↬ trois.

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« Tu n'as pas peur ? »

Kokichi Ôma était un garçon perdu entre la vérité et le mensonge.

Désormais seize bougies bien soufflées, et toujours ces yeux mauves malicieux et ces mèches violettes. Il avait changé cependant, il était plus effacé, peut-être moins confiant qu'avant. Il avait sans doute vécu trop de choses pour ne pas changer.

Il n'avait plus vraiment de foyer désormais, juste un appartement vide qu'il occupait seul à côté de son lycée. Il ne s'en plaignait pas vraiment, il y avait longtemps que son père ne l'avait pas regardé et ne lui avait pas donné d'attention. Il était seul maintenant, mais au fond, il l'était déjà depuis des années. Expliquer la situation à sa professeur n'avait rien changé. Elle l'avait écouté, mais ne lui avait donné que des conseils stupides.

Il avait eu beau essayer de les mettre en pratique, la situation n'avait qu'empiré, au point où il osait à peine respirer face à son père. Il était devenu un étranger dans sa propre maison, il y passait le moins de temps possible, préférant la solitude et les rues remplies d'étrangers.

Voilà où l'avaient conduit les deux plus grandes vérités qu'il eut jamais prononcé, se disait-il souvent avec amertume. Il y recourait de moins en moins, à cette belle vérité tant appréciée des adultes. Il n'avait pas l'impression qu'elle apportait autant de bonheur qu'ils n'aimaient le prétendre.

Dans son malheur cependant, il avait fait une belle rencontre. Il avait rencontré la seule personne au monde qui semblait admirer la vérité, au point de ne jamais mentir. C'était ce qu'il avait pensé la première fois que sa route avait croisé celle de Shuichi Saihara.

Il aimait beaucoup le jeune homme déterminé qu'il était, et son enthousiasme à toute épreuve. Kokichi était désabusé, devenu presque craintif de ce qui pouvait arriver lorsqu'il disait la vérité. Il aurait parfois aimé redevenir le garçon confiant qu'il était avant, mais il avait l'impression que tout ce qu'il avait vu ne le lui permettait plus. Il avait vu sa famille se faire détruire par la vérité, et il était seul désormais. Seul, blessé, et incompris.

Shuichi le voyait comme une personne importante, comme un ami. Rien ne comblait plus Kokichi de bonheur. Et ils avaient pris une décision ensemble. Celle de s'inscrire à la cinquante-troisième édition du jeu Danganronpa. C'était Shuichi qui avait eu cette idée, et Kokichi n'avait pas cherché à le dissuader. Au contraire, il avait songé que c'était peut-être l'occasion de tout recommencer.

Le jeu Danganronpa l'avait toujours fasciné. Il se demandait comment lui-même ferait face au danger permanent, à la situation. Combien de temps survivrait-il, lâché dans ce jeu maudit où tuer les autres était la seule solution pour survivre ?

Plus que tout, il était séduit à l'idée de se réinventer. Ses souvenirs seraient en grande partie effacés, et il était libre de les trafiquer à sa guise. Rien ne lui faisait plus envie actuellement. Et la joie qui brillait dans les yeux de Shuichi était suffisante pour supprimer ses derniers doutes.

Ils étaient sur le point de s'inscrire quand le jeune homme lui avait posé cette question. Ils étaient face à l'entrée des studios, prêts à soumettre leurs candidatures. Est-ce qu'il avait peur ? Il ne savait pas trop. Sans doute oui.

Mais il avait pris la résolution de redevenir quelqu'un d'autre grâce à ce jeu, et il allait tenir sa promesse intérieure. Pour autant, il décida de donner une réponse honnête à Shuichi, car lui en méritait sûrement une. Shuichi valait mieux que les autres après tout, il en était convaincu.

Alors, il attrapa la manche de la veste de son compagnon, et répondit doucement : Je pense que si.

Cette fois-ci, il reçut un sourire rassurant en réponse et une étreinte chaleureuse sur sa main. Et il se prit à espérer que la vérité n'était pas si douloureuse qu'il ne le pensait, et qu'elle apportait quand même du bonheur parfois.

Cette vérité-là lui mit du baume au cœur – mais pour quelques jours seulement, car ce souvenir rejoignit ensuite la montagne des abandonnés.

+ pour simplifier l'écriture, je suis partie du principe que quasiment tout ce qui était présenté dans la Tuerie comme "passé" était faux.
+ je ne connais rien sur les headcanons pregame, alors je me suis juste inspirée de certains fanarts–

LES MENSONGES SONT D'OR - 𝗼𝘂𝗺𝗮𝘀𝗮𝗶Où les histoires vivent. Découvrez maintenant