Hansi - Chapitre 1

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-Maman! Maman! Ouvre les yeux!, criai-je.

-Ta maman est morte, Hansi, dit mon père, d'un ton trop calme. 

-Non! Tu avais promis qu'elle guérirait! 

-Je t'en ramènerai une autre! Je peux même en acheter une dans les bas fonds!, répondit-il, comme si c'était normal.

C'était l'un de mes souvenirs les plus lointains. Ma mère gisant à même le sol, et mon père, un cigare dans la bouche, le visage impassible, presque content. Je savais qu'elle était malade et qu'avec les moyens de l'époque, c'était incurable. Même l'argent, qui dominait ce monde et qui semblait capable de nourrir toutes les bouches et soigner tous les maux, avait été incapable de la sauver. Tandis que je pleurais ma mère, une question commença à me trotter dans la tête. "Pourquoi?" Pas un simple "pourquoi?". Non. Je voulais savoir pourquoi on n'avait même pas essayé de la soigner. Pourquoi on ne cherchait pas en dehors des murs après des plantes médicinales. Après tout, le monde extérieur devait être vaste! Il devait regorger de merveilles! Alors, pourquoi restions-nous enfermés dans ces cages? Les plus riches au centre, avec la nourriture et l'armée, les plus pauvre sur les bords, avec des bruits étranges provenant de l'extérieur. Pourquoi était-ce ainsi? On m'avait sans cesse répété que l'argent pouvait tout acheter! Pourtant, je ne voyais pas un semblant de liberté dans ma vie! Moins les gens avaient d'argents, plus ils s'en rapprochaient! Qu'y avait-il de si dangereux, de si effrayant dehors, pour que personne n'accepte de sortir?

-Allez Hansi, viens!, cria mon père. Laisse ça la!

"Ça". Il venait d'appeler sa femme "ça". Il avait été marié à elle pendant plus de trente ans... Et lorsqu'il la voyait, gisant à même le sol, il l'appelait "ça". 

Je ne bougeai pas, tandis qu'il partait. J'avais à peine huit ans, et il m'ordonnait de laisser ma mère morte, dans la rue, comme s'il s'agissait d'un vulgaire déchet. J'avais beau essayer, je n'arrivais pas à comprendre. Pourquoi la traitait-il ainsi?

-Hansi!, hurla l'homme. Viens ici! IMMÉDIATEMENT!

-Non!, répondis-je, en m'accrochant à ma mère. Je veux pas la laisser ici! Je veux qu'on ramène maman et qu'elle ait droit à des funérailles! Comme grand-père a eu!

-Laisse ça la et viens ici! Grand-père a servi le roi! Elle, elle n'a fait qu'engendrer un espèce de gosse incapable de comprendre où est sa place! Des tapins dans son genre, je peux en acheter par dizaines!

Il s'approcha et me prit violemment pas le bras. Je m'accrochai de toutes mes forces au corps mais finit par lâcher prise en hurlant. Mon père me cria de la fermer, avant de me projeter aux côtés de ma mère et de m'asséner un coup de pied dans l'estomac. Personne n'intervenait, alors qu'il était dans la rue, en train de battre sa fille.

-Tu vas rejoindre ta catin de mère et je n'aurai qu'à m'acheter un gosse plus obéissant! 

Il s'arrêta net et un bruit sourd se fit entendre, à côté de moi, suivi d'un cri de douleur. Je me retournai péniblement et remarquai qu'un soldat était en train de frapper mon père. Lorsque j'y regardai de plus près, je remarquai que son  blason n'était pas le même que les autres. Au lieu d'arborer une licorne verte, il était traversé par deux ailes. Une blanche et une bleue.

-Alors comme ça, tu penses qu'on peut acheter la vie avec le fric?, demanda l'homme en uniforme. Et bien je vais t'apprendre un truc bonhomme, l'argent a beau régner en maître dans ces murs à la con, il permet pas de nourrir ou de donner la vie. En revanche, il peut très bien la prendre, cette vie. 

Ceci dit, il lui porta un dernier coup avant de se diriger vers moi. N'ayant plus assez de forces pour me lever, je rampai le plus vite que je pouvais jusqu'au corps inerte de ma génitrice et la serrai dans mes bras, en pleurant. J'avais peur et j'étais seule. Ma mère venait de mourir et mon père me frappait. Peut-être était-il mort à son tour, sous les coups du combattant. Je m'en fichais. L'homme aux yeux bleus se rapprochait de plus en plus de moi, jusqu'à ce qu'il n'arrive à ma auteur. Je serrai les dents et fermai les yeux.

Tout commence quelque part...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant