Au revoir

169 16 13
                                    

- Bon eh bien, au revoir mon ange. Je passe te chercher ce soir à 18h pour le dîner ?

Crowley, dans l'encadrement de la porte, s'apprêtait à quitter la librairie. Il attendit plusieurs secondes une réponse d'Aziraphale... Qui ne vint pas. Intrigué, et un peu inquiet, il se retourna vers l'intérieur. Le libraire était bien là pourtant. Il s'était figé, un livre à la main, et son regard fixant le vide, les yeux un peu humides.

En voyant ça, le démon s'approcha doucement, regardant autour de lui sans comprendre ce qui avait bien pu mettre son ange dans cet état.

- Aziraphale ? Qu'est-ce qui se passe mon ange ?

Ledit ange sembla se reprendre subitement, affichant de nouveau son habituel sourire chaleureux. Et il aurait pu tromper n'importe qui, oui, n'importe quel humain avec ce sourire de façade. Mais Crowley n'était pas humain, et il voyait bien que ce sourire sonnait faux, terriblement faux...

- Ce n'est rien vraiment. Désolé. Oui, 18h c'est parfait.

Mais le démon n'était plus décidé à partir. Ce qu'il avait à faire pouvait attendre. Il restait planté là, les bras croisés, fixant Aziraphale derrière ses lunettes noires. Sa voix était douce, comme chaque fois qu'il s'adressait à l'ange, mais son ton ne souffrait aucune contradiction.

- Mon ange. Expliques moi.

Le libraire secoua la tête et reposa son livre sur une étagère, se détournant pour masquer sa gêne.

- Ce n'est rien, je t'assure...

Mais lui même n'en semblait plus vraiment convaincu. Crowley retira ses lunettes et posa doucement sa main sur l'épaule de l'ange, le retournant gentiment vers lui. Il savait qu'Aziraphale était incapable de lui mentir les yeux dans les yeux.

- Dis-moi.

Aziraphale soutint son regard un instant avant que ses yeux ne s'emplissent à nouveau de larmes, qu'il essuya d'un revers de main, ce qui ne servit au final qu'à laisser plus de place aux suivantes.

- C'est ridicule, vraiment... C'est juste moi qui suis trop attaché aux humains... Et terriblement maladroit...

Crowley posa tendrement une main sur la joue de l'ange, essuyant lui-même les quelques larmes qui s'échappaient de son regard bleu lumière.

- Tu sais bien que je ne te trouverai jamais ridicule Aziraphale. Peu importe ce qui te tracasse, si ça te met dans un tel état c'est que c'est important.

L'ange baissa un peu la tête. Sa voix tenait à peine du murmure quand il répondit, d'un ton altéré par les premiers sanglots.

- Tu as dit au revoir...

Crowley, qui s'attendait à tout sauf à ça, écarquilla un peu les yeux, attendant la suite. Et Aziraphale poursuivit, par à coup, luttant contre les sanglots qui agitaient ses épaules.

- Je... Déteste... Ce mot... Il me rappelle... Trop de mauvais... Souvenirs...

Crowley se détourna un instant pour attraper un mouchoir en tissu tartan abandonné sur une pile de livres, et le tendre à son ange. Il le guida ensuite précautionneusement jusqu'au divan et attendit qu'il se reprenne et s'explique un peu plus.

Il fallut quelques minutes à Aziraphale pour contenir ses sanglots désordonnés. Il y avait certains aspects de son enveloppe corporelle qu'il aurait volontiers abandonné, et cette tristesse beaucoup trop visible en faisait partie. Il se détestait d'imposer son état à Crowley. Même si le démon, lui, n'avait pas l'air embêté, ou agacé, non. Juste inquiet. Alors, l'ange expliqua, une fois sa voix posée retrouvée.

- Ça remonte à plusieurs siècles maintenant... C'était le tout début tu sais, j'avais encore un peu de mal à tout comprendre... Et s'il y avait bien une chose que je ne parvenais pas à retenir, c'est que les humains n'étaient pas immortels.

Il marqua une pause, un peu honteux. Crowley devait se demander comment on pouvait oublier quelque chose d'aussi fondamental. Il le prenait sûrement pour un idiot maintenant. Il fut donc surpris de sentir une main prendre la sienne, tandis qu'une voix douce lui soufflait.

- Continue mon ange...

Alors, Aziraphale continua.

- Plusieurs fois, je me suis lié d'amitié avec des humains... On se voyait, on parlait, on passait de bons moments, puis on se disait au revoir, à bientôt et... C'était avant l'Arrangement tu comprends, j'étais sans cesse surchargé de travail ! Je faisais de mon mieux pour éviter les réprimandes de Gabriel, j'étais appelé aux quatre coins du monde... Les mois devenaient des années, et les années des décennies, qui passaient sans que je m'en rende compte. Et quand je revenais, que je voulais les revoir... Ils étaient... Ils n'étaient plus...

Crowley hocha doucement la tête, signe qu'il avait compris, et serra un peu plus sa main dans la sienne pour le réconforter.

- Mais moi Aziraphale, je suis immortel. Et je ne pars pas loin, c'est promis. Je serai toujours là pour toi.

Aziraphale esquissa un sourire timide.

- Toujours ?

- Toujours.

A Nightingale Sang In Berkeley Square (OS Good Omens)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant