Chapitre X

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L'appel de Shion l'informant qu'elle était en ville fut une bonne surprise. Déjeuner avec elle serait une occasion en or pour parler de Hima. Et même s'ils n'avaient pas été en train de gérer un enfant en crise, Naruto aurait été sincèrement ravi de la voir. Leur divorce était de l'histoire ancienne. Une fois qu'ils avaient cessé d'être des époux en guerre, ils étaient aisément redevenus amis.

Il n'aurait pas choisi le Dupont Circle, restaurant branché, mais, comme d'habitude, Shion savait ce qu'elle voulait. Et, comme d'habitude, il arriva en premier. En prenant place à la table qu'il avait réservée, il ouvrit son téléphone, où l'attendait un message. Comme il l'avait prévu, elle était en retard mais arrivait. Il prit les devants et commanda leurs boissons, un verre de pinot gris pour elle et une Coors pour lui. Il en était à la moitié de sa bière quand il la repéra à l'accueil du restaurant, élégante apparition haute couture dans un tailleur couleur lime qui mettait ses yeux en amande en valeur. Il lui fit signe de la main.

Elle lui sourit et se faufila entre les tables pour le rejoindre.

— Salut, chéri. Désolée pour mon retard. La circulation était abominable.

Il se leva et, au lieu de lui faire remarquer que la circulation était toujours dense et que peut-être, pour une fois, elle pourrait essayer de partir quelques minutes en avance, ou même à l'heure, il tira sa chaise.

— Tu es superbe, Shion.

À trente-quatre ans, Shion était une belle femme élancée aux cheveux blonds ondulés et aux yeux vert jade. Photographe de mode en vue, son travail apparaissait dans Vogue, Elle, In Style et Glamour, ainsi que dans de nombreux magazines européens dont il ne se rappelait jamais les noms. Même s'il ne pouvait s'empêcher de lui reprocher de temps en temps ce qu'il considérait comme une incohérence flagrante entre ses visions politiques libérales et son matérialisme avide, il était tout de même fier d'elle. Dieu merci, ils avaient divorcé quand ils étaient encore assez jeunes pour réparer les pots cassés et partager leurs responsabilités parentales avec un minimum d'amertume, exploit considérable pour deux personnes si drastiquement différentes ! Elle était, sans réserve, l'une de ses meilleures amies... du moment qu'il n'avait pas à être son époux.

Elle posa son sac, un immense sac à main couleur caramel si hideux qu'il devait être de marque, et se glissa sur sa chaise.

— Mon Dieu, tu es rayonnant ! Tu n'es pas grincheux et tout froissé, contrairement à d'habitude, dit-elle en l'observant, son verre de vin à la main, tandis qu'il se rasseyait. Nouveau costume, non ?

Shion ne manquait jamais de remarquer tout changement vestimentaire.

— Oui, je crois que oui, répondit-il sur un ton décontracté.

L'arrêt shopping impromptu à Georgetown Park devait être un gage de réconciliation avec Hima. D'une manière ou d'une autre, il s'était retrouvé chez Brooks Brothers, devant un étalage de cravates en soie italienne et des portants entiers de costumes.

Shion fit claquer sa langue.

— Et moi qui venais tout juste de mémoriser toute ta garde-robe : tes trois costumes sombres et tes cinq cravates rayées, sans parler de ton armée de chemises à boutons blancs.

— Que veux-tu que je te dise ? J'aime te surprendre. Ton vin est bon ?

— Savoureux, répondit-elle avant de prendre une autre gorgée en le regardant par-dessus le bord du verre. Même si, après la semaine que j'ai passée, j'aurais bien besoin d'un Martini.

— C'était si terrible que ça ?

Shion hésita, ce qui ne lui ressemblait pas, puis finit par hausser les épaules.

Infiltration (Opération : Cendrillon!)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant