XI

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Nous marchons jusqu'à la plage, enfin je suis plutôt les autres jusqu'à la plage. Les feux d'artifices vont pas tarder à exploser et il paraît qu'on a une jolie vue de la plage.

Vincent marche à côté de moi, un bon mètre nous sépare alors qu'il continue d'avancer, tête baissée. Je me sens mal, parce que je lui ait foutu un stop sans le vouloir devant tout le monde. Je suis horrible.

Et le pire dans tout ça c'est qu'il croit que je ne l'aime pas. Mon dieu s'il savait.

« tu m'en veux ? » je chuchote en me rapprochant au maximum de lui.

Nos mains s'effleurent, se touchent, se caressent puis je finis par les lier entre elles.

« je peux pas t'en vouloir. J'ai pas le droit.
- si tu as le droit. Tu as le droit parce que j'ai été idiot, je t'ai humilié devant les autres et le pire dans tout ça c'est que je ne le voulait pas parce que.. »

Mais rien ne sort. Les mots ne veulent pas être prononcés.

« te force pas. Vraiment. »

Je sens une pointe d'agacement dans sa voix, et je le comprends totalement. Moi même j'aurais été agacé à sa place.

« je me force pas. Je veux te le dire parce que je le pense vraiment.
- on a tout notre temps, te presse pas.
- ce que je veux dire Vincent c'est que-
- OH UN ZOZIOOOO ! »

On se retrouve interrompus, c'était prévisible.

« ta gueule Marine.
- OÙ LE ZOZIOOOO ?, hurle Maxence à son tour.
- c'est les feux d'artifices qui comment bande de cons. »

Maxence et Marine se sont bourrés la gueule entre temps, va savoir comment ils ont fait pour se trouver une bouteille. Surtout que je pensais que Maxence ne buvait pas d'alcool.

Nous partons nous asseoir et je prends place à côté de Vincent, ses doigts toujours enlacés aux miens. Je voudrais lui parler, lui dire que le sentiment est réciproque. Ce serait romantique non ? Un premier baiser devant les feux d'artifices mais je n'y parvient pas.

Les pétards font un bruit tellement fort que j'arrive à peine à m'entendre penser. Alors je me contente de les admirer, en essayant de prévoir ce que je vais dire à Vincent après ce spectacle.

Je l'aime, je veux qu'il le sache, qu'il sache que je ne voulait pas l'humilier, que je ne savait pas que la chanson était pour moi.

Je pousse un soupire. C'est dur d'être amoureux, je sais jamais comment je dois m'y prendre avec lui. J'ai jamais été amoureux avant lui. Je dois être ridicule.

« Rémi ? »

Je suis sorti de mes pensées par une voix à peu près familière. Je lève le visage pour tomber sur Lucas. Les autres sont déjà partis et les feux d'artifices sont terminés.

« tout va bien ?
- oui, ça va. »

C'est drôle qu'il demande ça, on a jamais vraiment eut l'occasion de se parler en seul à seul. Il tend la main pour m'aider à me relever et je l'attrape, manquant de le faire tomber de peu.

« tu veux parler de ce qu'il s'est passé avec Vincent ?
- comment ça ?
- je sais pas, tu lui a un peu foutu un râteau devant tous ses amis. Comment il l'a pris ? »

Je soupire une fois de plus. Je déteste ça, je ne lui ai pas foutu de râteau, du moins pas directement. Je ne voulait pas, je ne savais pas.

« écoute j'ai pas envie d'en parler, je ne voulait pas lui foutre un râteau, encore moins devant tout le monde. Je le jure je n'avais pas compris que cette chanson s'adressait à moi.
- pourtant tous les signes le montrait. »

Je commence à sentir la colère me monter, sans aucune raison.

« écoute mets toi à ma place ne serait-ce que cinq secondes ! Le mec que j'aime me fait une déclaration en chanson, ok mais imagine qu'en suite, il te fasse comprendre explicitement que la chanson était pour toi, devant tous ses amis. Imagine tous les regards braqués sur toi alors que tu détestes être au centre de l'attention, imagine tout le monde attendre impatiemment ta réponse alors que toi tu peines à mettre de l'ordre dans tes pensées parce que tu es extrêmement gêné à l'idée que tout le monde te regarde toi. »

Je reprend mon souffle, épuisé par toutes ces paroles débitées sans trop y réfléchir.

« oh. Je vois. Tu devrais vraiment lui en parler, tu sais.
- je le sais.
- bon je te laisse tranquille, bonne nuit Rémi. »

Je hoche vivement la tête en murmurant un vague « bonne nuit. »

J'essaie de mettre de l'ordre dans mes pensées mais c'est déjà peine perdue. D'autant plus que demain matin je vais voir Florie. Ma petite fleur. J'ai tellement hâte mais d'un autre côté j'appréhende beaucoup ce qui va se passer. Comment va-t-elle réagir en me voyant ?
Mal. Sûrement.

~

« elle dort ?
- je sais pas si elle dort, elle est direct partie dans sa chambre.
- ok merci pap-
- mais laisse la tranquille.
- pourquoi ?
- laisse la je te dis. »

Je soupire en hochant la tête. Je déteste quand il me donne des ordres comme ça, j'ai le droit d'aller voir ma petite sœur quand même c'est pas à lui de m'autoriser d'aller la voir ou non.

Je finis par me plier à ses ordres et je vais dans ma chambre pour me coucher. Il m'énerve.

~

« alors ? ta sœur ?
- c'est pas vraiment pour ça que je voulais qu'on parle. »

Je passe une main dans mes cheveux encore trempés par l'eau de mer, tout s'est bien passé.

« ça va. elle m'en a voulu, on a discuté et ça s'est arrangé, c'est mieux que ce que j'avais imaginé.
- je suis content pour toi.
- ça va ?
- oui. »

Mais tous les signes prouvent le contraire, il évite mon regard, sa voix est plus glaciale qu'un iceberg et il ne sourit même pas un peu.

Je suis vraiment le pire des idiots.

« je vais y aller, déclare-t-il.
- tu veux pas qu'on retourne à l'eau ? Les vagues sont parfaites aujourd'hui et le vent est pas trop fort mais pas inexistant. C'est le temps idéal.
- non j'ai autre chose à faire. »

J'ai à peine le temps de murmurer un petit « mais » qu'il a déjà disparu, sa planche sous le bras. Je soupire. J'ai vraiment été un sale con avec lui.

Bon tant pis je me la ferais tout seul cette session de surf.

Alors je pagaie avec mes bras jusqu'à arriver juste devant une bonne vague, j'attends un peu puis commence à rider.

À peine je suis sur la planche que toutes mes pensées semblent se noyer dans la mer, plus rien. Juste l'eau, ma planche et moi. Pas de mère disparue qui du jour au lendemain ne vous parle plus, pas de père difficile, pas de petite sœur qui fugue à 9h de chez vous, pas d'histoire d'amour compliquée. Juste une ride.

Rémisolation | AliexOù les histoires vivent. Découvrez maintenant