Pinky Promise -J.PK

VII

Je regarde les étoiles à travers la baie vitrée depuis mon appartement. A croire que je passe plus mon temps ici que dans mon lit...

J'ai envie de m'arracher les cheveux par poignées, de crier jusqu'à en perdre la voix. Le pire, c'est que je ne sais même pas pourquoi. J'ai juste l'impression que je vais exploser dans les minutes suivantes. 

J'ai besoin d'air. 

J'attrape une veste au hasard, l'enfile et cours presque jusqu'à la cabine de l'ascenseur. J'appuie rageusement sur le bouton du rez-de-chaussée et attends d'être arrivée en trépignant sur place. 

Je débarque finalement dans un parc, pas très loin du Bureau mais tout de même éloigné, et pose mes mains sur mes genoux, essouflée. 

L'air frais de Washington se dépose sur mon visage, mais rien à faire, cette sensation d'explosion interne ne me quitte pas. 

Je tombe à genoux sur les graviers, je manque soudainement de force. 

Ma tête me fait mal. 

Un sifflement aiguë prend d'assaut mon crâne et je plaque mes mains contre mes oreilles, par réflexe. 

Tout va bien.

Je veux mourir.

Des jours meilleurs m'attendent.

Je ne manquerai à personne.

Je deviendrai une bonne personne.

Je suis un monstre. 

Ma famille m'aime.

Maman m'a renié. 

- J'AI MAL! 

J'ai crié sans même m'en rendre compte alors que des sanglots prennent d'assaut ma gorge et m'étouffent. 

J'ai du mal à respirer. Ma tête me fait mal. Tout est flou. Et ce sifflement... 

Je me relève à tâtons et marche sans trop savoir où aller. 

Soudain, un air plus fort que d'habitude me fouette le visage tandis que des vrombissements de voitures grondent juste à côté de moi. J'ouvre un peu plus mes yeux, j'essaie de voir plus clair, et constate que mes pas m'ont tout droit amené jusqu'au pont de George Washington. Je me rattrape de justesse à la rambarde alors qu'un nouveau vertige tente de me mettre à terre. 

Je dirige mes yeux vers l'eau en contrebas. C'est beau. Avec ses jolies tourbillons transparents et ses cercles infinis. 

Un énorme poids s'abat sur mon crâne, ce qui me fait dodeliner de la tête. Je retombe au sol, affalée contre la rambarde de métal froid.

Pitié, que tout cela s'arrête. Je veux tout arrêter. 

Lorsque je relève mon regard fatigué vers le trottoir qui continue en ligne droite devant moi, une silhouette sombre se découpe. Plus elle s'approche et moins je me pense saine d'esprit. 

Romy. 

Son corps me parvient déformé, entouré d'ondes multicolores, allant du vert criard au sombre violet. 

Ma gorge est desséchée, je n'ai même plus assez de salive pour humidifier mes lèvres. Une goutte coule le long de ma tempe et vient s'écraser contre le goudron du trottoir. 

Elle s'approche de moi, ses cheveux bruns, tirant sur le noir, flottent autour de son visage angélique, tels une auréole macabre. Ses yeux bleus comme le ciel d'un jour de printemps me fixent sans ciller.

Je veux m'enfuir. Mais mes jambes refusent d'esquisser un geste. 

D'un autre côté, la vue du corps de ma soeur me procure une sorte d'apaisement éphémère. Elle est vivante. Pour combien de temps encore, ça je ne sais pas.