Mal à la tête.
Affreusement mal à la tête est la première pensée qui me vient à l'esprit. Surtout au départ d'un point à l'arrière qui me donne l'impression de prendre possession du reste. Je sens qu'elle est lourde alors que cette dernière repose sur un matériau dur. Peut-être du sol ? Ce qui est sûr, c'est que ce n'est pas un oreiller. Je déteste avoir mal à la tête, j'ai l'impression de ne plus pouvoir bouger correctement. Et puis, je n'ai pas envie de bouger, d'ouvrir les yeux. De toute façon, ça fait des jours que j'ai envie de rien. On ne peut pas avoir envie de rien comme le dise régulièrement mes parents. On a forcément envie de faire quelque chose, même une action inutile. Sauf que là, je n'ai pas envie de faire quoi que ce soit. Du coup, je reste là. Allongée sur le dos sur un sol froid. Et j'attends que quelque chose se passe. J'attends aussi que mon mal de crâne diminue.
Je prend mon courage à deux mains et ouvre les yeux et je vois une immense chaine dorée qui descend du plafond blanc. Elle se termine en un délicat lustre de la même couleur. Il contient une centaine de bougies allumées avec du véritable feu. Car les flammes vacillent lentement. Heureusement, le lustre n'est pas au-dessus de moi. Il est un peu plus loin à gauche. Je ne prends donc pas peur qu'il me tombe dessus.
J'entends, de plus en plus distinctement, les pas des personnes qui passent à coté de moi. Il y en a beaucoup qui ont des talonnettes qui claquent sur le sol. Très peu de couinement de baskets. L'endroit est très fréquenté car, hormis les sons des chaussures, je distingue des bruits de conversations en cours. Mais personne ne fait attention à moi. Enfin, ils doivent bien faire attention pour ne pas m'écraser.
Avec une lenteur qui est devenue une habitude, je prends appui sur mes mains qui veulent bien supporter de remonter mon corps sur une petite distance. Le sol, glacé sous mes doigts, est en marbre blanc veiné de gris allant jusqu'au noir charbon. Cela rend un aspect luxueux et raffiné, ce qui n'est pas le cas du faux marbre des trousses de mes camarades. Adossée au panneau en bois qui se trouvait à ma droite quand je me tenais allongée, je tiens ma main devant ma bouche pour éviter de ressortir mon goûter qui est subitement remonté.
Ma tête me tourne. Je ferme mes yeux pour me ressaisir un instant avant d'observer la salle. Des centaines de personnes vont et viennent. Les couleurs de peaux se mélangent en un parfait kaléidoscope. S'arrêtant, repartant. Tous ont dépassé la cinquantaine. Rares sont les plus jeunes. Certains bavardent tranquillement entre eux, d'autres marchent rapidement et il y a ceux qui courent, la tenue en lambeaux vers je-ne-sais-quoi en écartant brusquement devant moi. Mais sinon, cela reste des habits de la mondialisation classique. Un jean, un t-shirt ou chemise ainsi qu'un gilet ou une veste semblent être sur toutes les personnes.
Les murs sont en bois. En bois vernis. Avec de fines bandes qui s'emboitent les unes dans les autres. Des bancs, vides, sont disposés le long des murs pour permettre aux gens de faire une pause assise. Des coquilles de noix de la taille d'un gros coussin volent avec des ailes vertes en évitant l'énorme lustre et en se dirigeant vers la gauche ou la droite. Elles volent très haut pour éviter tous les humains. En face de moi, se tient une imposante porte. En bois sculpté et vernis. L'encadrement touche presque le plafond. Deux battants. Les battants ne se referment pas. Ou presque jamais. Il y avait toujours des personnes qui entrent dans la vaste pièce.
Chancelante, j'arrive à me lever grâce à la force de mes bras. Je dois me tenir au bord du panneau en bois qui m'avait déjà aidée à me tenir assise, pour rester debout. Je vois une personne de petite taille, car je vois ses petites jambes sur le rebord d'une chaise, écrire à la plume violette sur des feuilles. Je le fixe comme si ma vie en dépend. Et puis ses oreilles pointues attirent mon attention. Ses cheveux comme non-coiffés sont bleus vifs. Même ses racines le sont, ce qui n'est pas le cas des gens aux cheveux teints. C'est donc sa véritable couleur. Il daigne enfin lever sa tête de sa paperasse. Ses yeux oranges me regardent derrière ses petites lunettes encerclées d'or.
-Vous désirez ?
Il a une toute petite voix aiguë qui tranche avec le côté strict de sa tenue aux couleurs chaudes.
Quoi ? Je veux quoi ? J'ai l'impression qu'on a mis mon cerveau en mode veille. Que je ne comprends plus rien à ma vie. Que ce que je fais n'a plus de sens.
-Euh, est la seule chose qui sort de ma bouche parce qu'il faut bien que je dise quelque chose.
-Vous ne savez pas ?
Je ne sais pas quoi ? Qu'est-ce que je cherche au fait ?
-Euh, oui, je m'entends répondre.
Ma bouche fait ce qu'elle veut. J'ai l'impression de ne pas avoir de contrôle sur tout ce qui fait mon corps. Il réagit tout seul.
-Vous trouverez des renseignements sur votre gauche au comptoir. Mais si j'étais vous, je m'assoirais sur un banc. Avant.
-Mer...Merci, je bredouille en essayant de reprendre contact avec le reste de mon corps.
Il n'ajoute rien, replongeant immédiatement dans l'écriture de son parchemin avec une plume verte. La conversation est close. Je remarque derrière lui une porte et me détourne du comptoir pour me diriger vers un banc. Il est situé non loin de la salle indiquée par la créature. Marron, lisse et rejoint par des moulures noires du style vieille France. Je m'assoie et m'allonge de tout mon long. Ma tête, sous mes bras, regarde vers la future salle qui a au sol du marbre avec des effets roses. Je regarde le ballet incessant des personnes. Fascinant. Je pourrais contempler cela pendant des heures. C'est comme les marées humaines. Elles vont toutes dans la même direction. Vers le comptoir ou la salle plus loin derrière moi ou celle d'en face. Dans cette dernière, seule variation à la première : les effets de granit sont bleus. Je n'en aperçois qu'une vague partie car le reste est camouflé par le million de personnes qui y entrent. Mon attention se focalise sur eux. Toutes ses personnes en mouvement qui ont un seul but commun. Aller de l'avant. Aller là-bas. Vers une de ses deux salles. Je ne sais pas encore pourquoi deux. Ni pourquoi on sépare les gens. Ni encore qu'est ce qui les différencie les uns des autres. Mais chaque chose en son temps. En tout cas pour l'instant mon cerveau pense à autre chose que répondre aux questions qui passent à portée de main.
💭
La lumière de l'immense lustre me pique les yeux. Je me les cache avec une de mes mains. Et l'ouvre petit à petit, histoire d'habituer mes yeux à cette lumière cru.
Aidée du banc et de ma main droite, je me relève pour m'assoir. Je prends appui sur mes jambes pour me lever, cette fois-ci, je n'ai pas besoin du comptoir –de toute façon, il est bien loin-. Je marche les derniers pas qui me sépare de la salle en granit à effets roses. Je me fonds parfaitement dans la marée humaine qui se dirige, elle aussi par là. Je passe le porche orné d'or et de bois lustré entre les deux salles, ce que je trouve très étrange. Un peu un coté vieillot, ancien.
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Cerita PendekCamille est une jeune fille qui s'enfuie de chez elle sous un excès de colère. ATTENTION - cette histoire parle de déprime, dépression, suicide. Assurez-vous d'être dans de bonnes conditions pour la lire. Prenez soin de vous.