Passage

Chapitre 3

La nouvelle salle possède exactement la même taille que la précédente ainsi que le même lustre qui pend accroché au plafond. Seulement si ses deux détails sont identiques, peu de choses le sont. Il n'y a pas d'immenses portes plaquées contre le mur opposé. Et un comptoir ovale se tient au beau milieu de la pièce d'où s'éparpillent plusieurs files de femmes. Aucune n'a de vêtements identiques. La ressemblance la plus proche est la similitude. Certaines portent des tailleurs bien coupés, d'autres à l'arrache. Et tandis que j'avance en direction d'une file au hasard, j'aperçois des châles qui côtoient des mini robes fluos ainsi que des pantalons classiques. Leurs origines sont aussi diverses que leurs âges, cela se traduit par une palette de couleur de peau.

Je suis derrière une femme qui est extrêmement dévêtue. Elle ne porte qu'une simple chemise. Ses bras et ses jambes sont couverts d'hématomes bleus qui montrent bien la maigreur de son corps. Quand je regarde autour de moi, toutes les femmes parlent entre elles mais je n'arrive à saisir aucune bride de conversation dans ma langue. Toutes me sont étrangères. J'aurais du mieux écouter en cours, mais maintenant ce n'est plus mon problème. Ce dernier est que je ne sais pas où je vais réellement. On m'a conduit ici, mais ce n'est que passager. J'espère obtenir des réponses sur où je suis et ce que je fais dans cette immense bâtiment, très joli, cela dit.

Je remarque que plusieurs personnes, après avoir discuté avec celles derrière les pans de bois, partent en direction d'une porte noire située sur le mur à droite lorsque je suis entrée. Cette porte s'ouvre en moins grand et moins de fois que les deux grosses portes de la salle précédente.

Une main se pose doucement sur mon épaule. Je sursaute avant de l'enlever précipitamment et de me retourner. Derrière moi se trouve une femme aux traits asiatiques avec beaucoup trop de perles blanches nacrées à son cou pour une seule personne. Je note aussi que ses rides sont bien ancrées sur son visage. Elle me fait signe du menton de regarder derrière moi, et je découvre que la dame en chemise est en train de parler, accrochée comme elle peut au bord du comptoir. Plus elle avance dans son dialogue avec celle du comptoir, plus elle hausse le ton. Voilà qu'elle crie dans une langue qui a de fort retentissements anglophones. Mais je sens, tandis que je m'avance, qu'elle est vraiment énervée. D'un coup, après les paroles de son interlocuteur, elle tourne les talons et ressort de la salle à contre-sens de la marée humaine, les mains sur les yeux. Ses boucles brunes en pétard disparaissent de ma vue.

-Alors, je voudrais votre nom complet, commence une voix aiguë, très calme.

Je me retourne vers le bureau surmonté, et aperçois la même créature que dans la première salle à cause de leurs oreilles pointues similaires et sa petite taille mais avec des cheveux violets retenus par une barrette qui parle sans s'arrêter. N'ayant aucune conscience qu'une noix est descendue pile au centre du comptoir et s'est ouverte de manière à libérer le tas de feuilles contenues avec des bras articulés, dissimulés à l'intérieur. Ses derniers prennent le tas à coté du précédent qui est bleu d'encre. La coquille se referme avec un claquement sec, avant de retourner dans les airs. Je le suis du regard en le regardant disparaitre dans la pièce précédente. Mon interlocutrice n'a pas arrêté de parler pendant que je contemplais l'étrange engin volant : votre date de naissance, le lieu aussi, votre lieu de résidence. Je voudrais aussi : nom et âge de vos frères, vos sœurs, vos parents, mari, fiancé ou petit copain, enfants, petits enfants et peut-être arrière petit-enfants, débite-elle dans un sentiment de répétition obligatoire. Mais elle garde les yeux sur sa feuille de manière à ne probablement rien oublier.

C'est seulement à la fin de sa phrase qu'elle relève la tête vers moi pour regarder à qui elle parle. Ses yeux oranges témoignent d'une surprise. Elle s'attendait à quoi ?

En parlant doucement dans ma langue, je commence à lui répondre :

-Je m'appelle Camille Adeline James et je suis née le 29/02/2005