Des éclats de rire, des pas de danses hésitant, des verres qui se vident. Le groupe de cinq amis était là, dehors, à profiter de leur dernière soirée. De la musique accompagnait ce moment, ou plutôt, le faisait vivre. Que feraient-ils sans musique ? Personne ne le sait. Elle avait toujours fait partie de leur vie, dans les bons comme dans les mauvais moments, amplifiant des rires ou des larmes, servant de motivation pour un devoir préparé la veille ou d'échappatoire à la pensée.
A cet instant précis, une mélodie joyeuse et entraînante, sur laquelle on aime danser à en perdre haleine, sortait de l'enceinte posée au sol. Une des filles, la plus active diraient-ils, était déjà en train de se déhancher, de sautiller au rythme des basses, sans prêter attention aux étudiants qui passaient non loin. Après tout ils étaient au milieu du campus, en bas de leur résidence, et n'étaient guère les seuls à profiter de cette fin d'année dans la chaleur lourde du soir d'été.
Une ambiance spéciale régnait, partagée entre deux sentiments. Une joie d'avoir fini les cours, d'être libérés de toute obligation, de se retrouver dehors pour fêter ça comme il se doit, et un goût amer de tristesse car au fond d'eux ils savaient. Ils savaient qu'il fallait profiter, se laisser porter par les notes et ne pas penser. Celle qui dansait déjà se le répétait sans cesse, surtout ne pas penser, ne pas réfléchir à après, simplement profiter. Le lendemain, ils allaient se séparer, retourner dans leur village, leur ville, auprès de leur famille de sang. Ils habitaient aux quatre coins de la France et même plus loin encore. Cette séparation n'était que temporaire, ils en étaient conscients, mais cela ne faisait pas disparaître cette peur de la solitude présente chez certain. D'autres groupes se formaient autour d'eux.
L'âme dansante s'amusait à croiser le regard de ceux qui le voulaient bien. Elle y voyait chez la plupart cette liberté tant attendue, cette allégresse, cette euphorie générale. Mais, en s'attardant quelques secondes de plus, elle pouvait percevoir cette peur, tapie, rendue muette le temps d'un soir par les effets de l'alcool. Elle, elle ne buvait pas. Elle voulait tout ressentir. Elle voulait être pleinement consciente et capable d'apprécier tout ce que ses cinq sens lui permettaient. Peut-être était-ce une erreur. Elle s'en fichait. Elle n'avait que trop vu les méfaits que cela pouvait engendrer.
Ses amis l'avait rejoint pour danser avec elle. Des sourires, des claquements de doigts qui battent le rythme, des robes qui se soulèvent au gré de la légère brise, des cheveux devant les yeux. La soirée battait son plein et d'un coup le silence se fit, avant qu'un immense chœur emplisse l'air autour d'eux et monte jusqu'au ciel. La musique venait de changer et, comme une prière que les croyants s'appliquent à réciter à l'unisson à l'Église, tout le monde s'était mis à chanter ensemble. Certaines musiques avaient ce pouvoir-là, de lier tous les êtres pour ne former qu'un, le temps de quelques minutes. Tous les groupes qui s'étaient formés autour avaient cessé leurs occupations et leurs discussions pour élever leurs voix en direction de la Lune. Le groupe des cinq amis s'égosillait à plein poumons, comme si leurs voix allaient rester davantage en suspens dans les airs, tout comme le temps. Ce moment ne dura que quatre minutes mais parut une éternité pour tous ceux qui l'avaient partagé.
Une fois cette chorale improvisée finie, l'ambiance se fit plus calme. Le groupe s'éloigna un peu et s'assit. Ils se mirent à parler, bercés par des musiques plus douces, plus envoûtantes. Ils parlaient de tout et de rien, de leur année passée, de leurs années futures, de leurs amours inavoués pour cette fille, ou ce garçon, des anecdotes qu'ils avaient entendues ici et là et de leurs vacances dont ils comptaient profiter au maximum. Après tout, c'étaient leurs dernières grandes vacances. Ils rentraient dans le monde des grands après, pas encore dans celui des adultes indépendants, mais dans celui des lettres de motivation et des CV afin d'obtenir leur stage rêvé. Ils n'auraient plus de vacances d'été avant sûrement des années. Et dans cette ambiance de nostalgie, presque de mélancolie, mais aussi d'excitation pour la suite de leur vie, la nuit continua d'avancer. Il ne faisait pas assez froid pour leur indiquer de rentrer se coucher et aucun n'avait envie de laisser ses amis pour rentrer s'isoler dans son appartement. Alors ils restèrent là, à bavarder, à rêver, tous allongés dans l'herbe, en essayant d'apercevoir les constellations, éblouis par ces maudits lampadaires. Quand finalement les premières lueurs du jour firent disparaître les étoiles, ils se décidèrent enfin à se séparer, en se souhaitant de bonnes vacances, la peur avait laissé place à des souvenirs plein la tête et des étoiles plein les yeux.
Le temps poursuit sa course sans fin. Autant en savourer chaque instant.
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Mes récits
Historia CortaDes pensées, des souvenirs et des histoires en vrac. Il n'y a pas d'ordre. Simplement des textes écrits quand l'envie me vient.