Tarot Cards ► Rémus Lupin [vf]

XXI. FELICITY DÉTESTE ROUGIR

Respirer. Défini comme inhaler de l'air dans ses poumons puis l'exhaler après qu'il soit devenu du dioxyde de carbone. C'était, en théorie, une chose simple, car respirer était, au même titre que hurler, la première chose que faisaient les nouveaux-nés. Les humains devaient tout apprendre : ils devaient apprendre à se tourner sur le dos pour gigoter dans tous les sens, puis marcher à quatre pattes et enfin faire leurs premiers pas. Ils devaient apprendre des lettres et des sons qui s'assemblaient pour créer des mots qui devenaient des phrases. Mais respirer ? C'était un paramètre par défaut. On savait le faire sans l'apprendre.

Alors pourquoi Felicity en était-elle incapable ?

Ses yeux baissèrent jusqu'à la chaleur enveloppant sa main. Oh. C'était ce qui l'empêchait de respirer.

Elle était assise sous l'ombre d'un arbre, juste derrière le Lac Noir. Juste devant elle, et cherchant à savoir combien de Fondants du Chaudron pouvaient entrer dans sa bouche en même temps, était assis Sirius, qui roulait des yeux dans un demi-rire à chaque fois que James parlait de Lily, ce qu'il faisait très souvent. Peter gribouillait sur une feuille de papier, mais le coin de ses lèvres s'étirait alors qu'il écoutait James ragoter. Et puis il y avait Remus, qui avec un grand sourire, faisait glisser son pouce le long du dos de la main de Felicity. Parce qu'il lui tenait la main. Parce qu'il avait des sentiments pour elle.

Elle ne pouvait toujours pas y croire.

Ses connaissances à propos de Remus Lupin avaient toujours été étrangement nombreuses. Elle savait comment s'appelait son eau de cologne, quelle était son équipe de Quidditch préférée, et qu'il aimait le chocolat. Mais maintenant, Felicity découvrait ce qui se cachait sous la surface, comme sa peur de la pleine lune et le fait qu'il était fils unique. L'idée qu'elle puisse plaire à Remus n'arrivait toujours pas à rentrer dans sa tête. Parfois, la traduction était mauvaise.

Cela expliquait pourquoi elle fixait leurs mains et semblait incapable de respirer.

-Tu vas bien ? demanda Remus qui avait remarqué son silence.

Ce n'était pas la première fois que Felicity perdait le fil de la conversation durant leurs deux semaines de relation. À chaque fois qu'elle revenait sur terre, son visage tournait à un rose que Remus ne manquait jamais de taquiner.

Elle sursauta lorsqu'il murmura ces mots près de son oreille, et il appuya un doigt sur sa joue rouge. Mais elle lui sourit, se demandant si cela l'affectait comme son sourire à lui l'affectait, elle.

-Tout est parfait.

Elle réalisa ce qu'elle venait de dire.

-Je veux dire, je ne suis pas parfaite. Personne ne peut être parfait. Sauf toi. Tu es parfait.

-Je suis loin d'être parfait, City.

Elle devait respirer maintenant. Il n'y avait pas d'autre choix. Sinon, l'adorable surnom qu'il lui avait donné lui ferait perdre connaissance. Il s'y essayait depuis quelques jours, comme elle détestait toujours être appelée Flick.

-C'est faux.

Il fronça les sourcils, l'air mal à l'aise à l'idée qu'elle pense qu'il soit parfait. Il devrait s'y habituer.

Elle avait passé sa vie à le mettre sur un piédestal et même s'il lui était arrivé de penser qu'il ne serait pas à la hauteur, il lui avait jusque-là prouvé tort. Il était un mélange de rayon de soleil et de bonheur qui avait pris forme humaine. Comment pouvait-il ne pas voir qu'il était parfait ?

-Personne n'est parfait.

-Ça, c'est faux ! chantonna Sirius en donnant un coup de pied joueur dans le tibia de Felicity.

Les fondants du chaudron semblaient être enfin descendus jusqu'à son estomac. Il avait une trace de chocolat au coin de la bouche, mais elle ne lui dit pas. Felicity se vengeait. Elle ne savait pas encore de quoi, mais il finirait bien par faire quelque chose.

-Je suis tout ce qu'il y a de plus parfait, merci beaucoup.

Remus rit, et se pencha pour pousser Sirius. Le voir aussi heureux était agréable. Ces derniers jours, il avait eu l'air épuisé et malade, comme s'il avait attrapé un rhume contre lequel son corps essayait de lutter. Et s'il avait toujours l'air fatigué alors qu'il était assis à côté d'elle, son moral, lui, était bien meilleur qu'avant. Felicity se plaisait à penser qu'elle y avait joué un rôle. Que peut-être, rien qu'un tout petit peu, elle avait réussi à le rendre heureux. C'était certainement bête de sa part, mais elle ne pouvait s'empêcher d'y penser.

Alors que Sirius et James débattaient de la meilleure solution pour attirer l'attention de Lily, Remus attira Felicity contre lui et déposa un baiser sur sa tempe. Elle avait l'impression que son corps entier s'était enflammé. C'était ce dont ce poète moldu parlait lorsqu'il disait vouloir mourir par le feu.

-Demandons à City, alors ! protesta James après avoir écouté Sirius.

Le coeur de Felicity se réchauffa à l'idée que les Maraudeurs (qu'elle avait entendus se donner d'étranges surnoms) s'étaient pris à l'appeler par le surnom que lui avait donné Remus.

-Comment est-ce que je devrais demander à Lily de m'accompagner à Pré-au-Lard la prochaine fois ?

Felicity cligna des yeux.

-Tu vas encore inviter Lily ? Elle n'a pas... euh... déjà refusé la dernière fois ?

-Oui, mais Sirius l'a entendue dire à un préfet que j'avais beaucoup mûri cette année.

Peter rit et James lui lança un regard noir.

-Lily et moi ne sommes pas très proches, alors je ne suis pas... sûre, commença-t-elle avant que les épaules de James ne s'affaissent.

Les battements de coeur de Felicity accélérèrent. Remus perdrait-il tout intérêt pour elle si elle ne pouvait pas aider James à attirer l'attention de Lily ?

-Mais, peut-être que je peux trouver une solution pour toi ! laissa-t-elle échapper.

-Tu ferais ça, City ? demanda-t-il avec des yeux brillants.

-Bien sûr.

Elle appréciait Lily. Elle n'aurait aucun problème à se rapprocher d'elle et apprendre à la connaître pour aider James.

-Tu es trop bien pour lui, fit James en pointant Remus du doigt. Tu es un ange parmi nous, pauvres mortels.

S'attendant à ce qu'elle rougisse, comme elle le faisait à chaque fois qu'elle recevait un compliment, il fut surpris lorsqu'elle se mit à rire.

-Merci, James.

-Tu ne t'y es pas bien pris si elle n'a pas rougi, s'exclama Sirius derrière son meilleur ami. C'est comme ça qu'on reconnaît notre City.

-Je suis désolée de vous l'apprendre, mais je ne rougis que quand Remus est celui qui me complimente.

Les mots quittèrent sa bouche avant qu'elle ne puisse y penser. Dès l'instant où son cerveau comprit ce qu'elle venait de dire, elle éprouva l'envie de se jeter dans le lac noir et de s'y noyer.

Sirius et Peter éclatèrent de rire alors que James ricana.

-Il y a une chance que vous oubliiez ce que je viens de dire ? murmura-t-elle.

-Pas la moindre, répondit Remus en l'embrassant de nouveau.

Eh bien. De toute façon, ce n'était que la vérité.