Mabon

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Bellatrix faisait rouler son verre entre ses doigts nerveux. Le pied translucide crissait sur la table vernie.

Salazar.

Comme elle pouvait se haïr à ce moment précis.

Les cernes s'étaient creusées sous ses yeux rouges.

Bellatrix ne trouvait plus le sommeil le soir. Ses yeux tambourinaient sur le plafond silencieux alors qu'elle n'entendait plus son cœur battre. Il y avait trop de cris. C'était ces soirs détestables quand elle ne pouvait pas dormir. Ces soirs d'insomnie alors que les aiguilles affichaient déjà cruellement le matin.

Bellatrix sentait l'alcool. L'alcool qui brûlait la gorge, collait contre le palais. L'alcool fauve qui ne délie pas les langues. Celui qui se contente d'assourdir les pensées. Celui qui permettait d'oublier que l'on ne peut pas dormir.

Elle avait attendu. Et ce visage qu'elle avait espéré s'était finalement découpé sur la brume sournoise qui s'epaississait dans les rues vides. Les artères arides loin d'un coeur qui ne pulsait déjà plus. Ou trop faiblement. Il savait qu'il était entrain de mourir. Le brouillard avait tout englouti au dehors. Les gens. Les mots. Les âmes... L'amour aussi.
Il n'y avait plus que l'amertume.

Les effluves du whisky s'étaient attachées sur ses lèvres, sous ses yeux, sur sa poitrine. Hermione ne décelait même plus les parfums musqués, presque fumés du pin, du hêtre, de la cannelle sous le poison qui avait tout englouti. L'odeur brumeuse, fatiguée et mystérieuse qu'avait la forêt, à l'aube, juste après un orage, s'était dissipée. Et si Bellatrix n'avait pas été obsédée par cette promesse et cette rencontre, elle n'aurait pas même été capable de détailler Hermione sur le paysage gris.

Le sigle qu'elle avait inscrit sur la bougie consumée avait fait son œuvre. Elle ne savait pas exactement si la magie avait été effective ou si elle devait ce résultat à autre chose. C'était un acte désespéré après tout. Un cabot désœuvré se mettrait à miauler contre la solitude si on le lui ordonnait. Bellatrix avait épuisé ses ressources. Cela faisait deux cycles lunaires qu'elle multipliait les rituels, et les renforcements de ceux-ci. Une réponse. Un signe. C'était tout ce qu'elle avait attendu.
Alors son sigil avait finalement scellé sa requête.

Elle avait espéré que la fille soit sensible à cette magie. Ça avait été le cas. Ou peut être qu'au fond, elle avait un peu souffert aussi? Bellatrix chassa ces pensées toxiques en un revers de la main. Elle ne pouvait décemment pas prendre le luxe de s'autoriser l'espoir. Pas après ces événements. Pas après ce qui était impardonnable.

Mais Hermione était là. La sorcière noire avait appelé la Gryffondor à sa manière. Hermione s'était rapprochée des anciens rites, des anciennes sorcières nées moldues que le monde société avait rejeté. Que les moldus avaient assassiné. Elle s'était imprégnée de leurs cultes, avait appris leurs rites. Après tout, elles avaient été les victimes dans ces histoires, rejetées par des peuples qui les considéraient impures. Bellatrix avait trouvé cela honorable et respecté sa nouvelle pratique. Elle devait bien cela à la fille. Les nés moldu avaient survécu à l'histoire et Hermione Granger n'avait certainement pas une magie inférieure. Et Bellatrix avait respecté ses recherches.

Cela faisait quatre mois. Quatre mois pendant lesquels elle avait attendu de voir poindre à ses fenêtres, les Aurors qu'elle haïssait tant. Quatre mois à multiplier les rituels, de la lune croissante à l'astre plein. Les sortilèges, les plus primaires, occultes parfois, elle en avait même appelé aux anciennes divinités.
Quatre mois à penser à la fille. Tout autant à réaliser qu'elle n'avait pas levé la moindre charge contre elle. Tout ce temps à laisser son esprit de tordre et se torturer alors qu'elle de demandait pourquoi Hermione avait choisit de l'épargner.
Elle ne méritait pas cela. L'ancienne Mangemort ne méritait pas cette miséricorde.

Roue de l'année [Bellamione]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant