je suis au courant.

Un petit silence s'installe et puis il me tend son cellulaire. Dessus, repose la photo d'un homme, brun, souriant, mignon. Et puis Jorick se confie dans l'unique but de moi, me mettre à l'aise :

- Moi aussi j'ai aimé quelqu'un qu'on m'a interdit d'aimer. Gaël. Quand on m'a désigné comme géniteur j'étais affilié à une femme que je ne connaissais pas. On a voulu s'enfuir avec Gaël mais ils l'ont envoyé de l'autre côté du mur.

Je vois dans ses yeux de la souffrance. Je suis incapable de dire s'il en ressent plus que moi, ou non, mais j'ai de la compassion pour lui. Je le comprends.

Il m'attrape ma main mais je ne la retire pas. Et je sais que j'ai raison :

- Je ne te ferai rien Erin, tu ne risques rien avec moi, je ne te toucherai pas. Je serai là pour toi, je serais ton allié. Et ce bébé on va le protéger, d'accord ?

J'ai toujours ma seconde main, celle qu'il n'a pas attrapé, en l'air. Je le regarde, et malgré tout ce qu'il me dit, je suis perdue. J'ai peur. Je pourrais refaire une erreur en acceptant cette situation. Mais Jorick... Gael...

- Tu peux me faire confiance...

Je leur fait confiance. Parce que Sudéris leur a fait vivre la même chose que moi.

...

Plusieurs jours passent. Je vis avec Jorick plus paisiblement que je n'aurais jamais pu vivre avec qui que ce soit d'autre. A l'exception de Mona et Felix évidemment.

Il est gentil, il prend soin de moi, du bébé. Et moi en retour je prends soin de lui, je tente de lui faire oublier que Gael n'est pas du même côté du mur que nous, qu'on ne sait pas ce qu'il lui arrive ou ce qui lui est arrivé.

Le journal s'allume automatiquement. Jorick préfère faire ainsi pour être tenu au courant des actualités, là où moi je préférais choisir quand je voulais regarder les informations. Mais ça ne me dérange pas plus que ça, ce n'est rien comme compromis. Et puis je lui dois bien ça.

Mona apparaît à l'écran, toujours aussi jolie et souriante.

- Cher peuple de Sudéris, bonsoir. Aux actualités de ce soir nous allons parler du groupe Inéxus ! Nous avons...

Elle s'arrête dans sa phrase. Je regarde attentivement mon écran et voit son air désemparée. Le prompteur est-il en panne ? Mais il ne me faut que lire dans ses yeux une tristesse que je n'explique pas pour comprendre que non, ce n'est pas ça.

- Je suis désolée je ne peux pas en fait. Je sais pas du tout ce qu'il adviendra de moi après ce soir, et ce que je m'apprête à vous dire, mais...

Et je comprends que ce soir est le soir. Ce soir Mona va parler.

SudérisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant