Chapitre IV

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Quelques heures plus tard, elle était assise dans le salon, un ancien entrepôt rénové, en face d'un miroir au cadre doré, ses cheveux dissimulés par une serviette moelleuse. Ses yeux bleu-gris, lourdement maquillés de khôl noir lui donnant un look « smoky eyes » d'enfer, étaient un peu rouges. Ou plutôt ils étaient injectés de sang, signe que sa vie de fêtarde commençait à se voir. Des lèvres pleines, grâce à mère Nature et non au collagène, et une poudre pâle complétaient le look qu'elle avait passé six mois à perfectionner. À présent, bien sûr, tout devrait disparaître.

Franc se pencha en avant, son visage sculpté rejoignant le sien dans le miroir.

— Courage, ma belle. Tu vas être splendide.

Sans qu'elle sache pourquoi, Hina avait toujours trouvé son faux accent britannique incroyablement apaisant.

— Tu dis toujours ça.

Nerveuse, elle joua avec le bord de la serviette. L'année précédente, elle était rousse avec une permanente et un penchant pour le look rétro chic des années 1980. La transformation qu'elle devait opérer ce jour-là, passer du noir au blond, était un processus éreintant qui imposait de décolorer ses cheveux puis de les recolorer en blond blé. Entre deux applications de crème, Hina avait expliqué l'Opération Cendrillon à Franc. En un seul souffle, il l'avait qualifiée de folle, de femme scandaleuse et, bien sûr, de génie.

— Voilà !

Franc retira la serviette, et des cheveux pâles tombèrent sur les épaules de Hina. Elle retint son souffle : elle avait l'impression de voir une étrangère dans le miroir.

— Waouh, c'est un sacré... changement !

Franc lui adressa un sourire plein d'aplomb.

— Que puis-je dire ? La fausse modestie n'est pas de la modestie du tout, et une bonne fée n'aurait pas pu faire mieux en deux heures.

Il prit un peigne et des ciseaux sur le comptoir en marbre, et s'adressa à son reflet.

— En parlant de contes de fées, tu ne crois pas que dire que tes anciens employeurs étaient missionnaires était un peu... trop poussé ?

— En fait, je crois qu'il a tout gobé.

Tandis que Franc démêlait ses boucles, elle s'installa confortablement dans le fauteuil en vinyle, tout en se disant qu'elle ferait mieux de lui raconter la suite avant qu'il prenne les ciseaux.

— D'ailleurs, il est possible qu'il t'appelle.

Le peigne s'arrêta en plein travail. Franc leva la tête.

— Pourquoi ça ?

Hina se mordit la lèvre inférieure, regrettant que son verre de vin ne soit pas à portée de main.

— Il m'a demandé de lui envoyer mes références, et je ne pouvais pas prendre le risque de lui donner une adresse bidon pour qu'il découvre que c'était faux, alors j'ai... euh... je lui ai donné votre numéro de téléphone, à Sai et à toi.

Elle jeta un coup d'il derrière le rideau séparant le salon du bureau, où le comptable qui partageait la vie de Franc travaillait. Franc haussa les sourcils.

— Sai et moi sommes censés être le couple de missionnaires chrétiens pour qui tu as travaillé ?

Elle sortit un bras de sa blouse et lui tapota le bras.

— Détends-toi, frère Franc. Ce n'est pas grave. Ton prénom reste le même, mais avec un K à la fin. Tout ce que tu dois retenir, c'est que tu as une femme, Sakura, et deux ados.

Infiltration (Opération : Cendrillon!)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant