chapitre 15

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Rien que le fait d'être avec la personne que l'on aime est largement suffisant pour illuminer toute une vie. Que cette liaison soit bien ou mal perçue, l'excitation que procure la volonté de rester au côté de la personne aimé quelque soit le prix à payer suffit largement pour effacer toute suspicion pouvant emmener à douter ou même remettre en cause la pérennité de la liaison. Contre vents et marée, ils ont tenu bon. Aujourd'hui, même si la relation est mieux tolérée par tous, c'est avec beaucoup de retenue que les gens y avancent et guettent tous avec impatience le jour où cette idylle virera au drame et leur donnera raison face à l'entêtement de Aminata qui s'obstinait toujours à y croire. C'est vrai! Aujourd'hui la source de tous leurs problèmes ne résident que sur la capacité de Momo à rester fidèle et à se suffir de sa douce petite amie. Mais la liste de leurs problèmes n'en était qu'à son début. À force de se coller à lui, de regarder à la loupe tous les aspects de son existence, Aminata en découvre chaque jour un peu plus. Souvent des questions qui ne demandaient qu'une simple explication mais parfois il se prenait la tête au point que leur dispute pouvait durer des heures et des heures sans se parler ou même se lancer un tout petit regard mais ils se retrouvaient toujours. Une chose dans l'existence de Momo ne pouvait n'y appartenir au passé, ni se limiter au présent: son âge. Momo était relativement autoritaire. Cette situation ne pouvait déplaire à Aminata tant que dans sa conception de lui, elle le représentait comme un homme mûr et mature. Mais découvrir que cet homme qu'elle aime à ne plus pouvoir s'en passer pouvait avoir l'âge de son petit frère avait juste bouleverser un pilier fondamental. Par amour, Aminata survolait toujours la question. Elle n'en parlait jamais, mais cet aspect compromet son comportement et revient en boucle encore et encore dans sa tête. Elle se posait beaucoup de question quant à leur avenir. Nous sommes dans une société où, il est quasi inconcevable de parler de mariage entre deux personnes lorsque la femme est plus âgée que l'homme. Pourtant l'exemple du prophète(psl) avec Khadija suffit pour faire de cette situation une réalité. Seulement, la perception commune voudrait que  l'on traite ces femmes amoureuses d'un homme plus jeune d'une simple cougar. Elles sont jugées, dénigrées et pourtant, ce sont ces mêmes bourreaux qui souvent, exalte fièrement ce dicton qui suffit largement à imposer cette forme d'amour: "l'amour n'a pas d'âge". En vérité, rare sont les personnes qui y croient réellement et vivent avec cette idéologie sans se soucier des troubles fêtes qui s'expriment sur tout et qui ne maîtrisent absolument rien. Survivre à une trahison ne pouvait signifier que tous les autres aspects de leur relation ne pouvaient la bouleverser. Parfois, c'est les toutes petites choses sans intérêts, qui petit à petit, ronge des piliers du compagnonnage et laisse des séquelles qui s'accumulent avec le temps. Cette question ignorée depuis le début est aujourd'hui source de discorde.
Momo, toujors dans sa logique de toujours faire plaisir à sa douce moitié, s'activait pour la réussite de cette sortie qu'ils avaient tant préparé et qui donnera une occasion de se redécouvrir charnellement, et psychologiquement. Pour cette fois, il avait porté son choix au Lac Rose non loin de la ville de Dakar et qui est un cadre juste somptueux pour tout ce qui veulent passer  un moment de détente avec leur dulcinée.

#Momo
Tout est fin prêt. Je ne vois pas seulement ce samedi comme une simple sortie comme toutes les autres, mais une occasion de plus pour montrer à Aminata à quel point je l'aime et que je suis prêt à tout pour elle. Mon âge commence à poser un sérieux problème dans notre couple, mais je sais qu'elle m'aime et qu'elle a  besoin que je la rassure quant à mes bonnes intentions. Je sais que c'est prétentieux de ma part, vu mon âge de vouloir la convaincre de croire en cette relation malgré toutes ces choses suffisantes à nous convaincre du contraire, mais je l'aime au plus profond de mon être et je compte bien prendre soin delle jusqu'à ce qu'elle devienne ma femme.
Oui! ma femme.
Je n'ai plus aucun doute concernant notre avenir. Je sais que je n'ai même pas les moyens pour me marier là maintenant, mais je suis prêt à me sacrifier et à tout faire pour que mon souhait se réalise. Ma mère me  toujours de faire attention, que cette amour pourrait nous perdre tous les deux et qu'elle ne voyait point d'avenir dans cette relation. Non pas qu'elle n'était pas d'accord, mais elle avait peur que le poids des préjugés de la société ne déteigne sur nous. Je prenais bien en compte ses avis et suggestions, mais je ne pouvais en aucun cas, renoncer à Aminata uniquement, en me basant sur des suppositions même si elle est ma mère et ma seule conseillère. Je suis sortie du campus vers 18h pour aller passer la nuit chez moi. Cela fait une éternité que n'y étais pas retourné. Cela me paraissait plus ou moins normal dans la mesure où mon coeur et toutes mes pensées était juste focalisés sur ce que je vivais sur place. Ma mère me manquait beaucoup, et même mon père. J'ai fini par prendre goût à ses disputes et ses cris. C'est sur le chemin, juste en face du jardin devant la grande porte que je suis tombé sur Fary. Elle s'était volatilisée depuis un bon moment et je ne la voyait presque plus. Nous avons marché ensemble juste le temps de traverser la route. Elle se rendait à la brioche dorée pour rencontrer quelqu'un disait elle. Dans le timbre de sa voix, je pouvais entendre qu'on avait quelque chose à se dire. Mais apparemment cela pouvait attendre. Le minibus numéro 38 est arrivé après quelques minutes d'attente, et comme toujours, il grouillait de monde. Parfois, les passagers sont tellement entassés qu'on peut littéralement sentir les odeurs noséabondes de sueur et de fatigue qui se mélangent. C'est juste insupportable. Les bus sont les calvaires de tout ce qui ne peuvent simplement pas se payer un taxi ou jouir de leur propre véhicule.
Le paysage qui m'était tant familier défilait sous mes yeux et je me remémorait des séquences de mon enfance. Quand nous nous évadions pour la plage de Mermoz qui nous était pourtant interdite. Nous marchions des kilomètres sans nous soucier des dangers qui pouvait nous guetter sur la route ou même la foudre qui allait s'abattre sur nous une fois de retour. Cette insouciance nous procurait une montée d'adrénaline juste indescriptible. Nous sentir indépendant pour échapper au poids de la solitude qui régnait dans presque tous les quartiers de la sicap était notre seul et unique fil conducteur. Je me souviens une fois avec mes amis d'enfance Ado et Modou nous avions emprunté ce même chemin à l'heure de l'école coranique et avions créé une frayeur juste indescriptible dans tout le quartier. J'avais 9ans, et pour la première fois je venais d'expérimenter la fugue. Conduit par la fougue, c'est vers 23h que j'avais débarqué et j'avais reçu un choc dont je me souviens toujours quand je suis tombé sur ma mère qui marchait toute seule dans les rues de Dieuppeul en criant mon nom de toutes ses forces sous le regard de quelques spectateurs qui étaient certainement sortis pour voir ce qui se passait. Quand elle m'a apperçu, elle m'avait serré fort dans ses bras en murmurant la voix toute tremblante "alhamdoulilah, Alhamdoulilah". Je m'attendais à ce qu'elle crie, qu'elle m'insulte ou même me batte mais rien de tout ça. Elle se réjouissait de m'avoir revu et je pouvais déceler dans son regard, la joie qu'elle ressentait et la peur qui ne l'avait toujours pas quitté. Entre-temps, j'en ai fait des bêtises mais plus jamais je n'avait quitté la maison plus de 2h sans qu'elle ne le sache.
À la maison, après plus d'une heure à discuter avec mon père sur les raisons qui m'ont retenu à l'Université depuis tout ce temps, je rejoins aussitôt ma mère dans le salon. Couché sur le canapé, elle est juste impériale lorsqu'elle adopte cette position. Dans son grand bobou blanc orné par des rubans multicolores, elle s'allonge complètement de côté et utilise sa main gauche posé sur l'oreiller pour soutenir sa tête tout en fixant la télévision dans un silence presque assourdissant.

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