Le lendemain matin, je fus réveillée par une désagréable sensation de froid au visage. J'étais en sueur, et l'angoisse me serrait la gorge. Je ne me rappelais pourtant pas avoir fait de cauchemar. De quoi avais-je bien pu rêver pour me mettre dans cet état ? Tandis que je fouillais ma mémoire à la recherche d'un potentiel cauchemar, une impression étrange s'empara de moi. De quoi avais-je rêvé ? J'avais beau me concentrer, je n'arrivais pas à m'en souvenir. J'avais pourtant la certitude d'avoir rêvé de quelque chose d'important, et je détestais ça.
Agacée, je me levai et rassemblai les affaires nécessaires à ma douche avant de me diriger vers la salle d'eau. Sur le chemin du retour, j'eus la surprise de croiser Kay. Edgard et lui logeaient pourtant au troisième étage. Curieuse, je le saluai et lui demandai ce qu'il venait faire là. Avec un de ces sourires dont il semblait avoir le secret, il me demanda si je souhaitais déjeuner avec lui. J'acceptai, mais passai d'abord par ma chambre afin d'y déposer mes affaires. Lorsque j'arrivai devant ma porte, je remarquai avec surprise que j'avais oublié de la fermer en partant. Il faudrait que je fasse plus attention à l'avenir. Non pas que je me méfiais de mes voisins de chambres, mais un peu quand même.
Je déposai donc mes affaires sur mon lit et étendis ma serviette mouillée à la fenêtre avant de rejoindre Kay, et c'est en papotant que nous nous rendîmes au réfectoire. Nous profitions de ce petit tête à tête pour en apprendre plus l'un sur l'autre. Ce garçon semblait être un véritable condensé de positivité, plus j'en apprenais sur lui et plus je l'appréciais. Avec du temps, nous deviendrions surement de bons amis.
Je n'étais cependant pas naïve au point de ne pas remarquer son comportement à mon égard : je plaisais à ce garçon, et pour peu que je me sois mise à lui envoyer des signes encourageant, il aurait sans aucun doute cessé d'être simplement amical envers moi. Je préférais toutefois ne pas y prêter attention pour le moment. Nous venions tout juste d'arriver à Londres et de nous rencontrer, et je n'avais aucune envie de me lancer dans une relation ambiguë avec un camarade de chambre. Du moins, pas pour le moment.
Après le repas nous avions fait le tour du jardin, accompagnés d'Edgard que nous avions trouvé près de la fontaine. Le jardin était très grand et parfaitement entretenu. De petits espaces ombragés et des bancs et tables en bois étaient disposés un peu partout, créant une ambiance calme et propice au travail et à la réflexion. La vie ici s'annonçait paisible et agréable. Si j'avais su à quel point je me trompais !
Dans l'après-midi je décidai d'aller jeter un œil aux salles de répétitions du premier étage. Il y en avait dix au total. Elles n'étaient pas très grandes, mais suffisamment pour contenir chacune un piano (seul instrument que les étudiants en jouant n'avaient pas pu ramener de chez eux, pour des raisons évidentes) et suffisamment d'espace pour trois à quatre autres musiciens. Cela faisait à présent plusieurs jours que je n'avais pas touché un piano, et je décidai qu'il était temps de remédier à cela. Je m'installai donc devant le piano de l'une des salles, et commençai par me dégourdir les doigts avec quelques exercices de solfège.
Après un temps, je me mis à feuilleter les différents livres de partitions mis à disposition à côté du piano. Un grand sourire apparu sur mon visage lorsque je tombai sur la Sonate pour piano n°3 de Mozart : l'un de mes morceaux préférés, et celui qui m'avait valu mon admission au conservatoire de la petite ville la plus proche de chez moi lorsque j'étais encore au collège. Je me souvenais parfaitement des longs trajets en voiture que mon père avait consenti à faire chaque semaine pour me conduire à mes cours. J'avais répété ce morceau tant de fois que j'avais fini par l'apprendre par cœur. Sans prendre la peine d'installer la partition devant moi, je commençai à jouer le morceau, me laissant entraîner par la joyeuse nostalgie qui se dégageait de chaque note.
Alors que, complètement absorbée par la musique, j'arrivais bientôt à la fin du morceau, la porte de la salle claqua soudainement, me faisant violemment sursauter et m'arrachant même un petit cri de surprise. Sans oser bouger, je fixai la porte pendant quelques secondes, jusqu'à ce que la poignée se mette à pivoter. Lentement, la porte s'ouvrit sur un Kay à l'air coupable. Je soupirai, soulagée.
- "Excuse-moi, je ne voulais pas te faire peur. La porte était entrouverte et j'ai entendu le piano. Je voulais venir voir qui jouait mais la porte a claqué avant que je l'ouvre. Désolé."
- "Ce n'est pas grave, j'ai juste été surprise.", répondis-je avec un nouveau soupir. "La porte était ouverte, tu dis ? Je croyais l'avoir fermée en arrivant, pour justement ne pas attirer l'attention de curieux dans ton genre.", lâchai-je avec un sourire malicieux.
- "Eh bien, il faut croire que tu ne l'avais pas assez bien fermée", répondit-il sur le même ton. Puis, en reprenant son sérieux : "Tu joues vraiment bien."
- "Il faut au moins ça pour être ici, non?"
- "Oh, oui, au moins. Cela dit, je ne suis pas sûr que tous les pianistes ici soient capable d'en faire autant sans partition sous les yeux."
- "J'ai beaucoup joué ce morceau." répondis-je flattée, sans pouvoir retenir un sourire en coin.
Un silence gênant commençait à s'installer entre nous lorsque je remarquai qu'il portait son étui à violon.
- "Tu allais t'entraîner ?", dis-je en pointant l'instrument dans son dos. Suivant mon regard, il répondit :
- "Oui. Il serait temps, ça fait plusieurs jours que je n'ai rien fait."
- "Tu peux t'installer ici. J'avais fini de toute façon, je vais y aller."
- "Oh, d'accord. On se voit au dîner alors ?"
- "Ça marche."
Et avec un dernier sourire, je quittai la salle.
Après le repas, nous avions passé un moment à discuter dans l'une des salles communes avec Edgard et Mélissa, que nous avions rejoint un peu avant d'aller manger. à nous quatre nous formions un joyeux petit groupe, et il me tardait de voir jusqu'où cette amitié naissante nous entraînerait. Sur ces bonnes pensées, je regagnai ma chambre et fus accueillie par un froid mordant. Ma fenêtre était grande ouverte, et la serviette humide que j'y avais pendue, ainsi que les affaires que j'avais posé sur mon lit et sur mon bureau, jonchaient à présent le sol. Y avait-il eu tant de vent pendant la soirée ? Non, à moins d'une véritable tornade, les affaires sur le lit et le bureau n'auraient pas pu en bouger. D'ailleurs, n'avais-je pas fermé cette fenêtre en partant tout à l'heure ? Quelqu'un avait-il osé s'introduire dans ma chambre ?
Un sentiment de malaise s'empara de moi. J'avais la désagréable sensation d'être observée. Refusant de laisser la panique prendre le dessus, je me ressaisis : j'étais seule dans ma chambre, et ce n'était que des vêtements. Pas de quoi piquer une crise. Je soufflai longuement, et entrepris de fouiller la chambre pour me rassurer. Evidemment, je ne trouvai personne, ni sous le lit, ni sous le bureau, ni dans l'armoire (les trois seules cachettes possibles dans cette pièce). Soulagée et légèrement honteuse d'avoir paniqué, je ramassai mes affaires, fermai la fenêtre et la porte et me changeai avant de me glisser dans mon lit. Je passai un moment à jouer à des jeux idiots sur mon téléphone, désormais seule source de lumière dans la pièce puisque je n'avais pas de lampe de chevet, avant de finalement sombrer.
- "...-manda..."
- "Hmmm..." répondis-je vaguement.
- "Amanda... J'ai besoin de toi..."
- "Hmmmm!", grognai-je plaintivement, agacée d'être une fois de plus dérangée en plein sommeil.
Soudain, un énorme bruit semblable à une détonation éclata dans la chambre, me réveillant pour de bon et résonnant affreusement dans mes oreilles. Affolée et complètement désorientée, je me levai d'un bond et allumai la lumière, avant de fouiller la chambre du regard à la recherche de l'origine de ce bruit. Mais tout paraissait parfaitement normal dans la chambre. Tout, à l'exception de la porte grande ouverte.
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Of Lovers Past
General FictionDu haut de ses 18 ans, la jeune Marie Baines a toujours mené une vie simple et ordinaire. Mais depuis son arrivée à la prestigieuse Résidence Falkhurst, des choses inexplicables et inquiétantes ne cessent de lui arriver. À commencer par cet étrange...