lettre 06

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⠀⠀⠀⠀Dorothée,

Il pleut. Il pleut, et c'est comme si le ciel et ses nuages avaient ressenti mon mal-être et pleuraient avec moi ; comme si mon corps était bien trop frêle pour laisser couler toutes les larmes nécessaires, et que cette pluie n'était que le prolongement de ma propre peine.

Oh.

Je viens de faire tomber une goutte sur le papier. Zut, c'est mouillé, et l'écriture est troublée... C'est des plus inutiles à écrire, mais, de toute façon, j'ai l'impression que ces lettres ne servent pas à grand chose. Elles ne tarissent pas mes larmes, elles ne soulagent pas ma douleur, ne pansent pas mon cœur blessé.

Pourquoi ?

Pourquoi ? Pourquoi est-ce ainsi ? Pourquoi cela est arrivé ? Pourquoi pourquoi pourquoi ? Pourquoi Dorothée ?

Mais tu le sais pas, hein ? Pas vraiment, en vérité.

C'est dur, trop dur. Lorsque je me sens mieux, ce n'est qu'un mirage, parce que la souffrance revient de plus belle ! Mon existence est un gouffre indicible et obscur qui ne laisse entrer que quelques rayons, en refusant à décroître, seulement s'élargir. J'ai peur, tu sais. J'ai peur qu'il ne cesse de s'agrandir et qu'il m'engloutisse tout crûe. Je ne saurais pas me défendre le moment venu. Je ne suis pas forte, je ne suis que faiblesse face à la douleur. Je m'écroule... je vais m'écrouler, je le sens. Dans mes tripes. C'est à l'intérieur de moi, ça me ronge.

Tout paraît si sombre, parfois. Tout paraît si... brouillon, loin. Je me sens si à part de la réalité par moments, comme maintenant. Un peu comme si je n'étais déjà plus là, que je regardais le monde en spectatrice et non plus en actrice. Et ce monde-là, à cet instant, il paraît petit, futile, tout à fait perdu et sans issue. L'espoir, des fois, je n'en ai plus, et je ne veux plus en avoir du tout. Eh quoi ? Je suis supposée m'infliger la torture de vivre ? dans une société pareille ?

...sans toi ?

Sincèrement, Dorothée, je ne sais plus si vivre est idéal, et ça me fout les jetons de penser ça, au fond.

⠀⠀⠀⠀Bonne nuit,
⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀Violette.

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