Hansi - Chapitre 2

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Cela faisait presque deux semaines que je vivais chez le couple de soldats. La vie était bien plus rude que dans ma grande maison, mais je m'y plaisais vraiment beaucoup. Anna m'avait fait visiter l'entièreté de la maisonnette le lendemain de mon arrivée. Il y avait un total de neuf pièces (plus une petite cour, où on lavait et pendait le linge): Le salon, la cuisine, la salle de bain, les WC, le grenier, la cave (qui servait de garde manger) et enfin, une bibliothèque. Dans cette maison, qui était plutôt grande, pour une maison de soldats, il y avait des livres partout. Le couple m'avait appris à faire toutes sortes de tâches ménagères, pour que je puisse m'en sortir, lorsqu'ils n'étaient pas là. Entre deux corvées, je prenais le temps d'étudier ceux-ci. Je voulais savoir si la maladie de ma mère était réellement incurable, ou s'il serait possible de soigner les prochains infectés.  Malheureusement, je ne trouvai aucunes réponses dans ces vieux bouquins. En revanche, je m'y découvris une passion pour les sciences. J'avais toujours adoré apprendre, mais les sciences, ça m'intéressait vraiment. Plus j'en apprenais et plus je voulais en apprendre. Ce fut ainsi, que je commençai ma nouvelle routine, qui constituait à faire les tâches ménagères, étudier, manger et dormir. Cela me convenait très bien, même si j'étais souvent seule à la maison. Edward s'avérait être le bras droit du Major Swan. Celui-ce était donc souvent au campement militaire. Anna, quant à elle, travaillait énormément, afin d'avoir un meilleur salaire, et donc une meilleure vie. Dans cette maison, l'argent se comptait au centime près. Surtout depuis que j'étais arrivée. Tout ce que je pouvais faire pour aider, c'était des tâches ménagère simple. A vrai dire, je m'en voulais un peu.

Lorsque les jeunes mariés étaient chez eux, il n'était pas rare de voir le Major venir leur rendre visite. Car, Edward était non-seulement son bras droit, mais aussi son meilleur ami. D'ailleurs, le lendemain de mon arrivée, il était venu vérifier mon état. Lorsque je lui avais demandé pourquoi il était venu vérifier, alors qu'il n'avait aucuns liens avec moi, il m'avait répondu, en souriant: "Parce que tu fais partie de la famille de mon meilleur ami, maintenant, Hansi!". Je ne savais pas si c'était vraiment le cas, mais le couple semblait y croire et cela leur tenait vraisemblablement à cœur. Je décidai donc de me prêter au jeu. Il n'étaient pas mes parents, mais ils étaient ma seule famille. Je n'avais pas gardé le nom de mon père, ayant trop honte de ce que ce dernier avait fait. En revanche, je n'avais pas trouvé quel nom prendre. On m'avait expliqué que j'avais un mois de réflexion. Si je n'avais pas choisi dans les délais, je garderais mon nom précédent. Après deux semaines,  je n'avais toujours pas trouvé. Ce fus la semaine suivante, que je trouvai quel nom adopter pour le restant de mes jours.

Cette semaine là, Edward et Anna devaient, comme l'entièreté du bataillon, faire une expédition. Comme il n'étaient pas à des postes très exposés dans la formation, ils allaient évidemment revenir vivants. Ce matin là, ils m'expliquèrent tout de même qu'il n'était pas impossible qu'ils meurent, en dehors des murs, comme des millions de soldats avant lors. Mais, j'étais persuadée du contraire. Il était impossible qu'ils meurent. Pas eux. Ils étaient gentils et forts. Et puis, ce n'était pas pour rien que Rorry avait pleine confiance en eux.

-Promettez-moi de revenir!, dis-je. 

-Hansi..., commença Anna, le regard emplit de douceur.

-C'est promis!, coupa l'homme, un sourire aux lèvres. Alors prépare un bon ragoût en nous attendant, d'accord?

Ils quittèrent la maison, pour se rendre au campement et préparer les chevaux. Environ deux heures plus tard, ils repassèrent dans la rue bondée, en selle, cette fois. Je leur dis au revoir, avant de rentrer dans le logement, pour nettoyer et faire à manger, en les attendant. Le soir venu, j'entendis les portes du mur s'ouvrir à nouveau, laissant rentrer les soldats, mais ne me rendis pas sur les lieux, trop occupée à terminer la préparation du repas. De toutes façons, ils devaient repasser par le campement, avant de revenir. Je n'avais qu'à les attendre à la maison. 

Vingt minutes plus tard, le repas était près et la table mise, mais toujours personne n'était rentré. Enfin, la base était loin et ils avaient mis deux heures à tout préparer, au matin, donc je ne m'en inquiétais pas. Le temps passa et le dîner se refroidit. Il commençait à faire noir dehors, mais ils n'étaient toujours pas rentrés. Je commençait à m'inquiéter, lorsqu'on toqua à la porte. Je me demandai pourquoi ils ne rentraient pas, tout simplement, mais allai tout de même ouvrir. A peine eus-je ouvert la porte, que deux corps enroulés dans des draps blancs et sales tombèrent à mes pieds. L'homme en face de moi, tomba à genoux, le visage dans les mains, en pleurs.

-Hansi..., murmura-t-il, la voix brisée. Je... je... je...

-A...nna... E...dward?, appelai-je, en ouvrant les draps, qui recouvraient les corps.

-Je suis désolé, Hansi!, cria Rorry.

Lorsque je reconnu le visage des jeunes mariés, je poussai un hurlement et tombai à terre. Je revivais à nouveau ça. J'avais à nouveau perdu ma famille.

-Réveillez-vous!, criai-je, le visage pleins de larmes. Vous aviez promis! Vous aviez promis de revenir en vie! Edward, il... il y a du ragoût! Allez, lève-toi! Viens manger, s'il te plait! Anna, j'ai rangé et nettoyé la maison! Allez, lève-toi! La maison brille! Il faut que tu voies ça! S'il vous plait... me laissez pas toute seule!

Je pris les corps ensanglantés dans mes bras et pleurai toutes les larmes de mon corps. Ils ne me répondaient pas. Ils ne se réveillaient pas. Face à moi, Rorry semblait effondré. 

-C'est terminé, Hansi..., murmura-t-il, entre deux sanglots. Ces soldats... non... ces héros se sont battus jusqu'au bout! C'est... ma faute, s'ils sont morts! Ils se sont sacrifiés pour me sauver la vie. C'est de ma faute... Je te demande pardon.

-Qu'est-ce qu'il se passe ici?!, cria un homme. C'est pas bientôt fini ce raffut?!

-Arrête Armand!, supplia une femme âgée. Cette petite a sans doutes perdu ses parents, aujourd'hui. Elle n'a pas besoin que tu lui cries dessus! 

-C'est tout ce qu'ils méritaient!, hurla le vieil homme. C'est ce qui arrive quand on sort des murs! Ceux qui ne sont pas capables de comprendre que c'est à l'intérieur qu'on est en sécurité n'ont qu'à mourir! Ils nous mettent tous en danger, avec leurs conneries! Tout ce qu'ils font, c'est nourrir ces sales montres! Tant mieux si ces abrutis disparaissent!

 Je ne dis pas un mot, tandis que le dénommé Armand continuait de crier. Je me levai et invitai le Major à l'intérieur, afin qu'il puisse s'y reposer. Pourtant, il ne se leva pas. Il ne sembla même pas essayer. Je fis donc entrer les deux corps en décomposition et passai un des bras de l'homme sur mes épaules, pour le forcer à se lever.

-Ma béquille..., murmura-t-il. Elle est à terre. Donne-la moi, s'il te plait.

Je m'exécutai et il se leva, non sans difficulté. Le spectacle que j'eux alors sous les yeux m'horrifia au plus haut point. Sa jambe gauche avait été amputée, jusqu'au genoux et continuait de saigner. Il avait un garrot et un pansement, mais cela ne semblait guère aider vraiment les choses. Il entra et je le fis s'asseoir sur une chaise. Je lui offrit un thé et m'assis en face de lui. L'ambiance était pesante. On pouvait entendre sa plaie suinter et chaque gouttes de sang s'écraser contre le parquet dans un "poc" régulier. Les cadavres dégageaient une odeur nauséabonde et les muscles s'étant relâchés, laissant toutes sortes de fluides en dégouliner, s'imprégnant dans le sol, eux aussi.

-Ils n'ont pas de famille, articula mon invité. Tu es tout ce qui leur restait à tous les deux...

-Alors, je sais quel nom je vais prendre, répondis-je, en séchant mes larmes. Désormais, je m'appellerai "Hansi Zoe". Comme ça, tant que je resterai en vie, il restera une trace d'eux sur cette Terre!

Il ne dit pas un mot, continuant de boire son thé, le regard vide. En trois semaines, ils m'avaient donnés plus d'amour et de bonheur que mes parents ne l'avaient fait en huit ans.

Tout commence quelque part...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant