LE CHANT DU COU(s)COU(s)

☾ sofia {partie 2}

IIIe anecdote - « mauvaise influence »

— Élisa, tu devrais faire attention à tes fréquentations.

Après l'épisode du surimi, Sofia en avait déjà eu marre de cette animatrice. Mais quand la sorcière avait dit ça à la petite Élisa, elle était bien plus qu'outrée.

— Quelle connasse, avait sifflé Nelsy entre ses dents.

Élisa était la plus jeune de leur petit groupe, et la seule "française". Française entre crochets parce que tout le monde était français aux yeux de la loi. 

Il y avait Nelsy, une renoi au sourire flamboyant de sympathie, Sherine, une Franco-marocaine qui se promenait en djellaba dans le campement - djellaba qui était en fait son pyjama -, Farah qui était d'origine turque et qui adorait critiquer les gens derrière leur dos. Et puis il y avait Élisa, une petite brune cent pour cent franchouillarde, née dans le Nord-Pas-de-Calais.

Pour plaisanter, on avait donné un petit surnom à Élisa. Comme cette dernière en demandant les origines de ses collègues s'était mise à chanter du Cheb Khaled, ma sœur avait trouvé rigolo de l'appeler "Aïcha" le temps d'une soirée. Si bien que d'autres enfants avaient fini par croire qu'il s'agissait de son vrai prénom. 

Pour leur défense il faut dire que la petite Élisa, brune et matte de peau, ressemblait bien plus à une maghrébine que ma sœur.

La sorcière ne semblait pas apprécier le fait qu'on ait "rebeutisé" la petite fille. Surtout que cette dernière se prenait carrément au jeu, disant des "hamdoullah" et des "ya Latif" dans le quart de ses phrases. Ça faisait bien rire les filles et tout le monde semblait passer un bon moment.

Lorsque la femme avait fait remarqué qu'Aïcha avait de mauvaises fréquentations, c'était quand le groupe de fille se dirigeait vers les vestiaires de l'autre côté du campement, qui nous servait à faire la douche et à nous brosser les dents.

— Vous avez cinq minutes pour aller dormir, si dans cinq minutes vous n'êtes pas dans vos tentes il y aura des sanctions.

— Quoi ? Mais on ne s'est même pas encore brossé les dents ! Avait dit Nelsy. On était en train d'aider à ranger les bancs !

— Cinq minutes ! Avait répété la sorcière avant de tourner les talons vers le campement.

Problème : le trajet jusqu'aux vestiaires durait déjà trois ou quatre minutes. Ça n'allait pas être assez pour se laver les dents, se mettre en pyjama et revenir dans le campement.

— Pas besoin de trop se presser, avait dit Sofia. On y sera jamais à temps de toute façon. Elle veut juste nous mettre un coup de pression mais on aura rien, ne vous inquiétez pas.

Elles étaient arrivées sans encombres. Sortant brosses à dents et dentifrices mentholés, les filles commencèrent alors à se brosser les dents sans parler pour ne pas perdre de temps. 

A peine trois minutes plus tard la porte s'ouvrit en grand sur la sorcière qui avait le visage déformé par la colère.

— Je vous avait dit cinq minutes ! C'est tant pis pour vous !

Et elle referma la porte aussi violemment que comme elle l'avait ouverte, laissant les gamines dans la plus totale incompréhension. "Tant pis pour vous" ? Qu'est-ce que ça voulait dire ?

Sofia s'était approchée de la porte et l'avait poussée. Rien ne bougeait. Elle regarda bien, il n'y avait ni serrure, ni loquet.

— Je rêve... avait soufflé l'adolescente. Elle nous bloque la porte de l'extérieur !

La sorcière barricadait la porte avec son corps. Sofia se mit alors à pousser sur la porte tandis que la surveillante poussait de l'autre côté. Mais ma sœur, bien qu'elle soit toute fine et toute menue, avait plus de forces que cette femme. Elle poussait encore et encore jusqu'à ce que la porte s'ouvre un peu. Elle aurait très bien pu passer à travers la fente mais elle préféra tout lâcher d'un coup et reculer.

Elle ne voulait pas affronter cet adulte en furie, ça lui foutait un peu les chocottes au fond, même si elle ne voulait pas se l'avouer. On entendit alors la surveillante s'écraser contre la porte de tout son poids et Sofia n'avait pu contenir un rire. 

Mais elle était énervée et choquée, donc après quelques secondes elle donna un coup de pied dans la porte en pensant qu'elle était toujours derrière. Mais la porte s'ouvrit en grand. La sorcière était partie.

Comme il faisait nuit, il était impossible de savoir par où la femme était partie.

— Pétasse ! Avait-elle crié dans l'obscurité la plus totale.

Pas de réponse. Ma sœur ne disait jamais de gros mots, elle avait toujours peur que maman l'apprenne, même quand elle n'était pas dans les parages. Elle s'était alors tournée vers les petites qui étaient restées à l'arrière et qui avaient fini depuis longtemps de se brosser les dents.

— C'est bon, elle est partie. Retournons à la tente.

Étrangement, les filles n'ont plus croisé cette animatrice de tout le séjour. Peut-être la sorcière faisait-elle attention à ne pas se faire voir par elles...

☆

|nda : certains adultes qui ont l'air sains d'esprit comme ça sont en fait complètement détraqués. Faites attention à vous et apprenez à faire des clés de bras. Peace <3|