Chapitre 12

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Le téléphone sonne dans le salon et je vois Andrew passer devant ma porte pour aller répondre. Après un temps il s'esclaffe de bonheur et finit par raccrocher. Il arrive d'un bond excité dans ma chambre et commence à effectuer une danse de la joie. Je le regarde curieusement, attendant qu'il vienne à bout de sa chorégraphie et qu'il m'explique pourquoi il réagit de cette manière.

- J'ai gagné ! s'exclame-t-il.

- Qu'est-ce que tu as gagné ?

- C'est un garçon !

- Qui est un garçon ?

- Le bébé de Lucie et Brandon ! Elle a accouché ce matin. Donc j'ai gagné !

- Gagné quoi ?

Il semble soudain se souvenir de quelque chose d'important. Peut-être le fait que je suis profondément amnésique.

- On avait fait un pari, explique-t-il, comme on ignorait le sexe du bébé. Tu avais misé sur une fille et moi sur un garçon.

- Et qu'est-ce qu'on avait parié ? demandé-je légèrement inquiète.

- Cinquante euros, répond-il après un temps.

Un je ne sais quoi dans sa voix et dans son attitude, me laisse légèrement perplexe.

- Tu as une preuve, j'imagine ?

- Non, mais on avait un contrat verbal !

- Qui est nul et non avenu maintenant que je ne me souviens même pas de l'avoir prononcé, rétorqué-je. Qui peut me dire que ce n'est pas moi qui avais choisi le garçon ou même qu'on n'avait pas vraiment parié cette somme ?

Andrew fait un petit sourire penaud, avec le regard d'un enfant qu'on surprend en faute.

- C'est faux ! m'exclamé-je amusée, j'ai choisi le garçon, pas vrai ?

- Non, fait-il hilare.

- Alors c'est le prix ? insisté-je.

Devant son refus de répondre et son air gai, je comprends immédiatement que c'est la bonne réponse.

- Espèce d'ingrat ! lancé-je en devenant hilare à mon tour, tu pensais vraiment que ça allait marcher et que j'allais te donner cinquante euros ? Je ne sais même pas où se trouve mon porte-monnaie.

- Qui ne tente rien n'a rien, clame-t-il audacieusement.

Il retourne joyeusement dans sa chambre et revient quelques minutes plus tard sa veste sur le dos, un petit paquet de naissance bleu dans les mains.

- C'est parti, on y va ! fait-il brusquement.

- Aller où ?

- Voir le bébé à la maternité, explique-t-il en tirant ma main pour me lever.

- Mais il y aura tout le monde, m'affolé-je, je ne veux pas que ça se passe comme lors du dernier diner.

- Tout va bien se passer, me rassure-t-il tendrement, ce n'est qu'un petit bébé, il est comme toi, il ne connait personne.

- Ce n'est pas pour le bébé que je m'inquiète, je ne veux pas à nouveau me retrouver comme lors du repas. Je me suis sentie très mal, c'était horrible. Je ne veux plus jamais ressentir ça.

Mon frère parait déçu, il ne trouve pas les mots pour me réconforter. Pourtant, je vois bien qu'il voudrait essayer de me convaincre.

- On ira quand ils seront rentrés chez eux, fait-il déçu, il y aura sans doute moins de monde.

Il s'apprête à retirer sa veste. Je suis triste pour lui, il était si content de se rendre à la maternité pour rencontrer notre nouveau petit cousin.

- Tu pourrais y aller sans moi, proposé-je gentiment.

- Non, répond-il immédiatement, je ne vais pas te laisser toute seule ici, c'est hors de question.

- Tu n'es pas obligé de te restreindre pour moi. Je ne suis pas une petite chose fragile qui va se briser si elle reste seule.

Il a un regard triste. Il semble réfléchir à cette possibilité en pesant le pour et le contre.

- Je t'assure que tu peux y aller.

- Viens avec moi, supplie-t-il, tu resteras dans la voiture. Je ne veux pas y aller sans toi.

- Ne me dis pas qu'on est le genre de jumeaux qui ne peuvent rien faire l'un sans l'autre ? Tu n'as tout de même pas arrêté de vivre pendant que j'étais dans le coma ?

Il ne répond pas et fixe le sol, ce qui me fait comprendre qu'on est précisément ce genre de jumeaux.

- Tu dois y aller, affirmé-je doucement, pour nous deux.

Il cède en me promettant d'être revenu d'ici une heure et je finis par me retrouver seule dans la maison. Il n'y a aucun bruit, ni dehors, ni dedans et cela me permet de réfléchir calmement. A-t-il vraiment arrêté d'être lui pendant mon hospitalisation ? Qu'est-ce qui a fait qu'on était si proche, quelle personne est-ce que je suis ?

Mon trou de mémoireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant