Comment suis-je tombé amoureux de toi

Devoirs et tiraillements

La matinée était maintenant bien avancée, malgré les nuages de pluie, le soleil faisait des petites percées et éclairait l'intérieur de l'appartement. Il devait être bientôt midi. J'étais toujours perchée sur mon sofa, penchée sur l'enveloppe kraft, très hésitante à lire la lettre suivante. Car je savais de quoi elle allait parler. J'avais remarqué que Steve avait numéroté ces lettres de manières chronologique aux événements. Si la dernière parlait de la période où nous avions combattus Ultron, je ne pouvait m'empêcher de penser que la suivante parlerais du sauvetage de Bucky qui avait conduit à la division de notre équipe. Je n'étais pas sûre d'être assez forte pour supporter de me replonger dans cette période. Cette presque guerre entre nous m'avais profondément affectée. J'étais déjà pleine de doutes et de regrets à la suite des évènements de Sokovie. Ressassant sans cesse les images de la terre qui se soulève du sol et du chaos ambiant, ne pouvant arrêter de me dire que j'en étais responsable. Je m'étais vraiment demandé si j'avais ma place dans cette équipe de héros. Mes démons n'étaient jamais partis très loin mais après le petit tour de passe-passe de Wanda sur nos esprits, ils étaient revenus plus monstrueux et menaçants que jamais. Me poursuivants jours et nuits et me culpabilisant un peu plus chaque jours. J'étais alors frêle mentalement, de moins en moins sûre de moi. La dislocation des Avengers m'avais achevé. Lire cette lettre, c'était me faire souffrir inutilement et me replonger dans mes ténèbres. Je n'en avait aucune envie. Pourtant la curiosité mais aussi l'envie de connaître les pensées de Steve me poussèrent à prendre la feuille suivante et à recommencer ma lecture.    

Je pense que cette lettre va être aussi dur à lire pour toi qu'elle l'a été à écrire pour moi. Même si aujourd'hui sur mon lit de mort, je relativise car je sais que l'avenir nous réservait de belles retrouvailles, cette période de nos vies reste relativement compliquée à aborder. Politiquement compliquée et sentimentalement bien évidemment. Je ne sais même pas par quoi commencer... Peut-être par le souvenir le moins douloureux : ma réunion avec Bucky. Même si sa réapparition causa de nombreux troubles, j'étais le plus heureux des hommes de retrouver enfin mon meilleur ami. Depuis l'épisode du soldat de l'hiver où j'avais été horrifié de découvrir que mon meilleur ami était toujours en vie et avait été torturé afin de devenir une arme sans scrupule, je n'avais jamais cessé de le chercher et d'espérer que le processus pouvait être réversible. Et il l'était ! Bucky n'était plus un tueur sans âme, il était redevenu lui-même à son bras bionique près. Je ne pouvais pas croire qu'il était encore vivant, le découvrir avait été une immense joie et un profond trouble en même temps. Nous étions tout les deux des ancêtres avec presque cent ans chacun. Des vieillards. Tous les deux partageant une fin qui aurait dû être tragique mais héroïque puisqu'il s'agissait de sauver le monde tout de même. Hydra avait enlevé ce droit à Buck, le privant de sa mort pour l'utiliser. Le changer en ce qu'il n'était pas. Il m'avait confié plus tard lors d'une de nos veillée, qu'il aurait préféré mourir dans sa chute plutôt que de se survivre à lui-même et à tous notre entourage. Je m'étais moi-même plusieurs fois posé la question. Avais-je vraiment ma place dans ce nouveau monde ? La méritais-je vraiment ? J'avais bien évidemment trouvé la réponse en m'intégrant aux Avengers et en redonnant un sens à cette seconde chance qui s'offrait à moi. Et puis je m'étais vite rendu compte ne pas être le seul à se questionner sur sa place dans ce monde. Chacun de nous avait une part de doute, une part sombre ancrée en lui. S'occuper de tes problèmes pour remettre à plus tard les miens était devenu mon passe-temps préféré Nat. Et puis je peux t'avouer maintenant que j'adorais mettre mon nez dans tes affaires. Tu râlais à chaque fois, mais tu me laissais faire, acceptant que quelqu'un d'autre que Clint ne te tende la main. 

Je souris à ces quelques mots, je savais que ça amusait Steve de me faire enrager quand il s'occupait de moi. Il m'avait tendu la main, mettant à ma disposition toute sa compassion et son sens de l'amitié à mon service. Me réconfortant quand j'en avais besoins mais sans jamais faire un geste en trop. Il savait que je ne voulais pas de sa pitié mais bel et bien de la complicité que nous avions forgée. Ça allait au-delà du fait qu'il soit là pour moi, il y avait une connexion forte entre nous. Quelque chose de puissant et d'inexplicable. Quelque chose qui me troublait au plus au point mais dont je ne pouvais pas me passer.