Tu ne peux pas me sauver de ma propre colère

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Ces rencontres devinrent presque une habitude : Kelda se rendait régulièrement à la Forêt Marine où elle rencontrait Fukaboshi et ils se mettaient à parler pendant des heures. Ces moments merveilleux durèrent pendant de nombreuses semaines. Ils se partagèrent beaucoup de choses. Kelda parlait de son passé, des choses qu'elle rêvait d'apprendre et des poissons qu'elles guérissaient. Lui parlait de sa famille, de ses devoirs de prince et des rêves de sa mère. Ce jour-là, il parlait de Vander Decken.

- C'est ce pirate qui harcèle ma soeur, dit-il et Kelda sentit toute la colère qu'il avait en lui.

Elle essaya de le calmer.

- Je n'ai jamais entendu parler de lui. Il doit se réfugier très loin d'ici.

- C'est vrai mais il envoie souvent son géant ici pour faire du repérage.

- Un géant ? Très grand avec une barbe et des dents qui lui manquent ?

- Oui.

- Alors je l'ai rencontré une fois.

- Comment t'as fait pour t'en sortir ?

- Tu sais, le truc, quand t'es très faible, c'est de faire exactement l'inverse de ce qu'on devrait faire devant un danger.

- OK, qu'est-ce que ça veut dire concrètement ?

- Ben, quand je l'ai vu, un de mes poissons lui est foncé dedans. Je suis juste allée le récupérer, je me suis excusée et je suis partie. Après, j'ai fait attention pour ne pas le recroiser.

Il rit.

- Je ne sais pas si t'es inconsciente ou très chanceuse.

- Inconsciente, probablement, rit-elle.

Ça se passa ainsi pendant plusieurs mois. Fukaboshi devint presque plus qu'un ami pour elle. Mais tout n'allait pas aussi bien dans le royaume de Ryugu. On parlait de plus en plus de Hody Jones, un pirate qui avait dirigé la garde royale quelques années plus tôt. Les gens aimaient sa vision des humains. Toute la colère qu'ils avaient accumulé depuis la mort de la reine Otohime ressurgissait enfin. Kelda essaya de tout ignorer car Madame shirley lui avait dit de ne pas s'impliquer dans des affaires du genre, mais tout ça la touchait quand même un peu. Elle avait de plus en plus de flashbacks de la nuit où Shiru avait été détruite. Les visages des humains ayant tué ses frères et soeurs la hantaient. Elle commença à détester les humains plus que jamais. Elle n'avait pas de sympathie particulière pour Hody Jones et son équipage, mais elle trouvait leur combat légitime.

Kelda n'en parla jamais ouvertement à Fukaboshi. Elle savait qu'il voulait accomplir le rêve de sa mère alors elle en déduisit qu'il serait contre Hody Jones et sa doctrine. Et le temps qu'ils passaient ensemble était si agréable et la faisait sentir si bien qu'elle ne voulait pas le gâcher. Ce jour-là, encore, ils parlaient et riaient ensemble pendant que Kelda entraînait un fugu. C'était aussi agréable que d'habitude, mais Kelda sentait que Fukaboshi était plus tendu que d'habitude.

- Tout va bien ? demanda-t-elle doucement. T'as l'air un peu tendu.

Il soupira. Il aimait et détestait à la fois comment Kelda pouvait deviner aussi facilement comment il se sentait. Il s'inquiétait des nouvelles qui circulaient à Ryugu.

- Je suis inquiet. Ryugu devient dangereux. Tu devrais faire attention quand tu sors.

- Pourquoi ?

- Hody Jones devient de plus en plus puissant. J'ai peur qu'il tente quelque chose, ce gars est dangereux.

- Il l'est vraiment ? dit-elle après un moment de silence.

Parce que même si Kelda ne l'appréciait pas tellement en tant que personne, elle n'aimait pas le fait que Fukaboshi le dépeigne en tant que méchant de l'histoire.

- Je veux dire, les choses qu'il revendique sont plutôt compréhensibles, je trouve, dit-elle en remettant le fugu dans sa cage.

- Il hait les humains, il veut tous les tuer !

- Est-ce que ça serait si mal, honnêtement ? dit-elle un coup avec colère.

Fukaboshi la regarda, moitié confus et moitié fâché à propos de ce qu'elle venait de dire.

- Les humains ont fait de nous des esclaves, ils nous traités comme des animaux durant tout ce temps !

- Ces temps sont révolus maintenant, dit-il. Maintenant, on a la chance d'amener la paix à tous les Hommes Poissons !

- OK, si c'était que ça, je pourrais l'accepter mais...

Tous ses souvenirs sur la destruction de Shiru lui revinrent en mémoire. Elle commença à s'éloigner, sentant ses émotions pendre le dessus. Fukaboshi la suivit.

- Mais quoi ? Tu penses que les détester va régler le problème ? Comment tu sais avec certitude qu'ils sont tous aussi cruels ? s'écria-t-il.

- Tu ne comprends pas ! hurla-t-elle.

Il s'arrêta net. Des larmes noyaient son visage et l'expression de son visage montrait quelque chose qu'il n'avait jamais vu auparavant. De la colère. Du désespoir. Tellement que ça couvrait la tristesse. Il comprit enfin pourquoi Kelda avait toujours l'air aussi triste : c'était parce que toute la colère et la souffrance qu'elle avait à l'intérieur était trop puissantes pour être exprimées simplement.

- Ils ont tué tout ce que je connaissais, la seule famille que j'ai jamais eue, cria-t-elle entre ses sanglots. Ils ont tué mes raisons de vivre chaque jour. Ils ont détruits une cité qui, même si elle n'était pas gouvernée par les meilleurs gens, ne les avait jamais menacé. Même si je le voulais, je ne pourrais pas leur pardonner pour ce qu'ils m'ont fait.

- Kelda, dit-il en hésitant. Il y a d'autres moyens...

- Va-t-en !

Il essaya de dire quelque chose mais aucun son ne sortit de sa bouche.

- Va-t-en, continua-t-elle de crier en s'effondrant sur le sol. Va-t-en !   

Elle cria si fort que les autres gens commencèrent à les regarder. Fukaboshi ne pouvait pas rester là. Pendant qu'il s'en allait, se sentant très mal, il entendit Kelda murmurer :

- Je ne veux plus te voir...

Il sentit comme une dague lui percer le coeur. Il trébucha presque et eu besoin de faire besoin dès la sortie de la Forêt Marine. Il réussit à rejoindre le château et se barricada dans sa chambre. Il s'assit sur son lit et mit sa tête entre ses mains. Il ne sortit pas avant le matin suivant. Il était trop touché par ce qu'il venait de se passer.

Les cicatrices de l'océan (Fukaboshi x OC)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant