ARIANE - Première partie

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« Autour de toi tout devient ténèbres,
Tes yeux hurlent et ta langue brûle,
Tu chute dans un craquement funèbre,
Et t'affale dans un torrent de brume.
Ta peau bleuâtre s'enivre et enfle,
Tes membres se tordent de douleur,
Ta colonne vertébrale, tire, se cambre,
Et ta souffrance se mêle à la terreur. »

Tel avait été le poème qu'Isaac avait retrouvé sur son bureau, écrit à la main d'une encre écarlate qui avait viré au brun en séchant. Il n'y avait nul doute que le fluide utilisé afin de rédiger cette lettre n'était autre que du sang humain. Une odeur nauséabonde se dégageait du papier jauni.

- C'est Ariane, me dit-il. Ça ne peut être qu'elle ! Qu'est-ce que cette folle me veut ? Je ne lui ai rien fait.

- Aucune idée, répondis-je. Est-ce que par tout hasard tu te serais un peu moqué d'elle ou l'aurais frustrée d'une quelconque manière ?

Le garçon fronça les sourcils :

- Bien-sûr que je me suis moqué d'elle. Tout le monde se moque d'elle ! Y a qu'à voir sa tronche...

- C'est sûrement une vengeance, elle cherche simplement à t'effrayer. Peut-être qu'on devrait en parler à l'administration.

- C'est dégueulasse, se plaignit mon compère, si ça se trouve elle l'a écrit avec ses propres menstruations. Cette tarée est capable de tout.

La porte de notre chambre d'internat toqua trois coups. Isaac ouvrit pour faire face à Natalia qui larmoyait, l'air fébrile. Elle tenait son ventre d'une main tremblante. Ce dernier émettait d'étranges gargouillis d'indigestion.

- Isaac, j'ai super mal au bide, lâcha la fille. Est-ce que tu peux m'accompagner à l'infirmerie s'il te plaît ?

- Natalia ? Qu'est-ce que tu as mangé ?

- Rien justement, répondit la fille, chancelante. Ariane a placé un papier dans ma poche et depuis j'ai atrocement mal. Je crois que je suis fiévreuse.

- Un papier ? demandais-je en m'approchant. Quel papier ?

La jeune fille sortit une feuille pliée en quatre de sa poche qu'elle me tendit. Je lu les quelques lignes maladroites que recelait la lettre, toujours écrites d'une encre rouge comme le sang dont émanait une odeur de pourri.

« Créature aqueuse venue d'ailleurs,
Trouva enfin un foyer en son nom,
Le long de tes viscères, ton côlon,
Elle te ronge, te dévore de l'intérieur.
Créature aqueuses aux tentacules,
Petit monstre visqueux et maladif,
En tes organes internes elle s'immisce,
Afin que ton sang frais ne coagule. »

Je regardais les vers d'un air dubitatif, me demandant comment on pouvait être l'auteur de quelque chose de si hideux. Plus encore l'offrir à des personnes qu'on ne connaissait même pas. Que cherchait Ariane ? Des amis ? Car si tel était le cas, elle était très mal parti.

Natalia se mît à toussoter et plaqua une main contre sa bouche, retenant un crachat de bile dans une série de bruits disgracieux. Isaac la prit par les épaules afin de l'emmener vers la salle de bain.

- Vomis pas ici s'il te plaît ! Mon dieu, t'es toute brûlante. C'est signe d'une vilaine diarrhée ça.

Il amena la jeune fille jusqu'à la douche collective où elle lâcha un flot de gerbe verdâtre, imbibant les lieux d'une odeur nauséabonde. Je me pinçai le nez afin de ne pas vomir à mon tour face à un tel spectacle. Il y eût alors un bruit spongieux surmonté d'un cri étranglé.

Isaac - qui tenait les cheveux de de la jeune fille pour ne pas qu'elle les souille - recula d'un pas, le visage horrifié. Je m'approchai à mon tour tandis que Natalia continuait de remplir la douche d'une substance poisseuse qui se condensait dans le sillon, provoquant un amas de bulles de morve gluantes. On aurait dit que ma camarade était en liquéfaction.

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