Tout commence quelque part...

Hansi - Chapitre 3

Le lendemain, les corps qui m'avaient étés rendus furent incinérés, au milieu de dizaines d'autres morts. Les cadavres dégoulinaient tellement que j'en vins à me demander comment le feu avait pu prendre. Rorry avait fini par être conduit à l'hôpital militaire mais n'était pas sorti d'affaire pour autant. Il avait perdu beaucoup de sang et ce n'était pas fini. Peut-être mourrait-il à son tour? A cet instant précis, je m'en fichais un peu. Après tout, les titans m'avaient déjà pris ma famille. Alors pourquoi pas le seul ami que j'avais? 

Une fois le bûché éteint, des soldats vinrent me voir, les yeux pleins d'empathie. 

-Dit-moi, petite, comment tu t'appelles?, demanda une femme.

-Hansi, répondis-je, les yeux dans le vague.

-L'un de tes parents est mort?, demanda un autre.

Je fis simplement "non" de la tête, avant de m'approcher du tas de cendres encore fumantes et de m'arrêter devant, sans dire un mot. Une seule et unique larme roula le long de ma joue.

-Vous aviez promis..., murmurai-je. Vous deviez revenir en vie... Je me fiche de savoir quel titan vous a pris la vie... Tout ce que je sais, c'est que je les tuerai tous! Je ne leur pardonnerai jamais! Ils vous ont arraché la vie! Je leur arracherai la nuque! Je vous promets qu'un jour, je reviendrai entre ces murs victorieuse! Vous m'entendez?! Je gagnerai cette guerre! Je survivrai en vos noms!

J'entendis des murmures derrière moi, tandis que des larmes de rages coulaient à flots, le long de mes joues.

-P... petite?, appela un soldat. Est-ce que ça va? Allez, viens, on va retrouver tes parents!

-Je me fiche de retrouver des morts!, criai-je. Ce que je veux, c'est rejoindre le bataillon d'exploration et regagner la liberté de l'humanité! Et ça, je le ferai non-seulement pour la gloire de l'humanité, mais aussi pour la mémoire d'Anna et Edward!

Je levai la tête vers le ciel avant de crier de toutes mes forces:

-Vous allez voir! Je tiendrai parole!

De plus en plus de murmures se firent entendre. Lorsque je me retournai, je remarquai que les soldats ne pipaient mot et déviaient leur regards, gênés de l'attitude des familles des victimes. Leurs enfants, maris, frères, sœurs ou parents étaient morts et tout ce qu'ils trouvaient à faire, c'était juger. Ils me dégoûtaient. 

Finalement, un soldat me raccompagna chez moi, après m'avoir expliqué qu'il connaissait bien les Zoe, étant affilié à la même escouade qu'Anna. Je l'invitai à entrer, afin de le remercier de m'avoir accompagnée, mais il refusa et tourna les talons. Il ne pouvait sans doutes pas supporter l'odeur nauséabonde qui persistait dans la maison depuis la veille.

-Est-ce qu'on s'y fait?, demandai-je, tandis qu'il était en train de partir. 

Il s'arrêta net et baissa la tête.

-Est-ce qu'on s'habitue à voir la mort?, répétai-je. Est-ce que ça finit par faire moins mal?

-Non..., répondit-il, la voix brisée. On a beau la voir tous les jours, on ne s'y habitue jamais. Alors, réfléchis bien, avant de t'engager dans l'armée. On en ressort jamais.

J'acquiesçai et il s'en alla, sans même se retourner une dernière fois sur la maison de ses défunts camarades et amis. Quant à moi, je rentrai et nettoyai de fond en comble. Rien à faire. L'odeur persistait, quoique je fasse.

Le sang, les fluides et l'odeur présents dans la maison mirent trois semaines à disparaître complètement. Ou peut-être m'y étais-je simplement habituée. Après tout, les villageois continuaient de fuir cette maison comme la peste. Lorsque j'en sortais, des murmures se faisaient entendre sur mon passage. Lorsque j'avais un quelconque problème, personne ne venait jamais m'aider. Ils m'évitaient tous. La seule exception était Rorry, que je visitais toutes les semaines. Il avait fini par s'en sortir et sa plaie avait cicatrisé. Seulement, il avait du mal à se déplacer et ne sortait pratiquement plus de chez lui. Plus le temps passait, et plus il semblait seul et à bout de forces. Jamais, on aurait pu deviner qu'i avait à peine trente-cinq ans. Dans son état, on aurait dit un vieil homme en fin de vie. L'une de ces informations était sans doutes correcte... Il succomberait probablement dans quelques mois ou quelques années, tout au plus. Il ne semblait même pas s'en rendre compte. Il mourrait à petit feu.