✶ 𝓢𝓮́𝓵𝓮𝓬𝓽𝓲𝓸𝓷𝓷𝓮́ 𝓠𝓾𝓪𝓽𝓻𝓮 : 𝓛𝓾𝓲𝓼 𝓡𝓸𝓳𝓪𝓼

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- 𝘩𝘢𝘺 𝘥𝘰𝘴 𝘩𝘦𝘳𝘮𝘢𝘯𝘰𝘴
𝘶𝘯𝘰 𝘥𝘶𝘦𝘳𝘮𝘦 𝘤𝘰𝘯 𝘦𝘭 𝘴𝘰𝘭 𝘦𝘯 𝘴𝘶𝘴 𝘰𝘫𝘰𝘴
𝘦𝘭 𝘰𝘵𝘳𝘰 𝘯𝘰 𝘥𝘶𝘦𝘳𝘮𝘦 𝘱𝘢𝘳𝘢 𝘯𝘢𝘥𝘢 -

L'Amérique Latine a toujours été une poudrière politique ou, tout du moins, c'est ce que Luís a toujours entendu de la bouche de son frère, Andrés. Il ne suffit toujours que d'une étincelle pour ranimer des ardeurs que l'on pensait pourtant enterrées à jamais. Une seule petite étincelle.

D'autant qu'il lui en souvienne, son aîné n'a jamais cessé de lui murmurer ces mots désormais interdits à l'oreille, et pour lesquels on aurait pu le jeter dans une cellule miteuse à jamais. Il les lui glissait religieusement, comme une prière destinée à ne pas oublier. Bolívar, El Libertador. Un nom tombé dans l'oubli, que le pays s'était efforcé d'effacer des livres d'histoire du Venezuela et de la mémoire collective. Mais Andrés, lui, se souvenait.

Luís n'était que de deux ans son cadet, mais il n'a jamais vraiment compris d'où Andrés tenait ses idées. Elles prenaient racine d'une colère qui fut toujours omniprésente. C'était comme un bruit qui grondait parmi les classes populaires de Caracas, se répandant dans les ruelles crasseuses où l'on entendait des Puta Madre à tout va. Des quartiers où, si l'on n'y est pas né, une bande peut vous attraper dans un coin, et tout peut se terminer en un clin d'oeil au bout de la lame d'un couteau.

C'était ainsi, dans le pays. Les classes moyennes étaient presque inexistantes, et deux possibilités de vie s'offraient : se réveiller dans des draps de soie et siroter son scotch dans un verre de cristal, ou s'endormir l'estomac vide dans des taudis brinquebalants, bercé des coups de feu qui allaient jusqu'à envelopper vos rêves.

Luís n'a jamais aimé le scotch, de toute façon.

- 𝘓𝘢 𝘭𝘶𝘻 𝘥𝘦 𝘵𝘶 𝘮𝘪𝘳𝘢𝘥𝘢
𝘌𝘭 𝘧𝘶𝘦𝘨𝘰 𝘥𝘦 𝘵𝘶𝘴 𝘭𝘢𝘣𝘪𝘰𝘴
𝘍𝘭𝘦𝘤𝘩𝘢𝘳𝘰𝘯 𝘢 𝘮𝘪 𝘱𝘦𝘤𝘩𝘰 𝘺 𝘥𝘦 𝘵𝘪 𝘮𝘦 𝘦𝘯𝘢𝘮𝘰𝘳𝘦 -

Il n'en a pourtant pas toujours été ainsi. Avant qu'Andrés et Luís ne viennent au monde, avant leurs déboires avec Los Libertadores, bien avant tout cela.

Il s'appelait Angel et elle, Carolina. Elle avait de soyeux cheveux châtains, un regard noisette espiègle aux éclats émeraude alors que lui était, ironiquement pour son prénom, sombre comme la nuit : boucles noiraudes, regard obscur, peau tannée. Le père de la jeune femme était tenant de l'un des rares bars autorisés à Caracas par la Iglesia Católica et si ça n'était pas du luxe, cela leur offrait au moins un toit ainsi que du rhum à portée de main - et de poings, aurait certainement ajouté Carolina avec un rire sarcastique.

Angel l'avait déjà repérée, bien entendu. On en entendait parler, de la fille du tenancier, et si les rumeurs couraient sur elle et les prétendus regards enivrés qu'elle pouvait parfois jeter aux clients, le brun n'en avait jamais fait cas. Non.

Il préférait bien plus l'observer en silence, la transpercer de ses yeux noirs brillants comme s'il pouvait sonder son âme. Angel n'était pas vraiment un saint ; on racontait qu'il trempait dans des affaires pas très nettes, de stupéfiants et... de politique. On le disait partisan des Libertadores, cette secte qui prônait secrètement le retour du socialisme au Venezuela avec, pour symbole, l'épée d'un certain Simon Bolívar. Putos comunistas, avait-il l'habitude de leur rétorquer d'un ton nonchalant, la clope au bec. Mais il ne démentait jamais vraiment.

On ne savait pas réellement ce qu'il faisait dans la vie ; à vrai dire, cela changeait au fil de ses humeurs, mais aussi de son ennui. Tantôt, il travaillait dans une usine de pneus. Tantôt il était chauffeur. Maçon, électricien, ouvrier ici et ailleurs.

- 𝑇𝘩𝘦 𝑇𝘩𝘳𝘦𝘦 𝐻𝘦𝘢𝘳𝘵𝘴 -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant