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En avalant mes cachets contre l'anxiété et le stress, je regarde pensivement par la baie vitrée de mon appartement qui donne sur Washington. 

J'ai toujours rêvé d'être au plus haut de la chaîne alimentaire, à regarder la plupart des personnes faire le travail à ma place. 

Avoir une vie de reine. 

A chaque fois que je m'endormais sur le bureau de ma chambre d'enfance, ce qui m'arrivait presque tous les soirs, mon père me réveillait à grands cris, me rabâchant toujours la même maxime d'un ton dur et autoritaire: "Travaille dur jusqu'à ce que ça fasse mal, parce que la pauvreté fait beaucoup plus mal". J'avais donc proscrit de ma vie adolescente tout amusement, de n'importe quelle sorte. Je voulais réussir. Rendre mon père fier de moi.

Mais force m'est d'admettre qu'il n'est jamais satisfait. 

Même lorsque je fus promus directrice adjointe en charge des activités de contre-terrorisme et de contre-espionnage pour le compte du célèbre organisme d'application de la loi des Etats-Unis d'Amérique, le Bureau Fédéral d'Investigation, mieux connu sous l'acronyme FBI. A seulement 25 ans, un an plus tôt, j'avais fait la fierté de toute ma famille. Exceptée mon père. Alors qu'il est la seule personne dont l'avis compte à mes yeux. Il avait juste poussé un grognement appréciatif en ne levant même pas ses yeux du dossier qu'il traitait. 

Néanmoins, je peux comprendre le fait qu'il soit toujours trop occupé pour m'accorder du temps. Lorsqu'on a un père secrétaire d'Etat des Etats-Unis au sein de la Maison Blanche, le temps passé avec sa famille est plus que précieux. Pendants ces rares moments, il me raconte les coulisses du gouvernement, les manigances, même si tout cela est secret défense. Tout le monde savait que dans tous les cas, je n'allais pas tarder à grossir les rangs de notre cher président. 

Maintenant que j'ai un travail stable, à responsabilités plus qu'importantes, on ne cesse de m'harceler pour savoir à quand le mariage. Encore faudrait-il que je partage ma vie et mon grand appartement avec quelqu'un. Et ce n'est pas vraiment quelque chose qui m'attire. 

Peu importe, j'ai autre chose à faire de mes journées. Mes pas silencieux se dirigent d'eux-mêmes vers l'énorme chaîne HiFi dont mon père m'avait fait cadeau lorsque j'avais acquis cet appartement. Mes doigts fins viennent tripoter mon portable tandis que "Smells Like Teen Spirit" du groupe mythique Nirvana vient secouer les baffles dans mon salon tout de noir. 

Soudain, un appel vient me perturber dans ma danse plus que maladroite qui ne consiste qu'à un balancement de la tête d'avant en arrière et de quelques pas sur les côtés. Un soupir frustré passe la frontière de mes lèvres alors que je m'empare de mon smartphone. Je décroche, sachant déjà que mon petit moment de calme et de plénitude ne va pas durer bien longtemps.

- Mademoiselle Campbell? me somme une voix grave.

- C'est bien moi.

- Vous êtes demandé au siège pour une réunion importante quant à la nouvelle unité des forces spéciales que vous allez diriger. 

- Très bien, j'arrive. 

J'ai à peine le temps de décoller le téléphone de mon oreille que déjà la sonnerie m'indiquant que l'appel est terminé retentit. J'y suis habituée, désormais. Je pars vers ma chambre et éteins la HiFi au passage, pour y attraper ma veste ample dont le dos est marqué du logo du Bureau et mes talons, puis pars de mon chez moi après en avoir claqué la porte. 

Lorsque j'arrive en ce lieu si formidable qu'est le siège du Bureau d'Investigation, mes yeux sont attirés par le camion militaire garé au pied de la façade d'un béton gris clair. Les drapeaux des Etats-Unis s'agitent dans tous les sens à cause du vent. 

Pinky Promise -J.PKOù les histoires vivent. Découvrez maintenant