Bureaux du magazine On Top, quartier de Midtown, Manhattan,
six semaines plus tôt.
— Hyuga, ton cul dans mon bureau dans dix minutes. Dix minutes, compris ?
Malgré le grésillement des parasites de l'interphone, la voix furieuse de Starr se répercuta contre les murs du bureau de Hina, couverts d'agrandissements de couvertures de magazines.
Hina ouvrit la bouche pour répondre, mais la ligne se coupa net. La directrice de la rédaction venait de lui raccrocher au nez. Devait-elle s'attendre à recevoir une lettre de licenciement ?
Hina ouvrit un tiroir de son bureau, à la recherche de quelque chose pour tuer la migraine qui lui fendait le crâne, revers des trop nombreux Dirty Martini qu'elle avait bus la veille au soir et de la mauvaise surprise du matin : la dernière décision éditoriale gonflée qu'elle avait prise lui avait explosé au visage. Pas d'aspirine : c'était bien sa chance. Toutefois, elle trouva une petite bouteille de Pepto-Bismol. Elle faillit se casser un ongle en ouvrant le bouchon sécurisé, puis, une fois qu'elle l'eut enlevé, elle porta la bouteille à ses lèvres et avala l'apaisante concoction rose bonbon.
Elle reposa l'antiacide et se tourna vers son écran d'ordinateur, secouée par une vague de dégoût.
— Espèce d'enfoiré !
L'enfoiré, le chroniqueur radio et très conservateur Naruto Uzumaki, lui sourit dans le cadre de la vidéo qu'elle avait mise sur pause. Si l'on considérait ses courts cheveux blonds, ses traits ciselés et ses yeux d'un bleu-vert émeraude, il ne fallait pas beaucoup d'imagination pour comprendre pourquoi une journaliste féminine du Newsweek l'avait qualifié de « Robert Redford de la droite ». Le sociologue mexicain avait fait les gros titres l'année précédente grâce à la publication d'une étude montrant la forte corrélation entre les heures que passaient les adolescents américains sur Internet et leur probabilité à se livrer à des attitudes à haut risque, y compris à avoir des rapports sexuels non protégés. Les médias conservateurs s'étaient jetés sur les conclusions de l'étude comme des sangsues affamées sur une banque de sang de la Croix-Rouge. En une semaine, le « docteur Naruto » avait été invité dans de nombreuses émissions télévisées, où il dénonçait « la culture de l'éducation à temps partiel basée sur le déni et un discours hypocrite politiquement correct ». Six mois auparavant, il avait créé sa propre émission de radio quotidienne, diffusée depuis Washington. Depuis, trois cents stations de radio à travers tout le pays avaient intégré L'heure de Naruto Uzumaki à leur programmation, et le site Internet de l'émission comptait environ cent mille visites par jour.
Jusque-là, Hina avait laissé l'Uzumaki tranquille. On Top avait beau faire des numéros plutôt Francs – bon d'accord, carrément provocants –, s'en prendre au dernier messie conservateur des médias aurait été une manuvre stupide.
Mais Uzumaki avait mis fin à leur coexistence paisible. Il avait mis la main sur un exemplaire du dernier numéro d'On Top, repéré l'article de Hina sur le nombre croissant de parents choisissant d'éviter les grossesses non désirées en faisant prendre la pilule à leurs filles avant même qu'elles aient des rapports (« Oubliez les contes de fées : le sexe chez les ados n'est pas une fiction mais la réalité ») et fait du magazine sa cible du Coup de Gueule de Naruto du jour. Il avait terminé sa chronique en donnant l'adresse postale du siège d'On Top, l'adresse mail du magazine ainsi que son numéro de téléphone gratuit, invitant ses auditeurs à se faire entendre. En quelques minutes, le serveur informatique du magazine, surchargé, était tombé en panne, et le standard s'était illuminé comme un panneau lumineux de Times Square.
Les appels, certains simplement hostiles et d'autres carrément dérangés, avaient été accompagnés de nombreux mails adressés aux « personnes responsables » et condamnant l'article de Hina. Elle ne s'en était pas souciée. Le lectorat d'On Top et le public radiophonique de Naruto Uzumaki étaient diamétralement opposés, deux espèces différentes de consommateurs de divertissement et d'actualité. Seulement, le problème venait d'ailleurs : la marque Beauté, fabricant de produits capillaires haut de gamme ciblant les adolescents, qui représentait une part majeure des recettes publicitaires du journal, avait demandé à mettre fin à leur partenariat, invoquant la clause morale du contrat et son inquiétude quant à son image.
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Infiltration (Opération : Cendrillon!)
RomancePas de prologue je vous laisse découvrir cette histoire inspirée du livre de Hope Tarr .