4- Le fantôme

15 2 0
                                    

  Le réveil fut particulièrement difficile ce matin-là. Mon corps était tout engourdi, et j'avais l'impression d'avoir la tête enlisée dans un profond brouillard. Lorsque j'eus finalement repris pied avec la réalité, les événements de cette nuit commencèrent à me revenir. Tout était très flou, et j'étais incapable de savoir à quel moment j'avais arrêté de rêver, ni même si je m'étais réellement réveillée dans la nuit. La figure pâle de l'homme qui s'était tenu devant moi refusait de me sortir de la tête. Sans pouvoir l'expliquer, j'étais absolument certaine que cet homme et celui des mes rêves étaient une seule et même personne. Le fantôme ?

  Si fantôme il y avait, alors sans aucun doute, c'était cet homme. Tentait-il d'entrer en contact avec moi à travers mes rêves ? Il m'avait demandé de l'aider, mais comment Diable pourrais-je, moi, Marie Baines, venir en aide à un revenant ? Et que signifiait cette scène absurde que j'avais vu la nuit dernière ? Pourquoi ne pas me laisser voir son visage, ni entendre son nom ?


  Avant de virer folle sous le poids de toutes ces questions, je décidai de quitter cette chambre. La journée passa lentement. Je choisis de ne parler à personne de ce qui m'était arrivé cette nuit, n'étant moi-même sûre de rien. Je passai le reste de la matinée à répéter dans l'une des salles, mais finis par prendre la fuite après avoir senti un courant glacé passer dans mon dos. Dans l'après-midi, je téléphonai à mes parents. J'avais l'impression ne pas leur avoir parlé depuis une éternité, et la bonne humeur contagieuse de ma mère me manquait. Je ne leur racontai rien des événements de ces derniers jours, ne désirant pas franchement les voir débarquer ici pour me ramener de force.

  Cet appel me fit tout de même du bien, et je décidai de faire le tour du parc pour profiter du soleil et de l'air frais après avoir raccroché. Je m'installai sur un banc et me mis à lire l'un des seuls livres que j'avais amené avec moi, également l'un de mes préférés : 'Orgueil et Préjugés'. Au bout d'un certain temps, je relevai la tête, me sentant observée, et remarquai enfin que je m'étais installée près de la fenêtre de ma chambre. Je ne le voyais pas, mais je savais qu'il était là. Tendue à mon maximum, je refermai mon livre et partis à la recherche d'un autre banc.

  Cette situation ne pouvait plus durer, j'allais finir par devenir dingue. Si je le revoyais cette nuit, ou n'importe quelle autre nuit, je lui parlerais et mettrais fin à cette histoire. Forte de cette nouvelle résolution, j'attendis, impatiente, l'heure d'aller dormir.


  Je montai directement dans ma chambre après le dîner, prétextant une grande fatigue. En vérité, je crois bien que je n'avais jamais été aussi réveillée depuis mon arrivée ici. Je me préparai donc à "dormir", m'enfermai à clé et vérifiai bien la fenêtre avant d'éteindre la lumière et de me glisser dans mon lit. J'étais cependant bien trop tendue pour dormir, et passai plusieurs heures à tourner et retourner sous ma couettes en me posant mille questions.

  La nuit était déjà bien avancée lorsque je m'endormis enfin. Mais ce repos fut de courte durée. Un horrible bruit, semblable à celui qui m'avait réveillée trois nuits plus tôt, éclata dans ma chambre, me tirant brusquement de mon sommeil agité. Je me redressai dans mon lit, sous le choc et haletante, en balayant la chambre du regard. Mon cœur manqua exploser lorsque mes yeux se posèrent sur une grande silhouette, debout au niveau de la fenêtre, et je dus me couvrir la bouche de mes mains pour me retenir de crier. Cette fois je ne rêvais pas. Il était là, dos à moi, à seulement quelques mètres. Je clignai plusieurs fois des yeux, n'osant plus respirer, réalisant doucement ce qui était en train de se produire.

  Au bout de quelques secondes, qui me parurent affreusement longues, je me décidai à agir. Je baissai lentement les mains, fixant toujours la silhouette sombre en face de moi, réfléchissant à quelque chose à dire. Malheureusement, mon cerveau semblait s'être mis en veille, et aucun son ne sortit de ma bouche. J'étais toujours là, tétanisée dans mon lit à réfléchir au meilleur moyen d'engager une conversation avec un fantôme, lorsque celui devant moi se mit à bouger. Lentement, il se retourna pour me faire enfin face.

Of Lovers PastOù les histoires vivent. Découvrez maintenant