Chapitre II

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Complexe Watergate, nord-est de Washington D.C.

— Hima, je suis rentré.

Naruto Uzumaki pénétra dans l'entrée de l'appartement et ferma la porte derrière lui. Il n'avait pas l'habitude de rentrer à 17 heures, mais ce n'était pas un jour comme les autres.

Il n'eut pas de réponse, non pas qu'il se soit attendu au contraire, mais le sac à dos jeté à côté de la porte indiquait que Himawari était là. Pourtant, l'appartement était si tranquille que même la craquelure d'un glaçon aurait semblé assourdissante. Et cette image n'était pas loin de la vérité : sa fille était glaciale avec lui.

Il laissa tomber ses clés sur la table en marbre de l'entrée et remonta le couloir à la moquette beige jusqu'à la chambre de Himawari, lieu de son dernier coup de filet parental. Sans surprise, la porte était fermée. Il dut frapper quatre fois avec force pour qu'elle cède enfin et daigne lui répondre.

Elle entrouvrit à peine la porte, juste assez pour qu'il aperçoive un il larmoyant et un nez rose. Merde, elle avait pleuré ! Décernez-moi le prix du Père de l'Année... ou pas !

— Qu'est-ce que tu veux encore ?

Il inspira profondément et se rappela que c'était lui l'adulte.

— Il faut qu'on parle, toi et moi.

La porte s'ouvrit un peu plus, révélant une bouche pincée et l'éclat du fil blanc des écouteurs de son iPod.

— J'ai pas envie.

— Envie ou pas, nous allons régler le problème une bonne fois pour toutes. Viens dans mon bureau dans cinq minutes ou tu es punie pour toute la semaine.

Elle recula et lui claqua pratiquement la porte au nez.

Lui qui voulait repartir sur de bonnes bases... Se sentant aussi épuisé que s'il avait affronté Rita Mae Brown, Naruto gagna son bureau, son sanctuaire dans un appartement qui autrement semblait trop immense, trop moderne, trop lisse et trop beige pour lui convenir. Voilà ce qui arrivait quand on engageait une décoratrice d'intérieur. Au moins, il était resté sur ses positions et ne l'avait pas laissée approcher de son bureau. Le style colonial des meubles, les couleurs chaudes, le tapis navajo... Tout lui ressemblait dans cette pièce. De même que ses livres, des éditions reliées en cuir de classiques de la littérature américaine, de Nathaniel Hawthorne à Arthur Miller en passant par Mark Twain, qu'il avait tous fait venir de son ranch texan. Après six mois passés à la ville, il avait encore l'impression d'être chez lui dans ce bureau.

Le mal du pays le prit soudain. Déterminé à l'ignorer, il passa derrière le bureau, sortit son ordinateur et l'alluma. Il se connecta et parcourut sa boîte de réception en attendant Hima. Mentalement, il se promit que, contrairement à ce matin-là lors de l'incident concernant le magazine, il ne perdrait pas son sang-froid. Si sa fille était en colère, qu'elle soit en colère. Toute émotion, même la rage, était préférable au silence qu'elle adoptait la plupart du temps.

Un soupir lui fit lever la tête en direction de la porte. Hima se tenait sur le seuil, un pied dans le couloir, comme si elle planifiait déjà sa fuite.

Il considéra ses cheveux blonds hérissés, son tee-shirt court dévoilant son ventre et son jean taille basse, et sentit son amour-propre parental couler comme le Titanic. Où était passée sa petite fille ? Qui était cette étrangère renfrognée et avachie ? Ses yeux verts emplis de colère, bordés d'un épais trait d'eye-liner noir, le ramenèrent un mois en arrière, quand elle s'était pointée dans le hall de son immeuble du Watergate à plus de minuit, un sac à dos sur l'épaule, son mascara coulant sur ses joues comme des ruisseaux de boue.

Infiltration (Opération : Cendrillon!)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant