5 - Le 16 août 1835

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  Le 16 août 1835. Plantée en pyjama dans un endroit boueux que je ne connaissais pas, je me répétais cette date en boucle, espérant que la réponse à mes questions apparaisse d'elle-même devant moi.

  La première pensée qui me vint fut que cette fois, c'était trop pour être vrai. Quelqu'un devait être en train de me faire une blague. Une longue et fatigante blague, pour laquelle on s'était tout de même donné beaucoup de mal. Un stalker ? C'était probable. Un fantôme ? Possible dans la mesure où j'y croyais. Un portrait de moi datant de 183 ans en arrière, ça paraissait déjà sorti de nulle part, mais alors le coup du voyage dans le temps, c'était juste trop. Ça ne se pouvait pas. Pourtant, j'étais absolument certaine que le fantôme était réel. Et si lui l'était, alors... Tout le reste devait l'être aussi.

  Refusant d'accepter la vérité qui se dessinait sous mes yeux, je balançai le journal au sol et me mis à marcher, avançant d'un pas rapide et tremblant sur le sol terreux, priant pour que le 21° siècle m'attende au bout du chemin.


  Une dizaine de minutes plus tard, j'arrivai devant un imposant portail grand ouvert qui délimitait l'entrée d'un lieu que je connaissais bien. Devant moi se dressait la Résidence Falkhurst. Ou plutôt "le manoir des Falkhurst".

  À l'instant où je posai les yeux sur le domaine, je compris que tout ceci n'était pas une blague. Tout ici semblait à la fois identique et complètement différent de l'endroit que je connaissais. Pas de sol goudronné, ni de joli gravier dans le jardin, et pas un seul réverbère en vue. Le bâtiment lui-même semblait un peu plus vieux : les façades, qui n'étaient plus lisses et blanches mais d'une couleur rouge ocre légèrement passée, semblaient en moins bon état, et j'apercevais même du lierre grimpant sur les côtés de la bâtisse. Une fontaine différente de celle que je connaissais, beaucoup plus pimpante, se dressait fièrement devant le large perron du manoir. Le jardin, quant à lui, était époustouflant : rien à voir avec l'atmosphère studieuse que je lui connaissais. Il rayonnait de formes et de couleurs variées, mais organisées et contrôlées à la perfection. Mais malgré ces différences, je reconnaissais sans problème et sans l'ombre d'un doute le manoir Falkhurst.


  Comment une chose pareille pouvait être possible ? Comment était-ce arrivé ? Je n'en avais pas la moindre idée, mais c'était bel et bien arrivé. Aujourd'hui, moi, Marie Baines, petite campagnarde née en l'an 2000, étais en train de vivre la journée du 16 août 1835. Je venais de remonter le temps.

  Je sentais monter la crise de panique. Mes jambes tremblaient dangereusement. J'attrapai fermement les barreaux du portail pour éviter de m'écrouler et posai mon front contre ceux-ci à la recherche d'un peu de fraîcheur. Mais le métal était chaud, et je commençais à manquer d'air. Des larmes de panique commençaient à me brouiller la vue. Il fallait que je retourne à mon époque immédiatement. Mais comment faire ? Existait-il au moins un moyen de revenir ? Que deviendrais-je si je me retrouvais coincée ici ?


  Je restai un long moment dans cette position à tenter de calmer les battements de mon cœur et ma respiration frénétique. Alors que je pensais avoir déjà atteint le fond du trou, une voix au timbre hautain et méprisant me ramena à la réalité, uniquement pour mieux m'enfoncer :

- "Peut-on savoir ce que fait une fille en tenue légère si loin de la ville ? Auriez-vous été abandonnée devant ces grilles par l'une de vos..."conquêtes" ?"

  Pincez-moi, je rêve ?! Avais-je bien compris le sous-entendu ? Je me tournai vers la personne qui venait de parler, et tombai sur un jeune homme à cheval qui me regardait de haut -dans tous les sens du termes. Je ne l'avais pas du tout entendu arriver. "Mais d'où il sort celui-là ?!".

Of Lovers PastOù les histoires vivent. Découvrez maintenant