Les cicatrices de l'océan (Fukaboshi x OC)

Comment tout a commencé

Café des Sirènes. Début de soirée. Tout le monde courrait dans tous les sens et criait de peur ou d'excitation. Madam Shirley fumait calmement dans sa chambre même si elle était la plus ennuyée si quelque chose ne se passait pas comme prévu. À côté d'elle, sa protégée essayait de comprendre comment mettre son "costume" qui n'était vraiment qu'un bikini recouvert d'émeraudes et de bouquet de perles qui encadraient sa taille. Quand elle l'eut enfin enfilé, elle s'attaqua à son maquillage. Madam Shirley souffla de la fumée, faisant pleurer les yeux de la jeune femme. Elle n'aurait surtout pas osé de lui dire que ça la dérangeait. Elle lui devait tant. Elle l'avait hébergée quand elle était entrée illégalement à Ryugu, huit ans plus tôt.

Kelda était une sirène de type orque. Sa queue n'était pas écailleuse mais douce et parsemée de taches blanches et noires. Une queue d'orque en fait. C'était rare et de moins en moins de bébés naissaient avec ce type. Dès qu'il y en avait un, les Shirus le prenaient. C'étaient d'autres sirènes et tritons qui avaient décidé de vivre isolés dans leur propre royaume avec leurs propres lois. Ils étaient réputés pour avoir fait de garder toutes les connaissances des sirènes et des tritons leur devoir. Ils vivaient en autarcie complète et n'avaient aucun lien avec Ryugu. Leur existence était même cachée aux habitants de Ryugu.

Elle était née à Ryugu mais avait été emmenée à Shiru quand elle n'était qu'un bébé. Elle ne se souvenait pas de ses parents, que des infirmières à Shiru. Ils n'étaient que trois enfants à Shiru : elle, Jabal et Arvia. Elle les appelait ses frères et soeurs même s'ils ne l'étaient pas vraiment. Jabal avait cinq ans de moins qu'elle et Arvia, neuf ans de moins. Même si leur cause était noble, les Shirus étaient loin d'être des gens sympathiques. Ils étaient durs avec les enfants, arrogants et n'hésitaient pas à utiliser du lavage de cerveau et de la privation contre les rebelles et ceux qui ne rentraient pas dans le moule.

Elle avait 12 ans quand Shiru avait été détruite. Par de cruels humains. Les Dieux sels savent comment ils les avaient trouvés mais ils avaient tué tout le monde et comme il n'y avait personne pour les protéger (les règles du royaume stipulaient que chaque personne devait exercer un métier demandant beaucoup de connaissances), ils avaient été à la merci de leurs agresseurs. Une explosion avait gravement blessée Kelda. Elle était terrifiée. Les infirmières qui avaient survécu à l'explosion avaient essayé de les aider à s'échapper. Comme elle était la plus vieille, Kelda était la plus rapide mais Jabal avait eu trop peur pour bouger et Arvia était trop petite pour la rattraper. La dernière fois qu'elle les avait vus, Jabal était par terre, immobile, et Arvia criait devant le pirate qui s'apprêtait à la massacrer. Kelda avait réussi à atteindre Ryugu, une sirène l'avait trouvée et l'avait emmenée chez Madame Shirley. Celle-ci l'avait aidée à enterrer ses frères et soeurs dont elles avaient retrouvé les corps quelques jours plus tard. Madame Shirley avait par la suite décidé de la garder. Elle lui avait donné un toit, un travail et une éducation meilleure que certains enfants de Ryugu.

Mais sa vie à Ryugu n'était pas toujours rose. Elle avait du mal à se faire des amis. Elle parlait à peu de personnes au Café à part Madame Shirley. Elle passait la plupart de son temps à guérir des animaux blessés que le Centre de Protection lui envoyait. Ils lui avaient trouvé une grande empathie et facilité avec les animaux. Kelda faisait aussi quelques tâches au Café : elle nourrissait les poissons et chantait pendant les évènements spéciaux que Madame Shirley organisait au Café. Elle la protégeait beaucoup. Elle savait que Kelda pouvait avoir des crises de panique à n'importe quel moment. Elle savait que Kelda se mutilait pour oublier la douleur qui la consumait de l'intérieur. Elle savait à quel point les autres pouvaient la blesser sans s'en rendre compte. Les quelques relations qu'elle avait eu le prouvait. Madame Shirley essayait toujours de lui montrer qu'elle avait de la valeur. C'est aussi pour ça qu'elle était la seule chanteuse au Café, parce que Madame Shirley disait qu'une chanteuse était une gâterie pour les occasions spéciales. Pour la faire se sentir mieux.

C'en était une ce jour-là. La famille royale venait, Neptune et les princes : Fukaboshi, Ryuboshi et Mamboshi. Madame Shirley avait l'habitude de ces visites impromptues. Ils aimaient y venir pour se détendre. La dernière fois qu'ils étaient venus, Kelda était trop jeune pour chanter mais cette fois, Madame Shirley avait une demande spéciale. Elle voulait que Kelda leur chante une chanson qui rappellerait la défunte reine Otohime. Elle voulait ainsi montrer sa loyauté au souverain. Kelda avait choisi Cher rêve. C'était une très belle chanson qui évoquait un beau souvenir. Elle ne pouvait pas chanter n'importe quelle chanson devant la famille royale : seules de vieilles chansons écrites dans un vieux dialecte que seule la Famille Royale et les chanteurs comprenaient étaient autorisées.

Kelda commença son maquillage. Elle mit un mélange de vert et de bleu sur ses paupières et ajouta un trait brun. Elle voulait que l'attention soit focalisée sur ses yeux. Quand elle eut fini, Madame Shirley mit une main sur son épaule.

- T'es prête, Kelda ?

- Je pense que oui.

- N'oublie pas que tu dois leur évoquer la reine Otohime.

Alors que Kelda prenait des bandes de soie pour cacher les cicatrices fraîches sur ses bras, Madame Shirley la regarda, déçue.

- Tu ne vas quand même pas mettre ça ?

- Je ne veux pas qu'on les voit, murmura l'autre.

- Personne ne regarde aux bras des gens, mais bon.

Kelda ne répondit pas et Madame Shirley partit. Elle entendit la musique commencer et en déduit qu'elle avait dû commencer le spectacle avec seulement les danseuses. Elle se faufila pour voir la salle et aperçut la famille royale sur le balcon et les autres clients à leurs places habituelles. Elle respira profondément et tenta de se calmer. La seconde danse se termina. C'était son tour.