lettre 11

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⠀⠀⠀⠀Dorothée,

Aujourd'hui, ta mère est morte. Ou peut-être hier, je ne sais plus. Elle est partie, tout comme toi. Les dernières personnes à l'avoir vue disent qu'elle était constamment agitée et les yeux perdus, qu'elle marmonnait beaucoup et semblait des plus affectées. Penses-tu qu'elle s'en veut de t'avoir fait du mal au point que tu veuilles en finir avec la vie ? C'est fort possible, ou alors un mal la rongeait depuis plus longtemps et ta mort fut la goutte de trop.

Quoi qu'il en soit, la morgue a récupéré son corps. Je ne sais pas si elle sera enterrée, ni quand, ou si elle sera incinérée, mais je ne m'en soucie que guère. Tout ce que je souhaite, c'est qu'elle ne repose pas près de toi, bien que tu sois, toi, en cendres. Ton corps harmonieux s'est changé en poupée cassée, et le sien n'a jamais été qu'une insulte à l'humanité. La seule bonne chose qu'il ait pu engendrer est de t'avoir mise au monde. Mes mots sont lourds et sombres, sauf qu'ils sont sincères. Je ne veux pas m'excuser d'offenser ta mère, ou même toi en parlant d'elle de cette manière, car c'est à elle de s'excuser ; elle ne l'a pas fait et ne le pourra plus.

Je ne l'aurais certainement pas pardonnée, mais elle aurait dû le demander ! On ne devrait pas pouvoir blesser ou harceler sa fille de la sorte sans être punie en retour. Mais, à présent qu'elle est morte seule et tourmentée, justice est-elle rendue ? Je ne sais, hormis qu'elle ne méritait pas de succomber dans le bonheur, pas après ce qu'elle t'a fait endurer.

Je commence à être fort fatiguée, tu sais. C'est comme si sa disparition marquait une nouvelle étape. Vais-je continuer à t'écrire, alors que ton bourreau n'est plus de ce monde ? De toute manière, la rentrée approche, Dorothée. Je ne sais pas si je me rendrais à la mise en terre — s'il y en a une —, mais je t'en parlerais si cela survient.

⠀⠀⠀⠀À bientôt peut-être, Violette.

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