III

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La nuit est faiblement éclairée par un lampadaire, juste à côté de la plage. Devant le petit muret qui sépare la petite rue déserte du sable.

Moi, je suis assis dans le sable, adossé au muret, juste en dessous du lampadaire avec mon carnet et un stylo entre les mains.

J'ai pas réussi à m'endormir, comparé à hier soir alors je suis descendu ici en douce. Mes parents aiment pas que je sorte seul le soir alors je leur dis que je vais retrouver des amis et ça leur suffit.

J'entends des rires bruyants venir de la plage. Ce sont encore les adolescents de ce matin. Ils doivent avoir mon âge et forment une bonne bande de potes. Ils sont assez nombreux.

Une fille a son bras autour des épaules d'un garçon auquel elle se tien pour pas tomber. Dans son autre main se trouve une bouteille d'alcool. Je la reconnais à son rire, c'est la fille que j'ai croisée ce matin, Marine.

J'inspecte chaque personnes présentes dans leur groupe. Le gars à côté d'elle est de taille moyenne, cheveux mi longs, bouclés et clairs avec une casquette. Ce qui est complètement con puisqu'il y a pas de soleil.

Un gars les suit d'un peu plus loin, il tiens une guitare acoustique dans sa main et se recoiffe de l'autre. Il est pas bien grand non plus.

Une fille se tiens à ses côtés, sûrement la plus grande de leur groupe, je devine des cheveux colorés dont la couleur reste inconnue à cause de la distance entre eux et le lampadaire.

Deux gars se tiennent la main, au milieu du groupe. Un petit aux cheveux courts et un brun un peu agité, sûrement bourré.

« Max arrête de gesticuler ! Et toi arrête de glousser vous allez réveiller tout le village avec le bruit que vous faites. »

C'est le plus petit aux yeux clairs qui vient de parler. Je suppose qu'il est SAM et qu'ils viennent de sortir d'une soirée.

Marine se remet à glousser face à sa remarque.

« occupe toi de ton copain au lieu de me dire quoi faire ! »
Elle parle tellement fort que je l'entends d'ici.

Le gars à qui elle s'est adressé grogne quelque chose alors qu'ils traversent la plage et s'en vont je-ne-sais-où.

J'aurais bien aimé avoir une bande de potes moi aussi, sortir tous les soirs, essayer l'alcool, les clopes, la drogue. Juste pour savoir ce que ça procure comme sensations.

Être tellement bourré au point de ne pas réussir à marcher correctement et devoir me tenir à quelqu'un.

Passer ma soirée à discuter avec mes amis et rigoler, finir sur la plage à deux heures du matin et me réveiller les pieds dans l'eau à côté de mes potes.

Mais j'ai rien de tout ça, j'ai une vie banale où toutes les journées se ressemblent à quelques exceptions près.

Mes journées se résument à me lever, aller à la plage, surfer, observer le beau surfeur, rentrer manger, écouter de la musique, jouer de la guitare en observant la mer posé dans la véranda, et écrire toute la nuit des paroles de chansons que je ne chanterai jamais.

C'est une routine qui s'est installée. Ma mère me disait : « il faut tenter de nouveaux trucs si jamais tu veux pouvoir sortir de cette routine. » mais qu'est ce que je dois faire ? Aller acheter du pain à la supérette ? C'est ça, tenter des trucs ? Proposer de devenir amis au joli surfeur ? C'en est un autre ?

Je sais pas, j'en sais rien. Mon été s'annonce merdique. Rester dans ce village paumé quelque part à côté de la mer.

Des bruits de pas sur le béton me sortent de mes pensées. Je suis pas du genre à flipper pour un rien mais quand il est plus de trois heures du matin et que tu es seul avec quelqu'un d'autre dans une ruelle vide ça a de quoi te faire flipper.

Je me lève, mon cœur battant tellement fort à l'idée que je me fasse kidnapper par un psychopathe. Je m'apprête à taper le sprint de ma vie jusqu'à chez moi.

Je lance un regard par dessus le muret, puis je cours aussi vite que mes pieds nus sur le béton me le permettent. Je rentre et ferme la porte à clefs en vitesse. Ma mère n'est pas sur le canapé, pour une fois.

Quand je me retourne, je me rend compte que j'ai oublié mon sac avec mon carnet et mes chaussures à la plage. Non mais quel boulet je fais.

Bon tant pis. J'irais les chercher demain avec un peu de chance le kidnappeur va les laisser à leur place.

De toute façon qu'est ce qui pourrait l'intéresser entre un vieux carnet avec du cuir écaillé rouge, un stylo bille et une paire de tongues ?

Sûrement rien. Je vais dans ma chambre où j'ouvre la fenêtre et met la moustiquaire pour éviter de me faire bouffer par les moustiques.

Je me pose sur mon lit, écouteurs dans les oreilles et je laisse passer le temps.

Le soleil brillait déjà de bon matin, je retire mes écouteurs et me lève de mon lit.

Je me déshabille et me change afin de me retrouver en combinaison. Ma mère avait peut être raison, il faut que je tente des trucs si je ne veut pas passer mon été à faire toujours les mêmes choses.

Je voulais prendre mon carnet pour écrire des choses à tenter cet été puis je me suis rappelé que je l'ai oublié à la plage hier soir.

Je descends et je constate avec surprise que ma mère n'est ni dans sa chambre, ni en bas en train d'écrire sur son ordinateur. Florie est toujours là, sa musique sur son lecteur vinyle à fond.

Je me sers un verre de jus d'orange, et je pars me laver les dents après avoir attendu que le goût soit passé.

Ça me stresse un peu que ma mère soit pas là, à cette heure elle dort généralement. Bon elle a du sortir tenter des trucs, elle aussi je suppose. Faut pas que je m'en fasse.

Je prend ma planche puis je sors de chez moi avec l'idée de retrouver mon précieux carnet.

Mais quand je suis arrivé à l'endroit où j'étais hier soir, j'ai constaté qu'il n'y avait plus rien. Ni mon carnet, ni mes chaussures, ni mon sac, super.

Ok ça doit être le psychopathe de hier soir qui les as prit. Ou bien quelqu'un a du les retrouver ce matin et les amener à la petite maison/supérette juste en face de la plage. Ouais, c'est sûrement ça.

Je suis rentré dans la supérette où se trouvait mon sac, derrière le comptoir. Je suis resté là pendant dix bonnes minutes à le regarder et à me demander ce que je devrais faire. Le gérant doit sûrement être dans la partie maison de la supérette soit, de l'autre côté de la porte entre-ouverte.

Je me suis penché sur le comptoir, le bras tendu afin d'attraper mon sac, l'autre tenant toujours ma planche.

Une main m'a violemment attrapé mon bras valide et avant que je n'ai pu dire quoi que ce soit, j'ai entendu la voix du gérant de la supérette.

« qu'est ce que tu fais, voleur ? »

J'ai relevé la tête vers lui, c'est le mec le plus corpulent que je n'ai jamais vu. Il a les cheveux gras noirs arrivant jusqu'aux dessous oreilles, recouverts par une casquette décorée aux couleurs de l'enseigne qu'il tient. Blanc comme un lin, une barbe de trois jours pousse un peu de partout sur son menton.

« je viens récupérer mon sac. »

Il me lance un regard méfiant. Comme si ça intéresserait quelqu'un de voler un sac avec un stupide carnet et une paire de tongues décolorées.

Il finit par (enfin) me lâcher la main et me tend mon sac. Je le remercie et je sors de la supérette avec l'idée d'aller le ranger chez moi.

J'ouvre mon sac et ne trouve que ma paire de tongues et mon stylo. Je reste un moment comme ça avant de me rendre compte qu'il manque un truc, le truc le plus important.

Mon carnet.

Rémisolation | AliexOù les histoires vivent. Découvrez maintenant