1.Merde! J'peux plus m'enfuir, j'vais crever!

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Il aurait pu se concentrer sur le paysage qui défilait à toute vitesse à sa droite, avalant les kilomètres qui le séparait de l'arène du Capitole pour les régurgiter entre lui et sa maison. Il aurait pu se concentrer sur le visage de Minha, sa partenaire, pour y chercher ou y apporter du réconfort. Il aurait pu se concentrer sur les lampes accrochées au plafond et tous les objets qui tremblaient à cause des cahots de la machine.

Mais il n'arrivait pas à détacher son regard de ses propres mains, plissant les yeux pour déterminer si elles vibraient à cause du train, ou d'autre chose. Il secoua légèrement la tête sans même cligner des yeux.

Il avait l'impression que s'il parlait, sa voix serait rauque et sa gorge sèche. Pourtant, il n'avait pas énoncé un mot depuis son exclamation de surprise lors de la sélection. En revanche, ses pensées tournaient à deux cent à l'heure. Qu'est ce qu'il faisait ici ? Qu'allait-il faire ? Quel genre de maux atroces avait-il causé dans une vie antérieure pour se retrouver là ? Il n'en revenait pas d'avoir été choisi. Il n'avait pas envie de mourir.

Il serra les poings, et cette fois ses mains tremblèrent pour de bon. Il ne savait pas si c'était à cause de sa colère ou de sa frustration.

Il se rendait à l'abattoir. Les jeux n'avaient rien de plus glorieux qu'un abattoir à taille titanesque. Il aurait voulu pouvoir dire qu'il refusait de se prêter aux jeux, mais il n'aurait pas le choix. Il pouvait ouvrir la fenêtre et sauter du train et se briser les jambes, il s'arrêteraient pour le récupérer et le refourguer à l'intérieur, et il aurait encore moins de chances de survivre.

Les ongles plantés dans les paumes, il desserra les poings et joignit les doigts, paumes moites.

Survivre. Comme s'il allait pouvoir survivre ! Il avait une vie ! Ennuyeuse, certes, avec un métier répétitif qui lui demandait à peine le quart de son cerveau, des amis superficiels mais toujours capables de le détourner de la monotonie du quotidien, une mère qui s'occupait bien trop de ses affaires à lui...Mais c'était la sienne. Et il ne l'avait plus.

Il était toujours vivant, mais c'était comme s'il était déjà mort.

Ses doigts tourmentés se desserrèrent à nouveau et il tritura ses pouces.

Ils avaient ce pouvoir-là sur la vie d'un homme. C'était un cycle pervers, et maintenant il avait tout un bras dans l'engrenage. L'étau de sa gorge raffermit sa prise, et il déglutit à sec. Il avait envie de hurler, d'abattre son poing sur la vitre, de renverser la table et de s'enfuir. Son talon tambourinait sur le bois ciré sans repos. Il se sentait comme une bête prise au piège, qu'on a acculée et ligotée, qui se débattait de toutes ses forces pour se libérer, en vain. Sauf que lui ne pouvait même pas se débattre. Il allait crever comme un chien, et agoniser sur cette idée pendant un mois entier avant qu'elle ne se réalise de la plus cruelle des manières. Bouffé par un Titan, par exemple. Cette mort-là avait l'air particulièrement ignoble.

Les doigts de sa main droite se refermèrent sur son poignet gauche, et il pressa si fort que sa main devint blanche.

Les dents serrés, il ferma les yeux et prit une inspiration tremblante. Il devait se ressaisir. Même s'il était une bête prise au piège, il allait au moins se débattre. Il allait arracher leurs cordes trop fragiles pour le retenir, leur bouffer la main s'ils s'approchaient. Et s'ils amenaient des Titans, il apprendrait à les abattre. Après tout, qui savait comment serait son instructeur ? Qui savait comment seraient les autres candidats ? Qui savait ce dont il était capable ?

Il écarta les doigts et les frotta sur ses cuisses pour se débarrasser de leur moiteur.

Il déglutit à nouveau, les sourcils froncés, et se décida à regarder à l'extérieur. Le paysage n'était plus qu'un tourbillon de nuances grises ; le Capitole. Il avait manqué les dernières images de sa maison.

Die Nachtigall Und Der Seidelbast [Fr]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant