3 - "Breeze driftin' on by..."

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Si Clarke paraissait comprendre pourquoi il n'osait pas trop en divulguer, cette version plus jeune de lui-même ne semblait pas vouloir entendre raison. Du moment où elle disparut de l'ouverture, il avança vers lui d'un pas décidé, visiblement en colère, et lança :

"Tu as demandé ce qui arriverait si Clarke mourrait. Qu'est-ce que ça peut faire ? Et pourquoi tu prends sa défense comme ça ? Qu'est-ce qu'on en a à faire d'elle-"

Il n'eut pas le temps de terminer sa phrase que, dans une tornade de cris et d'empoignades, Bellamy l'avait saisi par le col et collé contre le mur le plus proche.

"Qu'est-ce qu'on en a à faire d'elle ?" répéta-t-il, incapable de calmer la fureur qui coulait dans ses veines.

"Lâche-moi tout de suite !" lutta l'autre lui.

Ce plus jeune lui était vif et svelte, mais lui était désormais plus fort et plus tenace, avait plus d'une flèche à son arc après des semaines de survie sur Terre, des mois d'entraînement avec Lincoln et des années à se faire mettre au tapis par Echo sur l'Anneau. Son autre lui n'avait aucune chance. Bellamy renforça sa poigne sur son t-shirt et le plaqua à nouveau contre le mur.

"Elle-" commença-t-il avant de s'étouffer sur les mots qui se bousculaient dans sa gorge. "Elle, c'est la raison pour laquelle je respire encore aujourd'hui, pauvre idiot. Elle va nous sauver la vie plus de fois que tu peux le compter. Elle va nous sauver, nous, de nous-même. Elle est la raison de tout ce qui fait de nous quelqu'un de bien. Tu n'as pas idée d'à quel point elle est importante pour nous."

L'autre lui n'en démordit pas pour autant, provocateur et arrogant :

"Quoi, est-ce qu'on est amoureux d'elle ou quelque chose du genre ?"

Si il croyait le déstabiliser par cette question, il était loin du compte. Cela faisait longtemps - une éternité - que Bellamy avait prit conscience de ses sentiments pour Clarke. Il resta concentré sur son autre lui et si son silence en disait déjà long sur la réalité de ce qu'il ressentait, il choisit précautionneusement ses mots avant de répondre :

"Clarke est tout pour nous. Et bien plus encore. Arrête de te mentir à toi-même et tu verras que c'est déjà le cas."

Soudain, une main fraîche se posa sur son bras, et Bellamy tourna la tête pour voir que la jeune Clarke venait de les rejoindre. D'une pression de sa main, elle lui demanda silencieusement de relâcher son compagnon, ce qu'il fit, le laissant brusquement retomber sur ses pieds. Il observa tandis qu'elle aidait cette autre version de lui-même à se relever, qu'elle vérifiait qu'il n'avait rien. Par dessus l'épaule de la jeune femme, l'autre ne le lâchait pas du regard et Bellamy lut dans le reflet de ses propres yeux la compréhension, la réalisation.

C'était il y a déjà longtemps, mais il ne se rappelait que trop bien le jour où tout avait basculé pour lui et Clarke. Cet instant n'avait rien de romantique et pas même la Lune qui brillait au-dessus de leurs têtes n'aurait pu adoucir la vision du cadavre de Dax à leurs pieds. Pourtant, malgré la sueur, le sang et les larmes qui ternissaient leurs traits, c'était à cet instant précis que la jeune femme avait pour la toute première fois ébranlé les épais murs qu'il avait mis si longtemps à construire autour de lui. Cette nuit-là, elle s'était frayée un chemin dans son âme, avait atteint son coeur et s'y était fait une place en lui offrant un pardon qui lui avait été trop longtemps refusé et qu'il ne pensait pas mériter. Et pendant des mois après ça, il s'était menti à lui-même encore et encore, refusant de ressentir les prémices de ce qui était devenu inévitable : Bellamy était tombé amoureux d'elle ce soir-là et chaque jour depuis, il n'avait fait que tomber encore et encore un peu plus profondément. Cette chute libre ne s'était d'ailleurs jamais arrêtée. Elle continuait encore aujourd'hui.

"You know how I feel"Où les histoires vivent. Découvrez maintenant