7 - "Dragonfly out in the sun..."

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"Bellamy !"

Le hurlement de Clarke résonna dans le néant tandis qu'elle luttait pour ne pas se laisser aspirer par le vortex de l'Anomalie. Elle refusait de s'y laisser happer, refusait de se laisser entraîner en avant, et, malgré la douleur sourde de sa trahison, refusait de le quitter et d'être séparée de lui encore une fois.

"Bellamy !"

Clarke ne gardait que quelques bribes de souvenirs des deux fois précédentes où elle avait emprunté la Pierre d'Anomalie pour voyager. Une lueur verte qui l'avait enveloppée. Un bruit assourdissant. De l'air partout autour d'elle. Une sensation de vitesse phénoménale. Du voyage cependant, elle ne se rappelait rien, et encore moins de s'être retrouvée dans le vortex, immobile et terrifiée, comme elle l'était maintenant.

"Bellamy !"

Elle s'essoufflait à présent, incapable de calmer la chamade de son coeur battant à tout rompre, incapable d'apaiser le tremblement de ses mains, incapable de continuer d'avancer sans l'avoir à ses côtés, sans être certaine qu'elle allait le revoir.

Sur ses lèvres encore vibrantes, elle sentait toujours le contact des siennes. Dans ses courts cheveux blonds, le passage de ses doigts. Sur son corps, la pression du sien. Ses yeux la brûlèrent soudain et elle laissa les larmes envahir leur océan, laissa ses émotions déborder, laissa l'eau salée couler sur ses joues et sa voix se briser en criant une nouvelle fois son prénom.

"Bellamy !"

Autour d'elle, le vortex émeraude rugissait, impatient et en colère de se voir ainsi freiné dans sa course contre le temps, et malgré la frayeur qu'elle ressentait devant cette puissance inconnue et colossale, elle ne pouvait continuer, ne pouvait penser à autre chose qu'à lui. Elle ferma les paupières pour dissimuler la tempête qui se déchaînait autour d'elle, plaqua ses mains contre ses oreilles pour assourdir ses rugissements. Peut-être que si elle arrivait à se concentrer suffisamment sur ce qu'elle avait perdu. Peut-être parviendrait-elle à remonter le temps— Peut-être pourrait-elle le retrouver ?

Alors, elle s'accrocha désespérément aux souvenirs qui lui brisaient désormais le coeur. S'accrocha à la façon dont ses lèvres douces mais sèches avaient glissées sur sa bouche, dont sa langue s'était finalement mêlée à la sienne, dont sa respiration saccadée semblait alimenter ses propres poumons en oxygène, comme si ce baiser était finalement tout ce qu'il lui fallait pour respirer. Elle s'accrocha au souvenir de ses boucles brunes entre ses doigts, si douces comparées au contact rugueux de sa barbe sur le pourtour de sa bouche. Elle ne pourrait jamais oublier le soupir tremblant qui lui avait échappé au moment où elle avait glissé ses ongles sur son cuir-chevelu, ni le désir qui l'avait submergée à cet instant- qui les avaient submergé tous les deux, à en croire la façon dont ses bras puissants s'étaient refermés autour de son corps, cage de laquelle elle aurait souhaité ne jamais s'extraire.

Un bruyant sanglot lui échappa au souvenir de ces bras qui la lâchaient soudain, qui la repoussaient soudain. Elle ôta les mains de ses oreilles et referma ses bras autour d'elle dans une vaine tentative de se maintenir entière, d'empêcher ce qui restait d'elle de s'effriter.

"Je ne peux pas perdre quelqu'un d'autre."

Elle balbutia les mots, mais la pensée sonna, claire et puissante, dans son esprit. C'était là son unique vérité. Elle ne pouvait pas perdre quelqu'un d'autre. Ni les gens sous sa protection, ni ses amis, ni sa famille, et encore moins la personne qu'elle aimait.

"Je t'aime."

Clarke ouvrit brusquement les yeux quand la voix grave de Bellamy résonna tout près d'elle, pour ne découvrir que ce néant vert, encore et encore, à perte de vue. Peut-être devenait-elle folle, peut-être perdait-elle le peu de raison qu'il lui restait ? Ou peut-être que les mots qu'elle avait passé toute sa vie à attendre et espérer, semblait-il, s'étaient gravés si profondément en elle qu'elle pouvait les entendre comme si c'était Bellamy lui-même qui les disait. Cependant, trois autres mots accompagnaient ceux-là et étaient tout aussi ancrés dans son esprit.

"You know how I feel"Où les histoires vivent. Découvrez maintenant