✶ 𝓢𝓮́𝓵𝓮𝓬𝓽𝓲𝓸𝓷𝓷𝓮́ 𝓣𝓻𝓸𝓲𝓼 : 𝓡𝓪𝓳 𝓓𝓮𝓿𝓲

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"Maman ne me tourne pas le dos. Je fais ça pour nous !"

Ce que vous voyez enveloppé dans ce tissue de soie, c'est moi.
Ce bébé asiatique tenu dans les bras d'une femme pourtant habillé d'un sari brodée, qu'encore aujourd'hui, elle trouve important de porter.
Je n'ai jamais connu ma famille biologique et je n'ai jamais souhaité la rencontrer. J'ai eu la famille parfaite. Une famille parfaite dans un monde bien cruel.
J'ai toujours vécu dans les Iles Fidji avec mes parents.

Je me suis toujours demandé ce qu'ils faisaient ici et pourquoi, ils ne vivaient pas en Inde. Plus tard, la réponse me fut racontée par mon père qui m'expliqua l'histoire de sa famille et par la même occasion celle de ma mère.

Les îles étaient autrefois colonisées par les anglais qui encourageaient, ou plutôt, exploitaient au maximum, l'industrie de la canne à sucre. Ce marché était d'une importance capitale ! Voyez-vous, comment faire autrement dans une île comme celle-ci ? La stabilité économique de la colonie était primordiale. Ces anglais n'étaient pas tout à fait mauvais car ils refusaient d'exploiter les indigènes et ainsi menacer la culture fidjienne.

Les anglais, qui étaient forts pour ça, mirent en place, à nouveau, comme aux Antilles, « Le programme des travailleurs sous contrat ». Un premier bureau de recrutement fut, dans les souvenirs de mon père, d'abord créé à Calcutta et ensuite un autre en Inde du Sud.

Les premiers arrivants furent 463.
Les girmits, leurs contrats, stipulaient qu'ils devaient travailler pour une durée de cinq ans aux Iles. C'est pas mal non ?
Mon prénom, Raj, vient d'ailleurs de cette période-là. Du « Raj britannique ».
Raj qui signifie règne, royaume ou encore domination.

A la fin de ce délai, les indiens avaient le choix entre rester ou repartir en Inde. Je maudis ces ancêtres qui eurent l'idée saugrenues de rester.
Car, aujourd'hui, me voilà coincer dans une île vouée à disparaître. Pardon ! Une île qui disparaît !

Imaginez un peu la vie ici. La montée d'eau menace le peu de villages qui nous reste. Des villages qui sont noyés dans la boue, la crasse et dévastés par les maladies, la famine. Autrefois, je courrais dans les rues avec mes amis et nos éclats de rires résonnaient jusqu'à l'autre bout du petit village. A présent, tout ce que l'on entend résonner dans les rues, sont les pleurs, les cris, les appels d'aides. Comment fermer l'œil dans un endroit si austère ?

Mon père et moi pêchons. Un travail qui nous apporte peu d'argent mais qui réussit à nous nourrir. Et quand la pêche est bonne, elle réussit à nourrir deux ou trois personnes en plus. Ma mère, elle, préfère rester à la maison. Le monde de dehors la terrifie. Il me terrifie aussi. Les gens plus que les événements naturels.

Il y a deux genres de personnes aujourd'hui. Ceux qui survivent honnêtement et ceux qui n'ont pas le temps de vivre encore dans la bonté.

Vol, assassinat, viols, séquestrations, marchés noirs, kidnapping et peut-être que j'en passe ! Les femmes qui ont le malheur de ne pas avoir leur fertilités secrètes sont exploitées, vendues, kidnappées, violées.
Si les éléments naturels ne nous tuent pas avant, les fous qui vivent ici le feront.

J'ai toujours été d'une nature très secrète. J'avais intérêt à l'être d'ailleurs. Mes parents et moi, nous ne sommes pas catholiques. Et tout le monde sait qu'il faut l'être. Des groupes passent et crient dans la rue que nous ne devons aimer qu'un seul dieu, que la Bible est le seul livre qui nous devrions posséder. Et j'en passe des meilleures.

- 𝑇𝘩𝘦 𝑇𝘩𝘳𝘦𝘦 𝐻𝘦𝘢𝘳𝘵𝘴 -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant