Chapitre 3 : Intrusion

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Je rentre épuisée de ce rendez-vous. J'ai l'impression qu'il a duré un siècle, mais finalement pas tant que cela. Je laisse mon dos s'appuyer contre la porte à peine l'ai-je dépassée et soupir. C'est bien loin du rêve que je m'étais imaginé, définitivement. Je n'arrête pas de me répéter ça depuis le début de la journée et j'ai bien peur que ça ne soit pas prêt de s'arrêter, car apparemment, je n'ai vu aujourd'hui qu'un aperçu de ce que les autres ont décidé être comme ma vie future.

Je ne reste pas longtemps contre cette porte et vais directement vers mon canapé ou je demande à mon cellulaire d'appeler Mona.

Elle décroche quelques secondes plus tard :

- Salut Mona ? Ça va ? je demande précipitamment.

Un peu trop précipitamment.

- Oh ! Excusez-moi ! L'élue de Sudéris en personne qui m'appelle ! Alors il est comment ton mâle dominant ?

Elle dit ça sur le ton de l'humour, mais elle ne croit pas si bien dire.

- Dominant, je réponds presque exaspérée.

- Ah ouais... souffle-t-elle ensuite. Tu te rends compte quand même le fils à papa de Sudéris quoi rien que ça, elle est veinarde celle-là hein

Veinarde je ne sais pas. Peut-être, après tout il est influant et riche. Mais est-ce que c'est suffisant pour dire que je suis veinarde ?

Dans tous les cas, ce n'est pas un débat qui s'éternisera dans mon esprit. Mon choix est fait : je ne peux me résigner à rester à ses côtés toutes ma vie, ni même à rester une journée de plus avec lui : il est odieux et égocentrique, tout ce que je cherche à éviter dans ma vie. Mais j'ai bon espoir, il a forcément une faille, forcément une facette plus sombre que son caractère insupportable pour me permettre d'annuler ce contrat établi entre lui et moi. Et c'est exactement la raison pour laquelle j'ai besoin de Mona, s'il y en a bien une qui peut obtenir des informations sur mon « mâle reproducteur attitré », comme ils disent si bien à Sudéris, c'est elle.

Seulement, avant cela, je vais devoir la convaincre de m'aider.

- Nan alors voilà ce que je vais faire c'est que je ne vais pas m'en mêler ! me dit-elle dès que j'évoque mon plan.

- Non non Mona je t'en supplie ! je réponds d'emblée.

Je savais qu'elle n'allait pas tout de suite accepter. En même temps, je la comprends : je ne la mets pas dans la position la plus confortable qu'il soit.

- Je ne veux pas le savoir ! Je ne veux pas le savoir ! persiste-t-elle.

- Mona je t'en prie ! Je t'en supplie ! Je t'en supplie ! J'en ai vraiment besoin !

- Erin tu fais chier !

- Je t'en supplie s'te plait S'il te plait, s'il te plait s'il te plait s'il te plait !

J'enchaîne sans cesse mes supplications : je sais qu'il n'y a que comme ça qu'elle va céder. Et accompagné de mes belles paroles, je n'oublie pas d'accentuer sur mon visage torturé de désespoir pour la convaincre.

Quelques minutes après, comme prévu, je gagne :

- Bon, je vais voir ce que je peux faire mais je ne te promets rien... dit-elle en soufflant. Mais je vais voir ce que je peux faire. T'es chiante hein ! poursuit-elle. T'es chiante !

- Merci, merci ! je réponds le sourire satisfait aux lèvres.

Elle raccroche en faisant mine de m'en vouloir mais je ne m'en préoccupe pas plus que cela. Je sais qu'elle ne m'en tiendra pas rigueur bien longtemps. Et j'ai réellement besoin de ces informations. Puis, peu de temps après, je pars me coucher épuisée. Je m'installe sur mon canapé plutôt que le lit car il me semble beaucoup plus confortable.

En réalité il est encore tôt et j'ai particulièrement faim puisque je n'ai presque rien avalé durant mon rendez-vous apparemment galant. Mais j'ai trop hâte de terminer cette journée pour prendre le temps de me faire à manger.

Je m'endors donc rapidement. Je me fais peu à peu à ce nouveau chez moi, mais j'ai bien peur qu'une fois qu'Harry emménagera, les choses changent à nouveau.

...

J'ouvre lentement les yeux en plein milieu de la nuit. J'aperçois sur l'hologramme qu'il est 2h45 et je me demande bien ce qui a pu me réveiller. Jusqu'à ce que je sente de douces caresses sur mon visage. Au début, j'avoue trouver ça agréable. Puis je me rappelle que je suis seule dans mon appartement.

Je me retourne brusquement et un homme capuché place sa main sur ma bouche. Je le distingue mal, mais une atmosphère de confiance est installée. C'est étrange.

- J'enlève ma main si tu me promet de ne pas crier, ok ? me dit-il en chuchotant presque.

J'hoche lentement la tête et comme promis, il retire sa main. De mon côté, je remplie ma part du marché et je ne cris pas. Je l'observe plus attentivement et enfin, je le reconnais :

- Felix ? je demande.

Il enlève sa capuche et me sourit.

- Je savais que tu ne m'avais pas oublié ! Erin je t'ai cherché pendant tellement longtemps je te croyais morte ! Mais quand j'ai entendu cette dame dire ton nom j'ai pas hésité, j'ai traversé le mur.

Mais le fait est que pourtant, je ne le connais pas. Il lit l'incompréhension sur mon visage et perds son sourire :

- Tu ne te souviens pas de moi ?

Je ne sais pas quoi répondre. Mais cette situation ne dure qu'un instant. On toque à la porte et j'entends ma meilleure amie parler à travers cette dernière :

- Erin, c'est Mona.

Félix et moi on se regarde encore, puis il part aussi rapidement qu'il est apparu.

- Erin tu m'entends ? C'est Mona.

Je ne sais pas ce qu'elle fait ici, à cette heure chez moi, mais je me rue sur la porte et à peine ai-je vu son visage, je m'exclame :

- Mona Félix était chez moi !

- Mais de quoi tu parles ?

- Félix, le Félix. Il était chez moi il est venu me dire qu'on se connaissait déjà, qu'il me cherchait depuis longtemps. Il voulait me dire d'autre chose mais tu as frappé à ce moment-là et il est parti.

Je déblatère tout cela d'une traite et je vois petit à petit le visage de Mona se décomposer.

- Mais tu rigoles ou quoi ? Ça se trouve il t'a infecté et Nodéris est plein de maladies il faut que je t'emmène à l'institut !

- Non non Mona, écoute, stop tu ne comprend pas, je l'arrête alors qu'elle essaye de me tirer en dehors de chez moi. Écoute moi s'il te plaît. C'est pour ça, c'est pour ça ! On se connaît déjà lui et moi c'est pour ça tout ça !

Le sentiment chaleureux qui m'a enveloppé quand le sélecteur me l'a montré, la déception en voyant à l'inverse celui de Harry, la confiance que je lui ai spontanément accordé quelques secondes plus tôt. Tout s'explique. On se connaît, je ne sais d'où, mais je suis sûr que c'est vrai. Je suis sûr que c'est réellement lui mon match parfait. Je ne sais pas qui il est exactement, ni pourquoi il est venu me voir, mais je sais qu'il y a beaucoup à découvrir.

- Félix est un activiste fiché d'accord ? me réponds Mona rationnelle comme toujours. Il est recherché et si on le retrouve il va être exécuté ! Il ne faut pas que tu t'approches de lui !

Je l'écoute mais ça ne m'atteint pas réellement. Activiste fiché ou non, je sens qu'on est lié d'une quelconque manière.

- C'est trop tard... je murmure à ma meilleure amie.

Elle passe le reste de la nuit chez moi. Elle n'essaye pas d'insister plus quant à l'importance de me tenir éloignée de Félix, bien que ce ne soit pas moi qui ait décidé d'établir le contact, voyant que je n'avais pas la tête à être responsable. Je ne pense qu'à ça. A sa voix apaisante et aux quelques mots qu'elle a prononcés. Je ne me rappelle pas de lui, ni de son nom, ni de son visage. Mais je suis sûre d'avoir oublié. Je suis sûre qu'il ne ment pas. Et je suis sûre que ce n'était pas la dernière fois que je le voyais.

SudérisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant