Chapitre 3

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Hélène vivait dans une grande ferme avec sa famille à la périphérie du village. Elle avait une grande soeur de dix-huit ans qui allait bientôt partir pour la ville. Elle avait une vie parfaitement normale et un quotidien banal. 

Seulement, elle ignorait quelque chose. Elle ignorait qu'elle n'était pas une jeune fille ordinaire. Elle avait hérité d'un don, c'était un puissant pouvoir que de nombreuses personnes auraient pu convoiter. Mais elle ne le savait pas.

C'était le début de l'été, Hélène se rappelait des coquelicots dans les champs. Il faisait chaud et les cigales chantaient. Elle avait environ cinq ans et elle jouait dans le jardin avec sa grande sœur. Pour s'amuser, elle avait décidé de s'emparer de la poupée de sa soeur quand une vision lui est apparue soudainement en la saisissant. 

C'était la première fois que cela lui arrivait et elle fut terrifiée. L'espace d'un instant, comme si elle était dans le corps de sa sœur, elle avait vécu un souvenir qui ne lui appartenait pas. Les images qui défilaient étaient d'une netteté incroyable, elle percevait parfaitement bien les détails et elle ressentait même les sensations. Elle reconnaissait le décor autour d'elle, c'était la chambre de son aînée avec ses jouets, son lit, ses meubles. Elle éprouvait du bonheur et de la joie, la poupée dans ses mains. Tout semblait si réel... Puis d'un seul coup, elle fut ramenée à la réalité comme si elle venait de quitter un rêve. Sa soeur était en train de lui crier dessus en lui ordonnant de lui rendre son joujou immédiatement.

Elle ne parla à personne de son expérience car elle savait que personne ne la prendrait au sérieux à son âge. Pourtant encore très jeune, elle se remémora extraordinairement bien chaque élément de cette illusion. 

Avec le temps elle finit par oublier. Maintenant elle a quinze ans, bientôt seize, et d'autres choses à penser. Cet événement ne s'était plus jamais reproduit, du moins, pour le moment.

*

Quatre jours s'étaient écoulés, c'était dimanche. Tout le monde ne parlait plus que du meurtre de celui qu'elles surnommaient entre elles "l'Idiot du Village". Une vague de panique s'était abattue sur le village et le maire avait du prononcé un discours le jeudi même pour essayer de calmer les habitants. Ils ont commencé à se méfier, à se suspecter, à s'accuser mutuellement en ne s'appuyant sur aucunes preuves et la nuit, les gens se barricadaient chez eux par crainte de se faire dévorer par une bête féroce. L'ambiance qui régnait sur Thiercelieux était vraiment pessimiste.

Pour se changer les idées et s'éloigner de toute cette agitation, Mei et Angélique avaient prévu de passer un peu de temps ensemble et la jeune fille aux cheveux bicolores était venue attendre sa meilleure amie devant chez elle au début de l'après-midi.

Elles décidèrent de sortir du village et d'aller se promener dans les champs en se parlant de choses diverses. Les deux adolescentes étaient proches, peut-être qu'elles étaient un peu plus que des meilleures amies. 

Mei semblait soucieuse et Angélique l'avait remarqué. D'habitude, leurs discussions étaient plus... joviales. Elles marchaient silencieusement depuis plusieurs minutes et Angélique finit par la questionner.

- Dis moi, il y a quelque chose qui ne va pas ?

Mei fut subitement arracher à ses réflexions.

- Quoi ? Ah pardon, j'étais en train de penser à autre chose, ça va très bien ne t'inquiète pas.

- Je ne te crois pas, je te connais et je sais quand tu me caches des choses.

Son amie ria.

- Mais non tu te fais des idées voyons ! Je vais très bien, et puis tu sais qu'entre nous il n'y a jamais de secrets...

- C'est à cause du meurtre de Bernard ?

Pendant une fraction de secondes, elle crut qu'elle allait faire une crise cardiaque. Mei tenta du mieux qu'elle put pour cacher son trouble.

- Ecoute je vais très bien je te dis, et puis je n'ai pas vraiment envie d'aborder ce sujet là maintenant, tout le monde ne fait que ça en ce moment. Tu te fais juste du soucis inutilement !

- Si tu le dis...

Angélique ne semblait pas convaincue. Elle était d'une nature timide et réservée et quand on la regardait, elle ressemblait à une petite fille. Néanmois elle se tut, par respect pour son amie. 

Elles finirent leur promenade peu de temps après et Mei raccompagna sa meilleure amie jusqu'à sa maison. Elles s'enlacèrent avec tendresse avant de se quitter et Angélique la regarda s'éloigner.

Elle savait que quelque chose n'allait pas, quelque chose de grave, et elle était bien déterminée à savoir ce que c'était. Mais pour le moment, elle avait juste envie de s'allonger sur son lit et arrêter de se tourmenter.

*

Le même jour en fin d'après-midi, Gabrielle était venue rendre visite à sa meilleure amie Lydia qui avait organisé une petite soirée rien que pour elles deux. Elles rigolaient toutes deux de bon coeur, tout se déroulait à merveille. Elles grignotaient des biscuits et elles parlèrent pendant plus d'une heure dans la bonne humeur, jusqu'au moment où il a fallu aborder "le" sujet. Lydia décida de poser la question fâcheuse.

- Honnêtement, c'est quoi ton avis sur cette affaire ?

- Tu parles du meurtre de Bernard ? demanda Gabrielle.

- Évidemment !

- Oh... Tu sais, j'assume totalement le fait que je détestais vraiment Bernard, mais est-ce qu'il méritait vraiment de mourir comme ça ? Je ne sais pas, peut-être d'ailleurs que personne ne mérite de mourir dans pareilles souffrances... Surtout que... Si c'est vraiment un "loup garou" qui l'a tué, on risque de faire face à d'autres homicides.

- Je vois...

Lydia reprit la parole sur un ton très grave :

- Moi je crois à cette histoire de loup garou parce qu'un chien ne peut pas faire ce genre de blessures, aussi gros soit-il. J'ai l'impression que quelque chose de mauvais arrive, un mauvais présage... On nous cache des choses. Je crois que j'ai peur, surtout pour ma famille... Je refuse qu'il leur arrive quoi que ce soit, peut-être même que je suis prête à mourir pour eux ou pour n'importe laquelle de mes amies !

- Ouh là, ouh là calme toi, on n'en est pas encore à ce stade-là ! Ne te tracasse pas trop quand même. Alors, tu serais vraiment prête à mourir pour protéger ceux que tu aimes ? Une sacrée protectrice, ou plutôt... Une salvatrice, oui.

- Une salvatrice ? Hmm si tu le dis...

- Changeons de sujet si tu veux bien !

La soirée reprit son cours encore tout de même sur un fond de bonne ambiance et elle se conclut aux alentours de vingt-deux heures.

- Je ferais mieux de rentrer ! décréta Gabrielle. Il est tard en plus et il fait déjà nuit...

- Tu aurais peut-être du rentrer un peu plus tôt je crois, désolée, bredouilla Lydia qui semblait plutôt inquiète. Tu es sûre de vouloir rentrer seule ?

- Mais oui ça va aller ne t'en fais pas pour moi ! On se revoit mercredi de toute façon !

Gabrielle souhaita une bonne soirée aux parents de Lydia avant de partir. Elle fit signe de la main à sa meilleure amie qui semblait très soucieuse en lui disant un bonne nuit qui se voulait réconfortant. Elle refusa d'être accompagnée pour le retour, elle avait surtout envie de réfléchir, seule.

Elle marcha donc, en solitaire, dans le silence de la nuit.

"Mourir pour sa famille et ses... amies..." songeait-elle.

The WerewolfOù les histoires vivent. Découvrez maintenant