Chapitre 5.1 :

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Spencer m'a envoyé son tatouage. Je suis absolument fan du résultat et lui fais un retour plus que positif. Je me suis couchée toutefois la boule au ventre, nerveuse de devoir passer plusieurs heures en compagnie d'un homme, sachant que ce même homme aura les mains posées sur mon corps. Malgré tout, je me suis forcée à manger un Fish & Chips — avec l'expérience, j'ai appris qu'il valait mieux avoir l'estomac plein avant un tatouage. Quand je me suis fait tatoué la pivoine qu'il y a sur mon épaule, j'ai eu le malheur de ne rien avaler, tant j'étais nerveuse... Non seulement Delphine m'avait vertement sermonnée, mais en plus je me suis évanouie. Toutefois, c'est cet incident qui a lié notre amitié.

Je crois bien que je n'ai jamais été aussi anxieuse de toute ma vie ! Même si j'ai déjà rencontré Spencer et qu'il m'a laissé une forte impression, je ne peux pas m'empêcher de douter. C'est un professionnel, me répété-je, en boucle. Delphine, Flavia, et Lucas le connaissent. Tout va bien se passer. Tu peux le faire, Zarah !

Assise à la terrasse d'un restaurant, je lèche mes doigts plein de sel, mon Fish & Chips terminé, savourant quelques rayons de soleil. J'entends les enfants à côté. De moi se disputer, tendis que leur père semble avoir du mal à les maintenir en place — ils me rappellent l'époque où Logan était absolument intenable, vers ses six ou sept ans. Quand le serveur m'apporte l'addition, je scroll une dernière fois le profil de Spencer, à la recherche de quelque chose. Quoi, exactement, je ne sais pas. Callie serait fière de moi : en acceptant ce rendez-vous, j'ai vaincu ma peur des hommes. Et j'ai même impressionné Daniel Hathaway. Tu entends ça, Callie ?

Vêtue d'un vieux t-shirt, d'un jean usé, d'un masque pour le visage et d'une doudoune, je sors dans le froid mordant de Londres. Par chance, le tattoo shop de Spencer n'est pas loin d'ici, il ne me faudra que deux arrêts de métro pour m'y rendre. Je profile pour m'isoler du reste du monde à l'aide de mes écouteurs. La chanson Bad reputation de Shawn Mendes m'accompagne durant le trajet jusque chez Delphine. Il est situé juste en face du grand bâtiment en marbre blanc, Marble Arch. Aujourd'hui, les touristes asiatiques se comptent par milliers — ils dégainent leurs appareils photos à la vitesse de la lumière. Je me fais alpaguer par quelqu'un qui souhaite que je prenne une photographie de lui avec sa femme, mais je refuse poliment : je suis déjà à la bourre. Une petite voix me dit que Spencer aurait accepté, quitte à être en retard à son rendez-vous...

En arrivant devant le shop, je remarque le jeune homme en train de s'occuper d'une cliente. Il a natté ses longs cheveux et s'est rasé, cette fois, ce qui lui donne un air beaucoup plus jeune. Son cou est recouvert d'un tatouage coloré, représentant des montagnes resplendissantes. Elles ressemblent à celles que nous avions vues en Haute Savoie, avec Callie et papa. Je soupire. Pas question de me laisser submergée par la nostalgie...


Spencer me remarque avant même que je n'ouvre la porte. À peine entré-je dans le shop qu'il me salua :

— Zarah, comment va Flavia ? Pose ton manteau, fais comme chez toi.

Sa voix, douce et prévenante, apaise un petit peu mon coeur, qui bat la chamade. J'avais oublié les odeurs d'huile essentielle du shop de Delphine. Il n'a pas changé depuis la dernier fois : le même canapé miteux, la même table basse, les mêmes terrariums et les posters de rock. Cela me fait juste bizarre de ne pas la voir. Avec sa chevelure blonde comme les blés, son rire cristallin et sa vivacité, on dirait un ange sous amphétamines.

— C'est un peu difficile, mais elle va bien. Merci d'avoir pris soin d'elle. Et toi ?

De nouveau, les papillons sont de retour dans mon ventre. Il faut que je l'admette : ce sont les mêmes que quand j'étais sortie avec Miles, ce sublime surveillant, qui fut mon compagnon de mes dix-sept à mes dix-neuf et Margot, ma dernière ex en date. Ma bisexualité n'est un secret pour personne — à dire vrai, pendant longtemps, j'ai essayé de me faire croire que j'étais lesbienne.

À chaque coup durOù les histoires vivent. Découvrez maintenant