Of Lovers Past

7- Doux comme un agneau

  Plusieurs jours avaient passés depuis mon arrivée fracassante en 1835. Si je ne parvenais pas à comprendre comment je m'étais retrouvée là, j'étais en revanche certaine d'une chose : ma présence ici avait un lien avec la future mort de Monsieur Falkhurst. Dans mon présent il m'avait demandé de le sauver. Et si cela pouvait m'aider à regagner mon époque, c'était ce que j'allais faire. Le problème était de savoir comment j'allais m'y prendre. Je ne savais ni où ni quand le meurtre devait avoir lieu, et n'avais pas non plus la moindre piste concernant un potentiel suspect. En résumé, mon enquête improvisée était au point mort.

  Selon toute logique (et d'après les différents films policiers que j'avais pu voir), la première chose à faire était de tenter d'en savoir plus sur Théodore Falkhurst. Peut-être avait-il des ennemis, des rivaux dans son entourage, des personnes dont je pourrais commencer à me méfier. Malheureusement, je n'avais pas encore eu l'occasion de discuter avec le maître des lieux : entre le planning chargé que nous imposait Georges et le perfectionnisme maladif de Madame Falkhurst, j'avais passé le plus clair de mon temps à m'occuper du manoir avec les autres domestiques, et le reste à comater dans ma petite chambre. Quant au principal concerné, s'il n'était pas occupé dans son bureau ou de sortie en ville, sa mère se l'accaparait et il devenait impossible de l'approcher.

  J'avais donc dû me rabattre sur les autres domestiques pour tenter d'en savoir plus. Entre deux corvées ou pendant les repas, je faisais de mon mieux pour m'insérer dans les conversations (lesquelles portaient majoritairement sur des personnes et des potins dont j'ignorais tout) et y glisser quelques questions. J'avais ainsi pu mettre la main sur quelques informations concernant le jeune Falkhurst, mais rien de suffisant pour m'orienter vers un quelconque suspect.

  Globalement, j'avais appris que Théodore Falkhurst était perçu par ses employés comme un bon maître et jeune homme "calme et intelligent". Madame Wheeler avait même utilisé le terme "doux comme un agneau" pour le décrire, ce qui avait suscité à la fois l'approbation des femmes et le rire chez quelques-uns de ces messieurs. A priori, Théodore n'avait donc pas l'air du genre à s'attirer souvent des ennuis. Pourtant, pour se retrouver avec une balle en pleins poumons, il fallait bien qu'il en ait. Et si ce n'était pas encore le cas, ça n'allait plus tarder.

  Entre plusieurs éloges, j'avais également pu mettre la main sur des informations un peu plus intéressantes, et déjà plus utiles. Comme par exemple ses fiançailles, annoncée officiellement quelques mois plus tôt, à une certaine "Lady Anne Worthing", la fille fortunée d'un riche homme d'affaires ami des Falkhurst. Ou encore la place de partenaire d'affaires de Monsieur Worthing que ces fiançailles avaient récemment accordé à Théodore. S'il n'était apparemment pas un fauteur de trouble, ces deux heureux événements pouvaient tout à fait lui attirer la jalousie de rivaux amoureux ou commerciaux.

  Satisfaite d'avoir découvert un début de piste, je décidai de concentrer mes efforts sur celle-ci pour l'instant. Il fallait que j'en apprenne plus les Worthing et sur leur lien avec Théodore. Et pour cela, je pouvais compter sur Mariella et ses ragots.

  Seule domestique (en dehors de Georges) à avoir moins de 20 ans d'écart avec moi, son savoir semblait absolument illimité dès lors qu'il s'agissait de faire des commérages. Et j'avais la ferme intention de faire de ce trait de caractère passablement agaçant un atout de taille dans mes investigations.

  Contrairement aux autres, qui semblaient prendre plaisir à se faire avares de détails, Mariella en donnait tellement qu'il devenait parfois un peu dur de la suivre. De plus, j'étais à peu près certaine qu'elle parlait sans savoir elle-même si ce qu'elle racontait était vrai ou non, et que plus de la moitié ne l'était pas. Mais vu ma situation, il valait mieux en entendre trop et faire moi-même le tri des informations que risquer de passer à côté d'un élément important.