— Hunter. Visite avocat, lance le gardien me sortant momentanément de mes pensées morbides.
La visite du Près’ m’a foutu les glandes comme jamais. J’ai pris cher. Je m’y attendais. Mais me coller un putain d’avertissement. Le dernier. Ça me fout la rage. Je suis un Sons bordel de merde. C’est gravé dans ma peau jusqu’à l’os, jusqu'au tréfonds de mon âme si j'en ai encore une. Je donnerai ma vie pour le club. Il le sait putain.
Je ne desserre pas les dents et rejoins le maton. Nous passons grilles et portes jusqu’au bloc dédié aux visites et je continue de ruminer. Qu’est-ce que je peux espérer? Rien. Les avocats du club ont été très clairs, aucune chance que je sorte d’ici. Leur seule marge de manoeuvre réside dans le fait d’obtenir la prison à vie, plutôt que la peine de mort. D’ailleurs, je me demande pourquoi ils se déplacent encore. Ils ne peuvent plus rien pour moi. Personne ne le peut. Je vais crever ici. Par injection létale ou de vieillesse. À moins que ça ne soit d’un coup de couteau d’un de mes co-détenus.
La dernière visite du Près' était glaciale. Je sais qu'il est inquiet. Ça se voit à sa gueule. Mais bordel, je suis enfermé ici, pied et poing liés, impuissant. Qu'est-ce qu'il veut, merde ? Je ne peux pas l'appeler. Entendre sa voix serait un putain de supplice. Je me fracasserai comme la flotte sur les rochers. Je suis trop à vif. Trop sur les nerfs. Je foirerai c'est sûr. Et il en est hors de question. Le Près' m’a dit qu’Anchor avait trouvé de nouvelles infos. Qu'ils allaient me sortir de ce trou. Et que si ce n’était pas par voie légale, ils finiraient sûrement par monter une opé pour me faire évader. L’idée m’a fait sourire. Mais ça n'arrivera pas.
Mon frangin est un putain de grand malade. Il est redoutable. Rien ne lui résiste. Encore moins les gonzesses. Et c’est exactement, ce que j’ai répondu à mon Près'. Ce dernier m’a rétorqué avec un p’tit sourire en coin, qu’il était possible qu’il finisse par se ranger. Ça m’a bien fait marrer. Anchor se ranger? Est-ce qu’on peut dompter une mer déchaînée? Non, et croyez-moi, celle qui réussira n’est pas née. J’ai pourtant espéré. Ces derniers mois ont été un enfer, c'est vrai, mais pas seulement à cause de la perte de ma mère, je voulais vraiment qu'on se pose. Et le refus de mon ange de venir me rejoindre m'a rendu dingue. J'avais l'obscur espoir qu'elle tombe amoureuse de San Francisco, d'Oakland, du club, de nous, de moi et qu'elle décide de rester bordel. Mais, on se sera tous fait buter avant que ça arrive.
J’avais pas à me plaindre côté nanas non plus. Le cuir, les tatouages et ma gueule d’ange faisait le boulot, sans que j’ai même à ouvrir la bouche. J’en ai bien profité. J’ai baisé à l’appel. Et même si je ne suis pas prêt de revoir un jour une chatte, un beau petit cul ou une belle paire de nibards, j’ai aucun regret de ce côté là. J'en aurais baiser ma part.
Le seul qui me hante vraiment, c’est de n’avoir rien dit à Bri. Peut-être que… Même si ma raison me hurle que non, que c’est impossible, mon organe vital, lui, espère. Peut-être que si j’avais eu les couilles de lui avouer mes sentiments, j’aurais pu connaître l’amour dans ses bras. J’aurais peut-être connu le bonheur. Celui d’être aimé en retour. De partager sa vie. De la retrouver chaque soir en rentrant. De pouvoir la prendre dans mes bras. La respirer. La câliner. Lui faire l’amour. De pouvoir veiller sur elle et la protéger quoi qu’il arrive. De pouvoir partager des moments simples ensemble. D’avoir peut-être des gosses, qui sait?
— T’as changé d’avocat? me questionne le gardien me sortant de ma rêverie.
Je ne réponds pas, mais fronce les sourcils. C’est vrai que le Près' m’a dit avoir trouvé un crack, spécialisé dans ce genre d’affaires. Mais, je pensais qu’il me préviendrait de sa visite. Merde. Bordel, j’espère que c’est pas encore un de ces charognards, qui vendraient père et mère pour que j’accepte qu’ils me défendent. J’en ai déjà vu quatre, rien que cette semaine. Qu’ils me lâchent ces enfoirés. Ils me pensent désespéré au point de renier mes frères, mon club, ma famille pour sauver mon cul. Bordel, à cette idée, la colère m’envahit. Ils se gourent. Ça n’arrivera jamais.
Lorsqu’on arrive dans le couloir avant le parloir, j’aperçois Styx accompagné d’un gardien lui aussi. Je fronce les sourcils. Qu’est-ce que c’est que ce bordel? Qu’est-ce qu’il fout là? Les deux gardiens s’arrêtent pour échanger quelques mots, Styx en profite pour me rejoindre un sourire au coin des lèvres.
— Qu’est-ce que tu fous là? lui demandé-je doucement.
— On a une nouvelle avocate mon frère, me répond-il avec un grand sourire. Et c’est une putain de bombe!
Je fronce à nouveau les sourcils, ce qui l’incite à poursuivre.
— Anchor l’accompagne. Te fous pas trop de sa gueule. Il fait office d’assistant de la poule, dit-il en rigolant avant de reprendre son sérieux. Seul moyen de ne pas trop attirer l’attention qu’il a dit. On serait sous surveillance. La gonzesse pense pouvoir tous nous faire sortir de là. En plus d’être un joli p'tit lot, ça a l’air d’être une tronche. J’ai rien pigé à ces explications, mais elle a l’air sûre d’elle. Elle a dit que dans peu de temps, on serait tous dehors.
— Ouais, bien sûr, craché-je amer. Encore une qui se prend pour une foutue magicienne.
— Elle peut se prendre pour ce qu’elle veut mon frère, tant qu’elle s’occupe de ma queue, moi tout me va, se marre-t-il en repartant tranquillement avec le gardien.
Ok. Moi qui croyais que je reverrai pas de beau p’tit cul de sitôt. Je vais en profiter. Y’a pas grand chose à faire ici de toute façon. Les distractions sont rares. Je vais prendre un malin plaisir à la chercher. Si elle croit me sortir de là en quelques jours, elle rêve. Elle va se casser les dents. En revanche, l’idée de voir mon frère m’arrache un sourire. Putain, il me manque l’enfoiré.
Lorsque le gardien m’ouvre la porte, je me dirige vers la table située au centre de la petite pièce déserte. J’entends la porte derrière moi se verrouiller, quand quelques secondes plus tard, celle en face de moi se déverrouille. Je vois apparaître mon frère et j’éclate de rire. Bordel. Alors celle-là, je ne l'ai pas vu venir.
Anchor, mon frère, Sergent d’Armes des Sons of Hell, le club de bikers le plus craint du pays, se tient devant moi, habillé en pingouin. Et bordel, ça vaut le détour! Pantalon et veste de costard noirs, chemise blanche, cheveux détachés. On pourrait presque y croire, s’il ne tirait pas sur le col de sa chemise toutes les dix secondes. J’ai pas fini de me marrer.
— Te fous pas de ma gueule connard, grogne-t-il, alors que je suis mort de rire.
— Moi, je le trouve très sexy, dit une voix que je reconnaîtrais entre mille et qui a le mérite de me faire fermer ma gueule direct.
Bordel, c’est pas possible, je rêve. Je scrute le visage de mon frère pour essayer de trouver des réponses. Mais j’oublie qu’à ce jeu là, il est aussi doué que Thor. Pourtant, il se décale, un petit sourire de connard au coin des lèvres. Et je l’aperçois. Elle est là. En face de moi. Je rêve pas. Putain de bordel de merde. Bri.
Mon palpitant s’arrête net. Mon cerveau aussi. Et mes yeux refusent d’y croire. Mon ange est ici. Là, devant moi. Plus belle que jamais. Ma lumière. Ma putain de raison de vivre. Mon cerveau se barre. Mon coeur pulse à mes tempes.
Avant qu’elle ait eu le temps de faire le moindre geste ou de prononcer le moindre mot, je saute par-dessus la table, la prends dans mes bras, la colle contre le mur derrière elle et m’empare de ses lèvres, sous ses yeux écarquillés. Bordel de merde. C'est ça le paradis.
Même si dans un premier temps, je crains qu’elle me repousse, elle n’en fait rien. Je la serre un peu plus dans mes bras, la collant contre mon corps. J'ai tellement besoin d'elle. De sa chaleur. De sa douceur. De sa lumière. Être près d'elle, contre elle, me rassure et m'apaise. Bordel, elle est là. Elle va bien.
Je me rassasie d'elle. De ses lèvres douces et charnues. De son souffle haletant. De ses yeux surpris. Lorsqu’elle essaie de parler contre mes lèvres, j'en profite pour passer la barrière des siennes et investir sa bouche. Si ce doit être l’unique fois que je la possède, autant aller au bout. Aucun regret. C'est elle que je veux.
Mon baiser n’a rien de doux. Il est sauvage, puissant, animal. Rempli de frustration, de culpabilité, de regrets, de désespoir. Je veux qu’elle comprenne à quel point, elle m’a manqué. J’ai cru devenir dingue sans elle. J’ai cru crever. D’ailleurs, je suis peut-être mort. Elle répond timidement à mon assaut, mais je m’en fiche. C’est bien trop bon. Bien trop inespéré.
Je sens ses mains se poser sur mes pectoraux et tenter de m’éloigner doucement. J’obtempère, même si je n'en ai aucune putain d'envie. Mais je ne veux pas lui foutre la trouille. Bordel. Je suis vraiment trop con. Qu’est-ce que j’ai fait? Elle ne doit rien piger. Être complètement paumée. Sous le choc. J’ai jamais perdu le contrôle en sa présence, et encore moins de cette façon, même si j’y ai très souvent pensé. Merde.
Lorsque je m’écarte de ses lèvres, je pose mon front contre le sien et plante mon regard dans ses deux billes bleues. Elle semble surprise et… mal à l’aise. Elle jette un coup d’oeil à Anchor. Pourquoi? Est-ce que sa présence la gêne? Si c’est le cas, je devrais la rassurer, lui expliquer que lui et moi, on a fait bien pire. Cette pensée m’arrache un p’tit sourire. Pas sûr que ce soit une bonne idée d’expliquer ça à la fille de mes rêves, alors que je viens de lui sauter dessus.
— Je suis désolé, lui murmuré-je. J’ai cru que je ne te reverrai jamais.
— Tu embrasseras Nina de la même manière ou je fais exception? crache-t-elle visiblement en rogne, tout en continuant de jeter des coups d’oeil appuyés à mon frère.
Bordel. Ses mots me percutent violemment et me lacèrent la poitrine. Est-ce tout ce que je suis pour elle? Un frère? Un ami d’enfance? Putain. Je le savais. Elle ne m’a jamais vu autrement. Comment le pourrait-elle? Je ne lui ai jamais rien dit durant toutes ces années, qui puisse lui faire penser le contraire. Une colère sourde explose en moi. Je suis un abruti. Un putain de connard. Lorsqu’elle se dégage de mes bras et avance vers Anchor en le sondant du regard, je percute.
Est-ce qu’elle pourrait…? Bordel. Non. Impossible.
Avant que mon frère ait le temps de réagir, je lui balance mon poing dans la gueule. Bordel. Elle est ici à Saint Quentin. Venue me voir en taule, alors que j’avais été clair. Putain. J’assène un second coup dans la mâchoire de mon enfoiré de frangin qui ne se défend pas, sous les yeux écarquillés de Bri, complètement pétrifiée. Il l’a prévenu cet enfoiré. Il l’a appelée. Lui a dit de venir, alors que je l’avais interdit. Et il… Bordel, il… Je suis prêt à mettre le troisième coup, lorsqu’elle se matérialise entre nous. Merde.
— Mais ça ne va pas? crache-t-elle hors d’elle. Qu’est-ce qui te prend?
— Et toi? grogné-je. Qu’est-ce que tu fous ici? J’avais été clair, grondé-je pour Anchor. Vous ne deviez pas les contacter.
— Le Près' a été clair aussi, connard. Vote du conseil restreint, me répond-il avec un regard noir, en essuyant d’un revers de main, sa lèvre qui pisse le sang.
Bri s’approche de lui, pose délicatement sa main sur sa joue et de l’autre applique un mouchoir sur sa blessure, pendant que mon frère se laisse faire et me scrute. Son regard en dit long. On n’a jamais eu besoin de parler lui et moi. C’était notre plus grande force, lorsqu’on était déployé en zone de guerre. Invisibles. Silencieux. Efficaces. C’est toujours le cas. On fait une putain d’équipe.
Bri fait soudain volte face, interrompant notre échange silencieux. La colère imprime ses traits.
— Que Thor, Anchor ou le conseil ait décidé de nous prévenir ou non, là n'est pas la question, dit-elle glaciale. Nous aurions fini par le savoir de toute façon. Remercie-les plutôt de l’avoir fait, tant que je peux encore faire quelque chose pour toi!
Je la fixe incrédule. Je l'ai déjà vue en colère, mais là c'est différent. Elle est glaciale. Arctique même. Elle est hors d’elle, mais se maîtrise parfaitement. Au point que c’en est même flippant. Et tellement bandant! Bordel. C’est pas le moment! Merde!
— Qu’est-ce que tu croyais, hein? lance-t-elle, campée sur ses superbes jambes fuselées, alors que ses yeux me glace. Que Nina et moi, allions poursuivre bien gentiment notre petite vie? Qu’on allait faire abstraction du fait que t'es en prison pour un quadruple meurtre et risque l’injection létale? Que j’allais continuer à diriger un cabinet international d’avocats pénalistes et te laisser croupir ici sans bouger le petit doigt? Ou qu’on allait juste t’oublier et faire comme si tu n’avais jamais existé? Tu pensais vraiment que je ne viendrais pas? Putain! Après toutes ces années, tu me connais si mal que ça? Tu n’es qu’un sombre crétin, un putain d’idiot, Adam Thomas! hurle-t-elle.
Je grogne pour toute réponse. Je ne sais pas ce que je voulais. Les tenir le plus loin possible de toute cette merde sûrement.
— Ah c’est vrai! raille-t-elle excédée. J’oubliais qu’il est plus facile pour toi, de cogner que d’ouvrir la bouche! Alors quoi? Vas-y! Cogne-moi, puisque t’es incapable d’avoir une conversation!
Bordel, mais non. C’est quoi ces conneries. Je dois avoir l’air d’un con, complètement ahuri. Et encore plus lorsqu’elle se plante devant moi, déterminée à en découdre. Un coup d’oeil à mon frangin m’apprend qu’il est tout aussi halluciné que moi. Je secoue la tête pour reprendre mes esprits, alors qu’elle continue de me pousser dans mes retranchements.
— Alors, j’attends. Vas-y! assène-t-elle provocatrice, en avançant encore. Ou peut-être faut-il que je frappe la première?
Bordel, qu’est-ce qu’elle cherche hein? Je ne l’ai encore jamais vue comme ça. La colère se lit sur son visage. Pourtant, elle est encore plus belle. Son assurance. Sa prestance. Sa détermination. Elle est… Elle est tout ce que je veux… Tout ce que j’aime. Même là, en rogne, elle est plus belle que jamais. Putain.
Son regard orageux ne trompe pas. Elle ira au bout. Elle veut des réponses. Elle veut que je lui parle. Si seulement… Elle n’a pas tort, je suis plus doué pour cogner que pour parler. Mais tout ça, c’est des conneries. Les mots. Je sais pas… Enfin, j’ai jamais su… Ils ne… Enfin, je ne suis pas comme elle, ils ne viennent pas comme ça. Puis merde! Ce n’est ni le lieu ni le moment. Et ce baiser aurait dû lui suffire.
— Ou comme d’habitude, tu vas te défiler! Je croyais qu’un ex SEAL, biker de surcroît, avait des couilles. Visiblement, je me suis trompée. Ah oui, c’est vrai, un grand méchant biker ne frappe pas une faible femme, n’est-ce pas? raille-t-elle mauvaise.
Je grogne à nouveau. Elle va trop loin. Bordel. En même temps, je peux difficilement lui donner tort. Des semaines que je rumine son absence, que je regrette de n’avoir rien fait ou dit et maintenant qu’elle est là et m’ordonne de le faire, j’peux pas. Pas ici. Pas maintenant.
Bordel! Dans un autre contexte, j’aurais adoré qu’elle me donne des ordres, et j’aurais obtempéré sans sourciller, pour son plaisir et le mien. Si je suis plutôt autoritaire et exigeant avec mes frères, surtout pour les entraînements, en revanche au pieu, j’apprécie qu’une gonzesse prenne les rennes et se fasse plaisir, tout autant qu’à moi. Putain, fais chier! C’est pas le moment de penser à ça!
— Donc aucune explication comme toujours. Mais tu sais quoi, c’est toi qui vas m’écouter.
Bordel de merde. Ce que je lis dans son regard, c’est au-delà de la colère. Je l’ai blessé. Et ça me tue, putain. Je suis vraiment trop con! Elle est là et moi, je...
— Je vais te sortir de là, parce que c’est ce que j’ai toujours fait. Vous protéger. Protéger ma famille. J’ai toujours été là. Quand on était à l’école et que tu galérais, j’étais là pour t’aider. Quand t’as voulu te taper cette connasse de Sandra Martin, tout ça parce qu’elle avait les plus gros seins du collège, j’étais encore là pour te filer des conseils. Quand t’as commencé à faire des conneries, je t’ai couvert et j’ai menti pour toi. Quand tu te prenais la tête avec ta mère et que tu te barrais en claquant la porte, je prenais ta défense. Quand t’as décidé de foutre le camp à l’autre bout du monde, j’ai eu les boules, mais j’ai compris et j’ai plaidé ta cause. Quand tu t’es engagé chez les Navy SEAL, j’ai eu la trouille, mais je t’ai soutenu. Quand t’es rentré d’Afghanistan et que chaque nuit, tu hurlais dans ton sommeil, je me couchais près de toi pour t’aider à te calmer. Quand t’as décidé de ne pas rempiler pour faire partie d’un satané club de bikers, encore une fois, j’ai eu la trouille, mais je t’ai soutenu. J’ai traversé l’enfer et je crèverais pour vous protéger, termine-t-elle les larmes aux yeux. J’ai toujours été là, putain. Toujours. Alors ne sous-entend plus jamais, que j’aurais pu te laisser moisir ici sans rien faire, connard!
Putain de merde. Elle a raison. Je suis vraiment un enfoiré. J’ai toujours pu compter sur elle, c’est vrai. Même au-delà de ce qu’elle vient de me balancer à la gueule. Parce qu’elle a toujours été celle vers qui mon esprit se tourne lorsqu’il n’y a plus rien à espérer. Celle qu’il invoque, lorsqu’il menace de sombrer. Parce qu’elle est celle qui illumine mes jours et mes nuits. Qui repousse la noirceur de mon être et de mon monde. Parce qu’elle est la lumière de ma vie. Celle qui panse mes plaies d’un seul regard, d’un seul mot, d’un seul geste. Parce qu’elle est celle que je veux par-dessus tout. Mais ça, je peux pas lui dire. Pas encore. Pas ici. Pas maintenant.
Pourtant, la culpabilité me ronge quand je vois cette tristesse dans ses yeux. Elle a raison, je lui dois la vérité. Je n’ai fait que la blesser. Encore et encore, en me conduisant comme le dernier des cons. J’ai dérouillé tous les mecs qui voulaient l’approcher, pour la protéger et parce que je crevais de jalousie. J’ai voulu la protéger de moi aussi, parce que je pensais et pense toujours, ne pas la mériter. Mais quand je la regarde, sa souffrance me lacère le bide et j’ai juste envie de la prendre dans mes bras, la serrer fort et tout lui dire. Putain, si elle savait que j’en crève.
Attends quoi?! Je fronce les sourcils d’incompréhension. Comment ça, elle a traversé l’enfer?!! Alors qu’elle s’apprête à faire demi-tour, je la retiens par le poignet.
— Traverser l’enfer? la questionné-je plus sèchement que je ne l’aurais voulu.
— Tu aimerais savoir? Comprendre j’imagine? Mais dans la vie, on a pas toujours ce qu’on veut, tranche-t-elle implacable.
Elle ne lâchera rien. Elle est têtue. Obstinée. Déterminée. Elle veut comprendre pourquoi je les tiens à l’écart. Pourquoi je me suis éloigné d’elle. Elle attend des explications. Et tant que je ne l’aurais pas fait, ça restera merdique entre nous. Je le sais.
La réalité me percute à nouveau avec la douceur d’un tank et me déchire les entrailles. Elle souffre. De ce silence. De tout ce que je ne dis pas. De cette distance que j’ai mise entre nous et qui me tue moi aussi. Bordel! Alors sans plus réfléchir, je plante mes yeux dans les siens et lâche :
— Toi et moi, on aura cette explication. Mais pas ici. Et pas maintenant.
Alors que je me sens soulagé. Presque heureux. Qu’un énorme poids vient de quitter mes épaules. Parce que je viens de faire ce que j’aurais dû faire il y a déjà bien longtemps. Que j’ai pris la bonne décision. On ne peut plus continuer ainsi. Elle m’achève sans le savoir.
— Ce ne sera jamais le moment. Tu ne seras jamais prêt. Parler, c’est pas dans ton ADN, assène-t-elle avant de sortir de la pièce, non sans avoir regardé Anchor.
Putain de merde. Je vais vraiment finir par la perdre. Cette idée m’anéantit. M’arrache les tripes et me crève le cœur. Alors, je fais la seule chose que je sais faire, je cogne. J’envoie mes poings dans le mur, jusqu’à ce que la douleur de mes phalanges prenne le relais. J’peux pas. J’peux pas foirer. J’y survivrai pas.
Je reste un moment le front et les avant-bras appuyé contre le mur, haletant. Je vais la perdre. Je l’ai peut-être déjà perdue. Cette pensée me coupe la respiration et me broie de l’intérieur. Je préfèrerais qu’on m’arrache le palpitant à mains nues, plutôt que de la perdre. J’peux pas. Putain. J’peux pas la perdre. J’en crèverai. J’en crève déjà, le souffle court et le coeur massacré.
Lorsque je me retourne, mon frère me scrute en silence. Nous passons quelques minutes à nous dévisager après ça.
— Pourquoi tu fais tout foirer? lâche-t-il. Putain, tu l’aimes à en crever. Tu l'as toujours aimé.
— Qu’est-ce qui se passe entre vous? craché-je, hors de moi. Qu’est-ce que tu fous bordel? Tu crois que j’ai pas vu? Les regards. Les gestes tendres. Depuis quand t’acceptes qu’une nana te touche comme ça, hein? Tu te la tapes, c’est ça? Putain, tu baises Bri? Tu baises ma femme?
Fou de rage, je vois rouge, passe par-dessus la table et lui assène une droite. Cette fois, personne ne m’empêchera de lui coller la raclée qu’il mérite. Mon frangin… Putain! Des images m’assaillent et me font perdre pied. Lui prenant Bri. Vite, fort. Elle jouissant sous lui. Putain de bordel de merde. Le goût âcre de la trahison envahit ma bouche. Ou est-ce celui du sang, tant je serre les dents à m’en faire péter les mâchoires. Putain, mon frère. Celui en qui j’avais une confiance aveugle. Je vais le crever. De toute façon, j’ai plus rien à perdre.
— Ta femme hein? grogne-t-il, alors que je balance mon poing dans sa gueule d’enfoiré.
J’enchaîne les coups, mais cette fois, il ne se laisse pas faire. La colère, la rage et le désespoir inondent mes veines et se répandent dans tout mon corps. Il ne peut pas jouer avec elle. Il savait. Il sait ce qu’elle représente. Je continue de cogner. Je veux que le sang coule.
— Ouais, ma femme, bordel! Tu sais connard! beuglé-je. Tu sais ce qu’elle représente pour moi. Qu’elle est toute ma vie. Que je crève sans elle. Que je l’aime à en crever! Que je crèverai pour elle. Qu’y’a rien de plus important qu’elle! Rien, t’entends!!! Et toi, tu joues avec elle?!!
— Alors, dis-lui connard! gronde-t-il. Parce que pour moi aussi, c’est elle, lâche-t-il avant de m’envoyer sa droite en pleine gueule.
Quoi? Bordel! Quoi? La douleur qui explose dans ma mâchoire, a le mérite de me ramener à la réalité, tout comme ses paroles. Je le fixe dans les yeux pour être sûr d’avoir bien compris.
— Tu…
— Ouais, confirme-t-il en hochant la tête.
Je le scrute, ahuri. Lui me dévisage attentivement. Putain, c’est… inattendu. Inespéré. Incroyable.
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Sons of Hell - La Vengeance de Némésis
RomanceBridie, jeune avocate brillante, sûre d'elle et à qui tout réussit. Auteure de romances à ses heures perdues, elle dissimule un passé complexe et difficile. La réalité est toute autre. Brisée, harcelée, elle va se retrouver confrontée à sa pire cra...