Je m'appelle Khalisah et aujourd'hui, je fête mes 20 ans. Toute la maisonnée est en ébullition. Mes parents veulent que tout soit parfait des décorations aux cadeaux. Ils arborent tous un sourire malicieux quand j'entre dans une pièce. Ils pensent que je ne me doute que rien. Je trouve ça mignon et ce serait malvenu de ma part de leur dire que niveau discrétion ils sont complètement nuls.J'ai décidé de leur faciliter la tâche en allant me promener au bord du lac qui se trouve à quelques mètres de notre maison. J'enfile une veste et caresse le pelage charbon de mon chat Pomelo. Mes amis passent leur temps à me dire qu'il va finir par me porter malheur. En général, je leur ris au nez.
Je ne suis pas de nature superstitieuse et leurs croyances me paraissent complètement absurdes. Passer sous une échelle ne m'effraie pas. Je ne tremble pas quand je brise un miroir ou quand quelqu'un ouvre un parapluie à l'intérieur.
Pourtant, aujourd'hui plus que jamais, j'ai envie de croire à l'une de ces superstitions. Vous avez forcément entendu parler du vœu d'anniversaire. Souffler mes bougies a toujours été pour moi synonyme de déception. À 4 ans, j'ai souhaité avoir un poney et à 10 ans, devenir championne du monde de danse classique mais jamais aucun de mes vœux ne s'est réalisé.
Pour éviter de nouvelles désillusions j'ai décidé que je ne ferai pas de vœu aujourd'hui. Après tout il a encore moins de chance de se réaliser que les autres. Je quitte donc la maison le moral à plat.
Une fois la porte fermée, je peux ôter ce faux sourire de mon visage. J'ai appris à faire semblant d'être heureuse au quotidien. Je souris, je ris sans ressentir la moindre émotion. Je garde tout au fond de moi et je cache ma douleur derrière un masque que je mets de plus en plus facilement. Mes proches ne voient pas ce mal-être qui se glisse en moi. Comme un serpent, il étend son emprise de jour en jour, m'étouffant méthodiquement, aspirant mes rêves et mes espoirs et ne me laissant pour toute consolation que la douleur de son infâme venin.
J'arrive finalement à destination et laisse mes yeux se délecter de ce merveilleux tableau. Le lac s'étend à perte de vue, immensité bleue impénétrable. Bleu... un adjectif bien banal pour décrire l'éclat de l'onde. Le lagon bigarré, prend diverses nuances d'azur, passant de la froideur du bleu électrique à cet intense bleu que le langage ne peut retranscrire parfaitement. Imaginez le bleu du ciel orageux, des vagues qui se brisent dans la tempête, du firmament zébré d'éclairs. Ce bleu, c'est celui de ses yeux.
Une larme roule soudain sur ma joue, la tristesse s'empare de moi et je fonds en larmes. Penser à lui me fait toujours autant souffrir. J'ai essayé de l'oublier, de passer à autre chose , mais rien n'y a fait. J'ai rencontré d'autres hommes, j'ai arrêté de lui parler, je me suis même éloignée de lui, mais à chaque fois mes émotions prennent le dessus et me submergent complètement. Mon esprit me rappelle sans cesse que quoi que je fasse, mes sentiments ne disparaîtront jamais. Je l'aime et je l'aimerai toujours. Mes yeux le chercheront où qu'il soit, mon cœur réclamera toujours son contact et mon âme, torturée, sera à jamais attirer par la sienne.
L'amour n'est pas une bénédiction mais une horrible sangsue qui aspire votre essence vitale vous laissant à l'état de coquille vide. Ce jour devrait être l'un des plus heureux de ma vie mais je ne parviens pas à en profiter. Mon âme en peine m'empêche de penser à autre chose.
Drrr. Mon téléphone vibre dans ma poche me sortant de mes pensées. Je regarde l'écran et soupire en voyant un message de maman : « Rentre vite, on t'attend ». Je range mon téléphone et me remet en marche.
Je suis arrivée chez moi quelques minutes plus tard. J'ai longtemps hésité mais je suis finalement entrée un immense sourire aux lèvres.
- Khali te voilà enfin, on t'attendait, s'exclame mon frère.
Il m'attrape le bras et me tire jusqu'à la salle à manger.
- Surprise, s'écrit en cœur toute ma famille.
Leurs sourires réchauffent mon cœur, la joie est peut-être réellement contagieuse. Je m'assieds pleine d'espoirs devant l'immense gâteau aux citrons meringués que mes parents ont posé sur la table. Il a l'air très appétissant mais les vingt bougies au sommet me donnent envie de vomir et de m'enfuir en courant. Je sais qu'ils vont me demander de les souffler mais je ne sais pas si j'aurais la force de la faire. Une angoisse sourde glace mon sang quand mon père me regarde droit dans les yeux et me dit :
- Souffle tes bougies ma chérie et n'oublie pas de faire un vœu.
Je m'avance vers le gâteau, prends une grande inspiration et éteints les bougies d'une seule bouffée d'air.
Mon souhait résonne dans ma tête pendant de longues secondes qui me paraissent interminables. J'aimerais qu'il soit là. Mon vœu le plus cher est de le revoir, d'être avec lui, qu'il m'aime comme je l'aime. Je ne demande rien de plus, seulement d'être aimée. Satanées superstitions ! Si mes parents ne m'avaient pas mis dans la tête dès mon plus jeune âge que les vœux d'anniversaires se réalisaient toujours, je ne serais pas dans cet état. Je n'espérerais pas secrètement qu'il sonne à la porte, qu'il me prenne dans ses bras en me souhaitant un joyeux anniversaire.
Une seule fois, réalise-toi je t'en supplie. Je prie intérieurement, espérant un miracle qui n'arrivera jamais quand soudain on frappe à la porte. Je me lève en sursaut de ma chaise mais me rassoit aussitôt sous le regard interloqué des membres de ma famille. Que je peux être bête ! Comme si ça pouvait être lui. Ma mère se lève de table et va ouvrir la porte. Elle revient quelques secondes plus tard les yeux pétillant comme un enfant qui découvre pour la première fois la douceur de la neige. Elle regarde mon père et lui fait un étrange clin d'œil avant de me dire d'un ton se voulant neutre mais qui traduit son excitation :
- Il y a quelqu'un pour toi tu devrais aller voir.
Je me relève et traîne les pieds jusqu'à la porte. Je l'ouvre et m'exclame surprise :
- Julian !
Il faut croire que certaines superstitions peuvent vous apporter le plus beau des cadeaux.
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La vie est un rêve
RandomCe recueil de nouvelles, vous fera ressentir une multitude d'émotions. Je mets ma plume à votre service et espère que mes histoires courtes vous plairont.