¤ Silence Noir ¤

524 33 14
                                    

Moi.

        Je suis né second d'une famille de riches bourgeois. Les petits millionnaires du coin. fortuné et intelligent, j'avais un futur tout tracé avant même que je pointe le bout de mon nez. Pourtant, ma vie n'a jamais suivi le cours qui lui était destinée. Parfois, je regarde par le fenêtre de ma chambre d'hôpital et fixe sans un mot les branches du cerisier, vides. Je ne suis pas différent des autres humains, je suis même identique à eux. J'ai souvent la sensation d'être seul au monde avec comme unique sociabilité, une infirmière rondoulliette.

        Mes parents sont dirigeants d'une très grande entreprise et voient en moi l'enfant prodige capable de reprendre l'affaire familiale. De mon point de vue, c'est désespérant. Je n'ai pas l'étoffe pour ça et je n'ai pas réussi à leur offrir ce qu'ils désiraient. Inscrit à une école privée dès l'age de sept ans j'étais presque prodigieux. J'aurai pu l'être davantage. Mais ça ne s'est pas passé tel que je l'imaginais. 

"Elliot !" 

        Je n'ai pas envie de répondre à cet appel. je n'ai pas envie de sortir de mon lit. Je n'ai pas envie de prend la béquille à ma droite et de marcher comme un handicapé. Malgré tout, je rejette ma couette loin de moi et j'observe mes jambes. D'un œil inconnu, je peux paraître en bonne santé. En réalité, je suis un malchanceux atteint de la maladie d'Ether. 

        Apparut en 2021, cette maladie tue à petits feux, sans aucun moyen de contre-attaque. Les symptômes sont nombreux et très douloureux. Après dix années de recherche, les scientifiques ont enfin trouvé un traitement. Je suis le neuvième cas recensé en cette année 2031. Âgé de 17 ans, je ne peux qu'attendre la fin de ma vie en regardant mon corps se dégrader. Je balance mes jambes hors du lit et attrape ma béquille. J'ai toujours du mal à avancer au réveil. Il faut dire que j'ai du mal pour tout ce que j'entreprends. Mollement, je traverse ma chambre et pousse une porte,appuyant sur l'interrupteur. Ma salle de bain est grande. J'ai une porte pour les toilettes et une baignoire qui fait le double des standards. Autant ne faut-il pas être choqué en apprenant que chaque poignée de porte est en or. Mes parents sont friant du brillant. De vrais dragons !

        Boitillant légèrement, j'allume le robinet et me mouille le visage, chancelant. Quelques fois je me demande comment j'en suis arrivé là. Comment Elliot Von Dorn a t-il attrapé le Syndrôme d'Ether. Je pense qu'il n'y a pas de réelles explications. Que je suis juste un pauvre jeune homme qui sombre peu à peu dans le solitude et dans la peur. Plus le temps passe, moins je suis terrifié. Après tout, je ne suis qu'au stade 3 mais la maladie change vite, trop vite ! Sortant de ma chambre en maillot de foot et short noir, j'arrive devant les longs escaliers. Quelle ironie ! Pourquoi ne pas avoir mit un ascenseur dans cette gigantesque baraque ? Je ne sais pas. En silence, je descends les marches, lentement. TRES lentement.

"Elliot, bouge toi ! Tu as rendez-vous dans moins d'une heure à St.Etiennes !

- Ouai, Ouai, j'arrive ! "

        Après quelques minutes de descente interminable, je finis pas entrer dans la cuisine où mon beau-père est attablé, lunettes rondes sur les yeux lisant son journal d'une main lasse. Homme grand et baraqué, John Coster est à la tête de l'entreprise familiale depuis quatre ans. Quatre années que ce sale con est entré dans ma vie. Nombreuses fois as-t-il tenté de se rapprocher de moi à sa manière. Ses belles paroles ne m'ont pas enrôlé. En revanche, Léo Von Dorn a parfaitement suivit les conseils de beau-papa. Mon frère aîné est le prodige des prodiges. Il excelle dans tout et n'a de regard que pour le prestige. Les yeux de mes parents sont virés sur lui et je dois avouer que je manque cruellement d'amour ! Bien sur, je peux vivre sans, je le fais depuis longtemps. Attrapant une tasse avec du café, je m'assoie en face de John. Ses yeux se lèvent et me fixent au dessus de ses verres. Passant ma main dans mes cheveux noirs en bataille, je sirote le liquide chaud. Je sens qu'il va me parler. Je sais qu'il va sortir une connerie. 

"Elliot..."

        Je deviens doué avec les expressions du visage. 

"Quoi ? demandai-je avec lassitude. 

- Comment vont tes nervures ? 

- Depuis quand tu t'inquiètes pour moi ? 

- Voyons ! Le médecin dit que tu es proche du stade 4 et qu'elles vont augmenter ! Siffla John entre ses dents droites.

- Et alors ? Le Syndrôme d'Ether c'est la merde, ce n'est pas nouveau." Marmonnai-je en finissant mon café. 

        Je coupe net la conversation en me levant, ma béquille en main. John pousse un grognement. Il veut jouer au bon père, c'est trop tard. J'ai autre chose à faire. Ma remontée est plus simple et je m'habille classe. Après tout je suis un gosse de riche et vu le peu de temps qu'il me reste, je vais gentiment en profiter. Habillé en jean, T-shitt noir et veste en cuir, je dépose mes lunettes de soleil et me passe un coup de gel dans mes cheveux que je rends encore plus en bataille. Mouais, classe, tout est relatif...

        J'entend les talons de ma mère devant la porte. Ils claquent sur le carrelage neuf. Je la rejoins et boite un peu en avançant. Ma mère est une femme de quarante-six ans qui ne les fait absolument pas. Ses longs cheveux blonds sont attachés en queue de cheval haute. Ses yeux sont d'un bleu sale. J'en ai hérité mais récemment, ils sont davantage océaniques, profond. Peut être que le Syndrôme modifie la génétique de mes yeux...Mais ce serait peu probable.  Ma mère me fixe. Son regard est étrange. Peut être suis-je transparent ? 

"Allons-y". 

        Silence. 

Résonance [ Terminé ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant