Julien était parti de la rue Saint-Denis, se sentant trop épuisé pour marcher il opta pour le métro. Il esquiva de justesse l'homme en costard en face de lui et continua à zigzaguer entre les passants qui le dévisageaient d'un air moqueur. Une femme le bouscula dans les escaliers.
- Putain mais tu peux pas faire gaffe ?!
La jeune femme reprit son équilibre, ses talons de dix centimètres lui rendant la tâche plus ardue. Elle passa furieusement à sa droite, arborant un de ses plus beaux majeurs.
- Connard va !
Quel connard.
T'es un connard.
Mr.Connard
Julien s'apprêtait à rétorquer dans un langage des plus fleuris mais se ravisa. Pourquoi lui répondre ? Après tout elle avait raison, rien ne justifiait une telle attaque verbale. Il avait agit par pure méchanceté, ses actions étaient animées par la haine. Mais quelle haine ? Peut-être la haine d'avoir fait 4 heures de train à cause d'une engueulade. La haine d'avoir foutu 5O balles dans une demi-heure de branlette. La haine de s'être fait insulter par une inconnue à 3h00 du matin.
Il arriva dans la rue de leur petit appartement, un calme des plus pesants y régnait. Il rentra dans l'ascenseur crasseux, toujours accompagné de sa valise dégoulinante d'eau.
Julien tourna la tête et se regarda dans le miroir, il avait une sale mine.
L'ascenseur s'arrêta brusquement, le tintement des clefs s'entrechoquants résonna dans le petit couloir du 5ème étage.
Julien délaissa sa valise et fonça se chercher à boire.
Les placards s'ouvrirent brutalement, ses mains naviguèrent entre une bouteille à moitié vide de Jacks Daniels et un Rhum ambré bon marché. Il se décida et attrapa la bouteille de whisky. Il ne le distilla pas. Dès le premier verre sa vision se brouilla, ses déplacements se ralentirent. Les paupières mi-closes, l'alcool continuait à couler le long de son œsophage et persistait à suivre sa trajectoire; ses pensées devenaient de plus en plus floues. Le calme glaçant régnait toujours. Julien se laissait engloutir par sa dépendance, il en fallait encore plus. Le goût était d'une immondice sans nom, il en aurait vomi. Mais il repoussait toujours et encore les limites du possible. Julien trouvait ça absurde de se faire du mal mais il ressentait le besoin viscéral, ce besoin incessant d'oublier même s'il devait se brûler la gorge jusqu'à en perdre la voix. Il ne savait pas s'il ne voulait pas ou s'il ne pouvait pas se stopper dans sa folie destructrice. Les principes physiques n'avaient plus aucun sens pour lui. Il ne prêtait pas attention aux douleurs qui naquirent sur l'ensemble de son corps tant il chutait sur le carrelage froid de sa cuisine, ses paupières se fermèrent lentement.
Julien se transposa dans un monde idyllique abandonnant tous ses doutes.L'aube lassait paraître les premiers rayons du soleil. Pourtant l'air était froid, octobre pointait déjà le bout de son nez. Jeremy continuait à rouler, la mine renfrognée. Il bailla tandis qu'il passait le deuxième péage. La voiture était silencieuse, Jeremy ne pensait qu'à la route à emprunter et non pas à ce qu'il y trouverait au bout.
Il finit par arriver à sa destination, l'horloge de la voiture indiquait 7h00. Devant la porte les yeux dans le vide, l'hésitation prit place...
L'air semblait s'être réchauffé, les rues de Paris reprenaient leur brouhaha quotient. Jeremy soupira, la rencontre était inéluctable.
Il entra et passa devant les boîtes aux lettres. Il profita de cette opportunité pour gagner un peu de temps et ouvrit l'une d'elles.
Jeremy. A - Julien. C