Chapitre 20

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Yacine Kane Ly
Depuis l'épisode de la dernière fois, ma fille et moi n'en avons plus reparlé.
Quoiqu'elle continue de faire ses devoirs à la maison, elle s'enferme toujours dans sa chambre.
Et là, on sent nettement qu'elle souffre au fond d'elle.
Cette situation ne me plaît pas du tout, car toute mère aimerait voir sa fille nager dans le bonheur. Mais hélas je me dois de respecter la tradition.
Je prie tous les jours qu'elle se remette enfin en question afin que cette situation change.
Seulement, la réaction de mon mari n'augure rien de bon.
Safie a toujours été la préférée de toutes ces filles, et rien que de la voir épanouie il serait capable de violer la tradition. Ce qu'il compte d'ailleurs faire, mais on verra bien si je lui laisserais faire.

Il y a deux semaines, nous avons eu une discussion dans laquelle il m'a fait savoir que nous n'avons pas le droit d'intervenir dans le choix de nos enfants quand il s'agit de mariages.
Selon lui, les temps ont changé. Nous ne sommes plus à cette époque où les parents devaient choisir les conjoints de leurs enfants.
Je lui ai fait savoir qu'il ne s'agissait pas de choisir un conjoint pour notre fille mais de lui faire respecter la tradition. Elle est libre de choisir qui elle veut, mais qu'il soit un "guer"(noble).
Alors là, il me dit:

lui: tu commences vraiment à nous emmerder avec ces histoires de caste si lointaine.
N'es-tu pas fervente musulmane?
Crois-tu être meilleur que  ces griots et autres?
Non ma chère! Laisse-moi te dire que les bons musulmans ne se comportent pas de la sorte et que tu ne vaux pas mieux que ces gens que tu stigmatises.
C'est à cause de parents comme toi que beaucoup de jeunes se noient dans l'adultère. Ce qui est pourtant la dernière des solutions.

Moi: alors tu veux me dire que tu vas accorder la main de notre fille à ce...

Je ne termine même pas ma phrase qu'il me coupe:

lui: tu la fermes!
Il faut que tu saches une une chose, c'est moi l'homme dans cette maison et les décisions me reviennent. Alors je ferais ce que j'ai à faire pour le cas de Safie.

Moi: pas tant que je serais en vie!

Lui: on verra bien!

J'avoue ne plus reconnaître mon mari et me demande d'ailleurs si ce Rahim ne l'a pas marabouté.
Et pourtant il était d'accord avec moi au début.
Quel changement brusque!

Mes pensées étaient tellement lointaines que je ne l'ai pas vu entrer dans le salon où j'étais assise.
Elle était devant moi toute souriante.

Elle: bonsoir Yaye (maman) en me faisant la bise.

Je me demande  bien ce qui a put se passer entre-temps. Peut-être Dieu a entendu mes prières.

Moi: bonsoir sama thiat bi (ma cadette).
As-tu passé une bonne journée?

Elle: oui Yaye Dieu merci.
Je suis passé faire des courses à ma descente et j'ai acheté ceci pour toi (en me tendant un sachet).

Toute émue, j'ouvre le sachet et y sors un joli tissu et deux voiles de qualité.
Je souris de toutes mes dents et la serre dans mes bras.

Moi: merci beaucoup ma fille. "Dangua kham lima beug nak" (tu connais vraiment mes goûts)

Elle: oui Yaye, "dangua beug aduna" (tu aimes la vie) et d'ailleurs je le tiens de toi.

Nous éclatons toutes les deux de rires.

Moi: cela me fait vraiment plaisir de te retrouver ma fille chérie.
Tu sais, tout ce que je fais c'est parce que je ne veux que ton bien. Alors, ne m'en veut surtout pas.

Safie
Afin d'avoir ce que je veux, j'ai décidé de changer de stratégie avec mes parents.
Alors après mes achats, je suis directement rentrée à la maison.
Je pénètre le salon et n'y trouve que ma mère assise l'air pensive.
Elle a sursauté en me voyant, sûrement elle ne s'attendait pas à me voir toute souriante devant elle.
Ces derniers jours, j'avais toujours le visage serré même pour les saluer à papa et à elle.

Après les salutations, je lui remets son cadeau. Elle était vraiment émue et m'a remercié en formulant des prières en mon encontre. Elle m'a ensuite dit ne vouloir que mon bien et que je ne devais en aucun cas lui en vouloir.

Moi: tu sais maman, je sais absolument que tu ne veux que ce qui est mieux pour moi.
Mais as-tu au moins penser à mon bonheur?

Elle: si ma fille, et je sais que tu serais très heureuse si tu te mariais à un noble.

Moi: maman c'est de l'abus moral que toi et tous ces parents qui refusent de marier leurs enfants, pour ces histoires de caste, faites.
Ces gens n'ont commis aucun crime que la loi et tous les textes sacrés, comme le Saint Coran ont
sanctionné mais que dans l'esprit, vous refusez pour des raisons sans fondement.

Elle ne disait rien et se contentait juste de me lorgner.

Moi: s'il te plaît laissez-moi me marier avec celui que mon cœur a choisi.

Elle: hey si c'est pour cela que tu joues à la gentille, saches que ça ne marchera pas avec moi.
Jamais, j'ai bien dit jamais je ne te laisserai te marier avec cet homme!
Puis tu oses me parler d'amour, qu'est-ce que tu en sais!
"Euy mane Kane ma warou" (je suis choquée).

Je me lève déçue encore une fois de la réaction de  celle-ci et me dirige dans ma chambre.
J'y trouve Betty allongée comme à ses habitudes. Je l'avais même oublié celle-là puisque je ne fais même plus attention à elle.

C'est avec ces événements récents que j'ai su que Betty a toujours été jalouse de moi.
Je viens de comprendre pourquoi nous ne nous sommes jamais entendues.
Je l'ai entendu un jour parler au téléphone. Elle disait à son interlocuteur qu'elle se réjouissait que mes parents aient refusé de me marier à Rahim. Sinon j'aurai remporté le jackpot et avoir ce qu'elle a toujours voulu: un mari beau, intellectuel, riche et célèbre.
Elle disait qu'à chaque fois qu'elle voulait quelque chose, c'est moi qui l'avais.
Je suis resté bouche bée ce jour-là moi qui n'avait jamais vu les choses sous cet angle.
Comment une personne peut-elle être jalouse de sa propre soeur?
J'ai toujours voulu pour elle, ce que je voulais pour moi même. Et même si je suis allée plus loin qu'elle dans les études, je ne me suis jamais sentie supérieure.
À ce que je sache les sœurs sont censées se protéger mutuellement.
Bref, je ferais mieux de continuer à l'ignorer. De toute façon on n'est pas appelé à vivre éternellement sous le même toit.

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