- Tiens mets tes gants, ordonne-t-il, et ton bonnet.
Il remonte mon écharpe pour qu'elle couvre la totalité de mon cou puis il ferme ma veste. J'ai envie de lui dire que je pourrai très bien le faire moi-même mais ça à l'air de lui faire plaisir alors je ne dis rien. L'air extérieur est assez agréable, en temps normal je ne devrais pas avoir froid mais depuis ma sortie du coma je suis devenue assez frileuse. En sortant je m'appuie sur son bras pour ne pas tomber puis je le laisse me guider. Il me parle rapidement des voisins et me raconte des anecdotes que nous avons vécues dans ce quartier.
Une voiture rouge arrive en face de nous, je vois la conductrice nous sourire. Mais je n'arrive pas à faire de même. Andrew lui fait un signe amical, il m'explique de qui il s'agit mais je n'entends pas. J'arrête d'avancer. Andrew me demande ce qui ne va pas, si je veux rentrer à la maison ou si je veux m'asseoir. Je ne réussis qu'à prononcer le mot « rouge » avant d'éclater en sanglot.
- Qu'est-ce qui se passe ? Quoi rouge ? La voiture ? Dis-moi ce qu'il se passe !
- La voiture, elle est rouge, articulai-je difficilement.
- Oui, rouge, c'est la voiture de notre voisine.
- Non pas celle-là.
- Laquelle alors ?
- Celle de mon accident.
Pour toute réponse mon frère me prend dans ses bras, je pleure toutes les larmes de mon corps. C'est la première fois depuis mon réveil que je ressens une tristesse aussi intense. Je ne parviens pas à faire cesser les larmes qui coulent de mes yeux. Je revois mon accident, le visage du conducteur marqué par la surprise, je ressens la douleur, les bruits qui m'entourent. Toutes ses sensations me font mal, mes cicatrices me brûlent, mon cœur souffre, mon âme se brise.
Je me réveille dans ma chambre, quelqu'un vient de passer la porte d'entrée.
- Je suis rentrée ! crie ma mère.
J'entends très clairement mon frère lui dire de parler moins fort. Ma mère répond quelque chose d'intelligible. Je décide de me lever mais la conversation continue.
- Elle s'est souvenue de quelque chose, dit Andrew.
- De quoi ? s'affole ma mère.
- Seulement de la couleur de la voiture.
Elle pousse un soupir de soulagement.
- C'est très bien, cela montre qu'elle guérie.
J'arrive doucement dans la pièce, mon frère me remarque en premier et me lance ce regard dont il a le secret. Celui qu'il utilise depuis que je le connais, celui qui sert à me faire sourire.
- Bonjour ma chérie ! Andrew vient de me dire que tu t'es souvenue de la couleur de la voiture ? C'est génial ! Peut-être que tes souvenirs vont finalement tous revenir. On pourrait faire ce repas qu'on avait prévu pour fêter ça ? En tout cas je suis contente que tout aille bien maintenant.
- J'aurai préféré me souvenir de quelque chose de plus agréable.
Andrew fait passer son bras autour de mes épaules.
- Ça viendra.
Je remarque un sac de sport près de la porte d'entrée avec un ballon de basket à côté.
- Ne me dis pas qu'on va aller faire du basket ? implorai-je.
Il suit mon regard et sourit, mais d'un sourire assez triste.
- Non, seulement moi, un ami m'a proposé d'aller jouer avec lui et j'ai accepté. Je ne voulais pas, si tu veux je peux toujours rester !
- Au contraire c'est une super idée ! Tu fais du basket depuis longtemps ?
- Oui depuis que j'ai six ans, je m'étais inscrit avec un ami, pour le fun, et je suis devenu plutôt doué.
- Plutôt doué ? intervient ma mère, il a été capitaine de l'équipe pendant toute sa scolarité et maintenant il est devenu le coach !
Un soupçon de fierté se dévoile dans son regard, tandis qu'Andrew devient gêné. Une voiture se gare devant la maison et klaxonne brutalement plusieurs fois. Andrew éclate de rire.
- C'est Josh, je lui avais demandé d'être discret...
- De toute évidence il n'a pas bien compris.
Mon frère m'embrasse sur la joue, fait de même avec ma mère puis il passe le pas de la porte. La maison devient soudain plus silencieuse, un peu trop même.
- Je dois aller faire quelques courses, je reviens dans très peu de temps, tu te sens capable de rester seule ? demande-t-elle distraitement.
- Oui bien-sûr pas de problème.
Elle prend sa veste et son sac rapidement sans me regarder et se dirige vers la porte d'entrée.
- Attend maman ! Je peux venir avec toi ?
Elle se retourne surprise.
- Evidemment ma chérie, mais couvre toi bien, tu risques d'avoir froid au supermarché.
Une fois que nous avons pris un panier, que ma mère m'interdit formellement de toucher, nous nous dirigeons dans les allées du magasin. Je la suis partout où elle va ne sachant pas quoi faire d'autre. Je la gêne plus qu'autre chose et je m'excuse plus souvent qu'il ne le faudrait.
Au bout d'un moment elle m'envoie chercher un paquet de bonbons, elle me dit de prendre ce qui me ferait plaisir. Je mets du temps à trouver le bon rayon.
Deux filles se trouvent déjà à l'intérieur, l'une pendu au cou de l'autre. Elles semblent être très proches, peut-être même en couple. Etrangement, je me mets à les fixer, l'une d'elle en particulier. Celle-ci choisi ce moment pour se retourner et je me rends compte que ce que je fais est très mal polie.
Je me retourne et prends le temps de regarder chaque paquet non seulement pour faire le bon choix mais aussi pour ne pas retourner embêter ma mère.
- Cathy ? demande une voix féminine.
De toute évidence, la jeune fille me connait. Inconsciemment, je l'ai peut-être reconnu moi aussi. C'est bon signe, non ?
- Andrew m'a dit que tu étais sortie ? Je n'ai pas eu le temps de venir te voir, tu sais c'est la folie en ce moment. Lance-t-elle prétentieusement.
J'acquiesce, même si je ne sais pas. Elle ne se présente pas et ne me présente pas non plus sa copine qui continue de se tenir à l'écart.
- Au fait, tu ne devrais pas manger des sucreries, c'est très mauvais, conseille-t-elle en regardant les dizaines de paquet de manière dédaigneuse.
J'acquiesce encore une fois. Son amie lui dit qu'elles doivent s'en aller. Juste avant de partir, la fille met sa main sur mon épaule, n'hésite pas une seule seconde et lance :
- Je suis vraiment désolée pour tout ce qui t'es arrivée.
Je la remercie vivement en faisant comme si je la connaissais vraiment. Elle s'en va, me laissant seule et totalement perdue. Contrairement à ses conseils, j'attrape le premier paquet de bonbons qui tombe sous ma main et je rejoins ma mère.
Je ne parle à personne de cette rencontre avec cette fille, qui qu'elle soit, et je n'en parlerai pas. C'est déjà assez bizarre comme ça.
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Mon trou de mémoire
RomantizmIl y a des choses qu'on n'oublie pas, des choses qui restent gravées dans nos mémoires. Des souvenirs qui restent intacts grâce à une photo, grâce aux personnes qui les partagent. La première dent qui tombe, un anniversaire particulièrement festif...